La question de l’anticapitalisme de la décroissance n’est pas une question oubliée mais c’est une question esquivée. Soit par ceux qui y voit une évidence, pour qui la décroissance est évidemment anticapitaliste : on peut ainsi lire sur la page d’accueil du site Degrowth.info, que « la décroissance est une idée qui critique le système capitaliste mondial qui poursuit la croissance à tout prix, entraînant l’exploitation humaine et la destruction de l’environnement ». Soit par ceux pour qui ce n’est pas une évidence que la décroissance soit politisée : c’est souvent dans les « alternatives concrètes » que l’on pourra repérer cette dépolitisation.
Et pourtant, à partir du moment où on commence à soupçonner qu’il ne faut pas confondre le système capitaliste et le monde de la croissance – ce qui n’interdit pas des interactions fécondes -, alors il n’y a plus qu’un pas pour arriver à distinguer entre une critique anticapitaliste et une critique décroissante.
De l’intérêt de passer à la décroissance quand on est anticapitaliste
L’anticapitalisme tronqué est cet anticapitalisme qui ne prend acte ni de ses échecs théoriques ni du tournant consumériste de l’entre-deux-guerres et qui surtout passe à côté du déploiement à partir des années 1950 d’une économie de la croissance dont l’hégémonie tient fondamentalement à l’emprise que le « régime de croissance » exerce sur tous les rapports sociaux et écologiques : pas simplement sur les rapports de production, mais aussi sur les rapports de consommation et de divertissement.
De l’importance de s’intéresser au capitalisme quand on est décroissant
Il y a beaucoup de leçons à tirer du capitalisme, en particulier sa remarquable capacité à s’adapter et à dépasser ses contradictions internes. Et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui, il est encore désirable pour beaucoup.
Pour autant, même si le capitalisme a besoin de la croissance pour faire supporter ses inégalités, il serait politiquement erroné de confondre une société dominée par une économie capitaliste et une société de croissance.
La décroissance au-delà de l’anticapitalisme
Par Michel Lepesant
Où on s’aperçoit que si l’hégémonie de la croissance dépasse la domination capitaliste, alors la décroissance ne peut pas se contenter d’espérer que des contradictions sociales ou écologiques seraient inéluctablement fatales au régime de croissance, dont l’emprise s’étend autant chez ses partisans que chez certains de ses critiques.