Décroissance politique : le défi plutôt que le déni

Les arguments scientifiques reposent sur des faits et des données. Les arguments moraux reposent sur des valeurs.

Si je divise le monde en 2 camps, celui de la croissance et celui de son contraire, celui de la décroissance, de quel côté se trouvent les meilleurs arguments ?

Les faits et les données démontrent-ils que les limites de l’extraction des énergies et des matières pourront toujours être repoussées ? Non.

Les valeurs de la convivialité, de la coopération, du partage, de l’émancipation, de la sobriété ne sont-elles pas meilleures que celle de la concurrence, de l’égoïsme, de la domination, du gâchis ? Si.

Mais alors que manque-t-il à notre « camp » pour remporter la victoire idéologique et mener le changement de « paradigme » ?

Pourquoi ni les meilleurs arguments scientifiques, ni les meilleurs arguments moraux ne sont-ils décisifs ? Il est nécessaire de les utiliser mais ils ne sont pas suffisants pour faire changer d’avis celles et ceux qui ne sont pas déjà convaincu.e.s par la décroissance.

Voilà le genre de questions que nous nous posons à la MCD et nous estimons que ce sont des questions politiques qui doivent recevoir des réponses politiques.

Mais ce n’est pas parce que nous avons les questions que nous avons les réponses.

Nous voyons bien que ce n’est pas en alignant des faits et des données, ni en culpabilisant au nom des « bonnes » valeurs, que nous trouverons des réponses.

Car à ne procéder ainsi, on ne fait que se replier dans l’entre-soi, entre convaincu.e.s : on dépolitise les questions, et donc les réponses.

Pour relever le défi de la politisation, la MCD explore aujourd’hui deux pistes :

  1. la première consiste à définir le plus explicitement possible ce que signifie « politisation », dès aujourd’hui et pour demain.
  2. la seconde consiste à étendre la critique contre la croissance jusqu’à un troisième registre, celui du « régime de croissance ». Cela n’annule pas les deux premiers registres : le registre économique où la croissance est la « boussole », le registre social où la croissance est un « monde » (avec ses valeurs, ses normes, ses  modes de vie, ses attachements). Mais ils sont insuffisants au moment d’affronter le régime de croissance.

Le régime de croissance est ce régime politique : qui repose sur l’institution imaginaire de l’individu, qui ne voit pas la société comme un commun mais comme une addition d’individus, qui ne voit pas la discussion comme une controverse mais comme une juxtaposition d’opinions. C’est un régime politique qui repose sur des politiques du déni.

Il ne faut pas s’étonner si ces politiques du déni sont aujourd’hui florissantes : c’est Macron qui dénie une victoire idéologique du RN, c’est Netanyahu qui dénie le carnage à Gaza, c’est Poutine qui dénie sa guerre contre l’Ukraine… Dans tous les cas, ces politiques du déni sont en réalité des dénis de la politique ; c’est la politique réduite aux rapports de force, médiatiques, militaires, nationalistes…

Et voilà le défi : que la décroissance comme corpus d’analyses et de propositions politiques ne tombe jamais sous la domination du régime de croissance. Ce n’est pas gagné, car l’horizontalisme, si caractéristique d’un tel régime, semble bien la forme dominante au sein même de notre mouvance décroissante. C’est le péril.

Partagez sur :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.