Pire que le brouillard, la fumée électoraliste

il faut inciter chaqu.e décroissant.e à aller consulter la « profession de foi » qui est mise en avant sur le site des décroissants électoralistes (on y trouve un vocabulaire de la « bonne nouvelle » qui est en soi un motif de consternation).

Car sa lecture ne peut qu’être source d’étonnements, et de désolation. Car chacun.e pourra y constater :

  • une histoire révisée de la présence de la décroissance aux élections. Présence débutée en 2009 et non pas en 2019. Cet écart est important car il est en réalité un délai : celui nécessaire pour prendre conscience des dérives qu’une telle présence a fait courir à la décroissance comme mouvement de pensée et de contestation de l’ordre existant ← malheureusement, le groupuscule derrière cette dernière initiative ne semble pas avoir tiré la moindre leçon de cette « présence », et c’est pourquoi il continue d’affirmer qu’ « un des premiers objectifs est d’avoir accès à la campagne audiovisuelle officielle. » (on aimerait d’ailleurs savoir quels sont les autres « premiers » objectifs).
  • On y lit même que les changements climatiques sont « devenus réalités » depuis 2019, on croit réentendre Macron lors de ses vœux de 2023 (et son fameux « qui aurait pu imaginer ? »)

Pire, on continue t’entendre Macron et sa facilité rhétorique à voir de la guerre partout :

  • car si tout est guerre, alors au milieu d’une liste hétéroclite, il est plus facile de dissimuler la vraie guerre et dans le cas qui nous occupe de dissimuler un plaidoyer en faveur de cet impérialisme russe qui définit la paix comme l’installation définitive du renard dans le poulailler.
  • il ne semble pourtant pas bien difficile de chercher et de trouver un peu de cohérence pour pouvoir condamner et l’invasion colonisatrice d’une partie de l’Ukraine par la Russie et l’invasion colonisatrice de la Cisjordanie (et peut-être de Gaza) par Israël : dans les deux cas, par des forces armées, militaires et paramilitaires. Ce sont tous ces franchissements de frontières qui sont en vérité deux guerres d’appropriation qu’il faut condamner inconditionnellement (surtout que le cas russe montre que la propagande peut dresser des listes longues comme le nez du menteur pour justifier l’injustifiable ← de ce point de vue, la lecture de la propagande russe reprise par les « pacifistes pro-russes » est édifiante et très instructive).
  • dans les deux cas, l’impérialisme américain ne soutient que du bout des bras la résistance ukrainienne et ne condamne que du bout des lèvres la riposte « excessive » de Tsahal ; dans les deux cas, la force du plus violent déchaîne sans retenue ses bombardements contre les civils et les infrastructures de base : dans les deux cas c’est la groznyfication de la guerre qui est à l’œuvre.
  • Bref, pour ce genre de pacifistes hémiplégiques qui oublient que la guerre se fait toujours à deux (et il y a toujours au moins 1 des 2 qui la veut), la guerre, c’est la paix !

Il faudrait aussi s’attarder dans cette liste boiteuse sur d’autres items :

  • Voir dans les luttes d’émancipation féministes une « guerre des genres pour diviser et distraire », il faut oser !
  • Reprendre sans recul la rhétorique complotiste covid-dénialiste du site reinfocovid, dont le nom lui-même est pire qu’un clin d’œil appuyé à cet ancêtre du complotisme post-moderne qu’a été Re-Info 9/11, est-ce ce bientôt se placer sur cette trajectoire aujourd’hui bien identifiée qui fraye avec le climato-dénialo-climatisme : là, pour des gens qui se prétendent décroissants, il faudra oser !

La profession de foi annonce ensuite quelques propositions dont le vague n’a d’équivalent que la prétention à envisager des « discussions » :

  • là aussi, il faut oser !
  • faut-il rappeler les procédés d’exclusion pratiqués par le même noyau électoraliste lors de la dernière campagne électorale ?
  • faut-il rappeler que ces procédures d’exclusion ont succédé à la dénonciation de l’infiltration de l’extrême-droite dans les candidatures présentées ?
  • faut-il rappeler l’interrogation de l’animateur de ce noyau qui doutait qu’il faille « placer des lignes rouges » ?
  • faut-il rappeler que dans les mails préparatoires à cet appel à candidature, il n’y a toujours pas de ligne rouge installée et que donc ce noyau « décroissant et pacifiste » continue de préférer fréquenter des (ex-?) membres du conseil scientifique des Patriotes, plutôt que des décroissants engagés depuis des années ?
  • faut-il rappeler qu’aucune discussion traçable (et archivable) n’est en réalité possible entre futurs candidats ? Que les commentaires sur le site n’ont jamais été autorisés (malgré des demandes réitérées, et qui acceptaient une modération) ? Que les listes de discussion ne sont que des listes de diffusion descendantes ?
  • Il faut donc oser prôner ensuite une « démocratie directe et délibérative » !

Et sur la fin, à qui croit-on s’adresser quand on présente comme désirable « une fédération de bio-régions autonomes, organisée selon les principes d’un socialisme agraire à base familiale » : travail, famille, biorégional-socialisme ! Là aussi il faut oser !

D’habitude, la mouvance décroissante se satisfait d’évoluer dans le brouillard d’une décroissance-agrégat : là, on a cet agrégat et donc ce brouillard ; mais en plus on a la fumée. C’est un véritable péril ! Qu’il faut dénoncer !

Car ce qui se dégage d’une telle fumée, c’est un lien totalement malsain. Qu’est-ce qui peut relier ce pseudo-pacifisme et ces porosités avec l’extrême-droite et le néo-post-soviétisme ? On ne peut pas être plus loin d’une décroissance qui croit encore (si, si !) à l’humanisme et à la démocratie ; on ne peut pas être plus loin d’une décroissance qui fonde la politique sur la volonté et non pas sur la nécessité 1.

Ce groupuscule se présente sous la bannière « du pacifisme et de la décroissance » :

  • chacun.e sait que l’utilisation abusive du terme « pacifisme » a souvent été le cache-sexe d’une vision violentée de l’histoire ; et heureusement, le pacifisme a suffisamment de profondeur historique et théorique pour ne pas être inquiétée par ce genre de diversion et d’appropriation usurpatoire.
  • mais ce n’est pas le cas pour la décroissance (pas la peine de jouer à la grenouille qui se prend pour un bœuf et de mettre une majuscule en parlant de « Décroissance » !) qui n’a pas cette profondeur, ni historique ni théorique ; surtout quand elle est aujourd’hui parasitée par des fumées révisionnistes et complotistes.

Besoin de toi/vous, envie de rien.

Les notes et références
  1. On comprend mieux rétrospectivement les réticences de ces décroissants quand nous essayions de leur expliquer que nous n’étions pas des « malgré-nous », que nous n’allions pas à la décroissance par réticence, comme poussés par des contraintes extérieures à nos modes de vie.[]
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5 commentaires

  1. Décroissance-élections est un collectif. Il vit par l’animation de ses membres. Aussi, le résultat est le reflet d’un travail commun. Un collectif n’a pas l’obligation d’établir une ligne rouge. Chaque citoyen.ne a droit de prendre part au débat. Une démocratie directe et délibérative suppose que l’on puisse s’exprimer avant d’être affublé d’une étiquette; une pour les alternatifs (ignorant la Raison puisque refusant un vaccin), une autre pour les extrêmes droitisants (ceux qui tiennent des propos souverainistes, exceptés ceux qui se battent pour la souveraineté de l’Ukraine), encore une pour les complotistes (qui ont le malheur de douter du discours dominant), etc. Je suis membre de decroissance-elections d’aussi longtemps que je fréquente la MCD. Apprendre via un article que je suis complotiste, partriache ou d’extrême droite (ce dont je doute fortement) ne me touche pas. C’est une ligne d’exclusion devenue commune et classique dans le débat politique. Une neutralisation facile. Mais oublier que le féminisme, le pacifisme et l’écologie politique ont des racines communes et sont liés; cela est véritablement triste. Avec une majuscule ou non, et même avec des mots maladroits, la décroissance ne peut obéir à aucun dogme et vit par celles et ceux qui la défendent.

    1. Cher Félix,
      « la décroissance vit par celles et ceux qui la défendent » : OK mais alors pourquoi la saper ?
      « Décroissance-élections… est le reflet d’un travail en commun » : OK mais alors pourquoi exclure ceux qui osent demander des bilans, des discussions et le droit de critiquer ?
      « Une démocratie directe » : où cette démocratie dans les pratiques de DE ?
      « les complotistes (qui ont le malheur de douter du discours dominant) » : suffit-il de critiquer le discours dominant pour comploter ? Qui a déjà dit ou écrit cela ?
      « Le féminisme, le pacifisme et l’écologie politique ont des racines communes » : ah oui lesquelles ? Et surtout lesquelles qui permettent à DE de voir dans la guerre des genres une distraction ?
      Sur le fond : qu’est-ce que c’est que cette conception du collectif comme addition de ressentiments, de peurs agitées et de colères mises en scène ? Cette addition est bien pratique pour que la main droite de l’un continue d’ignorer la main gauche de l’autre… Où est l’exigence de cohérence dans tout cela ?

      Cher Félix, avec la définition du « collectif » que tu défends et que tu pratiques, alors : à chacun sa décroissance ? A chacun sa vérité (relativisme) ? A chacun sa démocratie ? A chacun sa réalité ? Le choix ne serait donc qu’entre cet individualisme ou le dogme ? Et le commun alors ? Celui qui permet effectivement de montrer des lignes rouges, qui remet l’individu à sa place, qui facilite une vraie délibération ?

      Chers amis de DE, cette discussion, on la poursuit sur votre site ? Chiche !

      1. Peut-être serait-il mieux d’en débattre ensemble aux prochaines (f)estives, si le coeur vous en dit, puisqu’il s’agit du seul lieu de débat « valable » de la galaxie décroissante?

        Qui a dit « à chacun sa décroissance »? J’essaye de participer « au commun », en « faisant ensemble », ce qui implique d’accepter certaines divergences, sans quoi le noyau reste un pépin comme une « décroissance pour soi ».

        Quant à décroissance-elections, il y a bien eu un sapage d’un travail collégial, long et tumultueux qui était sur le point de mûrir. La règle commune aurait pu émerger. Or il y a des manières pour exiger un bilan ou faire des critiques. Chacun sait que nous n’avons pas les moyens de faire appel à des modérateurs sur notre site internet, ni d’organiser des réunions nationales et physiques chaque semaine. L’ampleur de la démarche implique que la seule ligne rouge tenable, pour le moment, est celle de la bonne conduite. Aussi le fond ne justifie pas la condescendance.

        Quant à la cohérence, si je ne peux l’exiger des autres, j’y tends au mieux dans ma façon de vivre.

        Pour le pacifisme et l’écologie; relire « la désobéissance civile » de Thoreau. Pour le pacifisme et le féminisme; « féminisme et pacifisme, même combat, colloque 1984 ».

        Discussion (ou délibération) à poursuivre, dans le monde réel. Chiche.

  2. Cher Nicolas,
    nous publions votre « commentaire », ce qui montre déjà que sur le site de la MCD a) les commentaires sont ouverts et b) que nous publions des commentaires « négatifs ». Nous regrettons néanmoins que votre commentaire passe sous silence les points controversés évoqués dans notre critique de la démarche électoraliste. Oui à la controverse, non à la polémique : et la différence n’est pas d’abord une question de forme mais de fond et surtout de cohérence entre des idées avancées et des pratiques.

    Nous aurions déjà aimé savoir où vous vous situez : il y a 5 ans, nous étions ensemble sur la liste de la décroissance aux Européennes. Vous avez compris que cette année nous n’y serons pas ; et vous ?
    Nous n’y serons pas parce : a) le bilan de la dernière campagne n’a jamais été tiré, malgré nos demandes réitérées, et pourtant il y aurait eu quantité de leçons à tirer et d’erreurs à ne plus renouveler (« aller aux élections » sous prétexte de seule visibilité et se ridiculiser par des ITW caricaturales, cela aurait au moins mériter une discussion) ; b) parce que la dernière aventure électorale à laquelle nous avons participé – et qui peut contester l’apport de nos contenus ? – a été une catastrophe démocratique : là aussi, sans qu’aucune leçon ne soit tirée. Si pour vous, la coprésence de candidats extrêmes-droitards ne vous dérange pas, pour nous elle marque une ligne rouge. Nous rajoutons qu’à la MCD nous n’avons jamais caché que nous ne confondons pas du tout des analyses décroissantes avec des appels catastrophistes ou effondristes. D’où notre critique de voir des analyses que nous partageons mêlées avec des dérapages de fond qui nous indignent : c’est très exactement ce mélange, fumée et brouillard, que nous dénonçons.

    Si pour vous l’absence de démarcation nette avec l’extrême-droite, le déni interne de démocratie, les luttes féministes raillées comme des « distractions », la justification d’un impérialisme colonisateur et de ses crimes de guerre ne sont que des questions de « forme » alors effectivement on peut comprendre votre irritation. Mais si ce ne sont que des questions de « forme », pourquoi vous en formaliser ???

    Nous serions quand même curieux, à la MCD, de savoir ce que vous appelez un « argument ». Nous vous mettons sur la piste : un argument n’a pas beaucoup à voir avec de l’émotionnel. Alors, à en voir là où il n’y en a pas, vous réduisez vos chances de repérer les arguments, surtout s’ils s’opposent à vos convictions. Et pourtant, au lieu de dénigrer et de taper à côté de la plaque, vous feriez mieux d’inviter vos colistiers à accepter de discuter. Fin de la polémique !

    Vous préférez la réflexion à l’émotion, chiche !

  3. « Pire que le bouillard, la fumée électoraliste », c’est une formule bien mal employée qui voudrait souligner que la liste paix et décroissance manquerait soit de transparence ou soit de visibilité, commencer par une accusation gratuite est toujours une bonne entrée en matière.
    L’accusation de Mr Lepesant se fonde sur la forme et insiste ici uniquement sur l’émotionnel, insinuant le doute chez le lecteur et l’on pourrait presque entendre esquisser une notion de complot de la part des colistiers de la liste accusée, mais les lecteurs sont ceux qui savent, ile ne se laisseront pas abuser, pas besoin de démontrer ces accusations, une belle affiche du film « les tontons flingueurs » couronnera la non réflexion de cet article.
    La liste décroissance qualifiée d’hétéroclite (les autres listes électorales doivent probablement être d’une homogénéité sans faille dans des caractéristiques qui sont à définir) puis de boiteuse, elle serait, via la notion de paix exprimée dans la profession de foi, le renard russe dans le poulailler de l’OTAN. Avis à tous les objecteurs de conscience passés, présents et à venir, vous n’étiez que de rusés espions à la solde d’un impérialisme. Ne pas vouloir participer à une guerre, même de manière indirecte ne représente nullement une quelconque complicité mais bien la volonté de ne pas faire le jeu guerrier dans lequel les gouvernements voudraient mobiliser toutes les opinions au nom de l’union sacrée du bien contre le mal. Pas de soutient ni à la Russie, ni à l’OTAN.
    Les « pacifistes hémiplégiques » sont ceux qui au contraire refusent de se laisser entrainer par une propagande guerrière où la moindre contestation serait trahison, pas d’immobilisme pathologique ici mais une volonté consciente d’aller à contre courant. Non, la guerre n’est pas la paix, sauf si la seule solution que l’on perçois est l’annihilation totale du camp opposé. Il faut être deux pour faire la guerre, oui mais ceux qui veulent la guerre sont à une écrasante majorité des croyants non pratiquants. Les véritables combattants sur le terrain qui ne sont pas que des guerriers assoiffés de sang. Beaucoup préféreraient rentrer dans leur foyer que croupir dans un trou avec un fusil, qu’ils laissent leur place aux va-t-en guerre qui se révéleront d’un coup bien plus pacifistes qu’ils ne se soupçonnaient devant l’horreur du champ de bataille.
    Les déclarations de la liste décroissante se rapprocheraient tantôt d’E. Macron via « les changements climatiques « devenus réalités » » depuis 2019, il est possible de faire un même constat de l’avènement de ces conséquences tout en les ayant prédit bien en amont et bien entendu en ne partageant rien, tant sur le fond que la forme avec ce personnage. Et tantôt ces positions se rapprocheraient du « climato-dénialo-climatisme » , via la gestion du covid 19, sans refaire toute l’histoire du traitement médiatique et policier de cette pandémie, être décroissant c’est aussi s’opposer à un autoritarisme, de surcroit basé sur la technologie qui ne cesse de se déployer à la veille des JO, ici le « pacifisme hémiplégique » serait d’accepter toutes les mesures policières de surveillance, traçage, reconnaissance faciale, surveillance via drone … comme inévitable pour notre « sentiment de sécurité ».
    Il faut oser, via les accusations de Mr Lepesant, puisque celui-ci profère cette question comme un refrain, oui osons. Ce sera toujours plus constructif de proposer un fédéralisme régional que de toujours voir l’ombre de Vichy et son marechal dans chaque proposition.
    « mouvance » « brouillard » « décroissance-agrégat » « agrégat » « brouillard » « fumée ». « C’est un véritable péril ! Qu’il faut dénoncer !» le seul péril est ici un fleuve de logorrhée qui ne repose sur aucune réflexion, juste des émotions et franchissons le quasi point Godwin mélangé grossièrement à Orwell où le pacifisme « c’est l’extrême-droite et le néo-post-soviétisme […] révisionnistes et complotistes. »
    Vous reprendrez bien en peu de barbarisme en dessert ?

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