Dans notre dernière lettre en date du 7 janvier et intitulée « La xénophobie est à la mode », nous nous inquiétions de la banalisation du rejet et de la peur de l’autre. Certains des messages reçus après cette lettre nous confortent dans l’idée qu’il y a là une bataille politique à mener : celle de la question sociale, qui se préoccupe de l’égalité, contre la question sociétale, qui se préoccupe de l’identité. La décroissance a donc quelques pistes pour « grand remplacer » l’extrême-droite :
- Préférence pour l’altérité contre préférence nationale : parce que vivre ensemble ça n’est pas vivre uniquement avec des gens qui nous ressemblent.
- Pluriversalisme contre occidentalisation des mœurs : pour un universel qui n’érige pas la particularité occidentale comme modèle ni ne tombe dans le piège du relativisme culturel : un universalisme en construction permanente et nourri de la diversité, à la recherche de notre commune humanité.
- Civilisation du temps libéré contre éloge du travail et de l’esprit d’entreprise : pour un revenu inconditionnel accordé à tout membre de la société, sans aucune exclusion et accordé sans contrepartie « laborieuse ».
- Goût pour les limites contre technosolutionnisme : quand bien même nous trouverions des solutions techniques aux problèmes écologiques, nous questionnerions les impacts de ces technologies sur la vie sociale.
- Décolonisation contre rémigration : défense d’une triple émancipation : de la nature, des femmes et des colonies, que le capitalisme considère comme des ressources gratuites et illimitées.
- Écologie contre survivalisme : pour se réinstaller dans les interdépendances avec le vivant et la nature.
- Égalité contre sécurité : la première des libertés n’est pas la sécurité mais l’égalité : la première décroissance est donc celle des inégalités.
- Priorités aux activités de soin plutôt que ressentiment contre l’assistanat : parce que sont les activités de conservation et de reproduction de la vie de la société qui comptent réellement et qui sont « la plateforme », « la base » sur laquelle toute activité productive repose.
- Biorégionalisme contre souveraineté nationale : pour des territoires qui ne soient pas des espaces d’exclusion politique définis par des frontières arbitraires mais dessinés par des limites géographiques prenant en compte les communautés humaines et les écosystèmes.
- Démocratie contre illibéralisme : contre certaines faiblesses de la démocratie représentative c’est toujours de la démocratie qu’il faut (assemblées populaires, part de démocratie directe, encadrement des mandats, jurys citoyens…) et non pas une remise de nos destins aux mains d’une figure providentielle et autoritaire.
Si ces belles valeurs veulent pouvoir arriver à réellement contrer celles de l’extrême-droite, à cette époque de grande insensibilité politique, il faut se demander pourquoi aujourd’hui personne ne les écoute : c’est tout l’intérêt de réfléchir aux racines du mal : celle de la domination du régime de croissance, qui neutralise les effets du discours des valeurs par toute une série d’outils de dépolitisation (individualisme, neutralisme institutionnel, horizontalisme…)
Amitiés xénophiles renouvelées