Travailler moins pour… travailler moins !

Cette chronique est initialement parue sur le média en ligne « Demain en main » dans lequel nous rédigeons une chronique mensuelle.

Samedi 15 janvier. Manifestation caennaise contre la réforme des retraites. Environ 20 000 personnes dans l’artère principale de la ville, du jamais vu dans l’ère « post-covid ». J’y suis parce que « je ne peux pas, ne pas y être », mais ça n’est pas de gaieté de cœur. Moi qui suis née à la politique lors de ces grandes mobilisations populaires avec la réforme des retraites de.. . 2010 ! Et je n’ai que 30 ans… est-ce que ce sera pareil jusqu’à ma propre retraite ?), je ne m’y sens plus toujours à ma place. Je trouve souvent l’ambiance un peu morose, les argumentaires éculés. J’en suis là de mes réflexions, lorsque dans le cortège, je tombe sur Michèle, que je croise de temps à autre au sein du groupe local Attac.


Michèle a récupéré une pancarte distribuée par le NPA, (m’a-t-on dit), où il est écrit : « travailler moins pour… » : c’est aux gens de compléter. J’ai vu des « travailler moins pour polluer moins », des « travailler moins pour vivre mieux ». Mais c’est Michèle qui a trouvé la formule parfaite : sur sa pancarte, il est écrit « travailler moins pour… travailler moins ! ». « Pourquoi justifier une telle revendication par une raison extérieure » me dit-elle ? « Vouloir travailler moins, cela suffit en soi » Et elle a parfaitement raison.

Une lutte contre la réforme des retraites doit être l’occasion de reposer la question du sens du travail : dans le monde de la croissance, il est conçu comme la seule source de reconnaissance sociale, et c’est malheureusement le fond idéologique qui unit la droite et la gauche, le gouvernement et les syndicats. Voilà pourquoi, l’opposition, malgré une mobilisation massive, ne devrait pas déboucher sur un changement en profondeur de la réforme des retraites : elle ne porte aucune contre-proposition réellement alternative. On a beau être d’accord avec la revendication principale, la retraite à 60 ans, elle ne peut pas faire levier pour une transformation sociétale et systémique : elle manque d’horizon politique, de perspectives. 

                                 
En tant que décroissant-es, ce que nous voulons, c’est rompre avec la conception de la retraite comme prolongation du travail et des inégalités de revenus. Pour porter une contre-proposition de grande ampleur, il faut refuser la fable croissanciste qui envisage la création de richesse comme le résultat d’une production individuelle par le travail (richesse alors cantonnée à la sphère productive) : bien au contraire, nous affirmons que la véritable richesse, c’est la vie sociale. A ce titre, ce sont les activités de reproduction sociale (lien, soin, fête, partage, entraide…) aujourd’hui largement assumées par les retraité.es évidemment, et tout au long de leur vie par les femmes qui constituent la véritable infrastructure (le tissu social) sur laquelle repose la société et qui en paient d’ailleurs le prix fort, lorsque est venu le temps de calculer le niveau de leur pension. La production de richesse est donc toujours une production sociale, commune : tout le monde contribue à faire société. Alors, au lieu de voir la retraite comme la prolongation d’une vie sacrifiée au travail, faisons-en une période de rupture radicale avec le travail? Voilà notre proposition décroissante : une retraite inconditionnelle (que l’on ait travaillé ou non), d’un montant suffisant, unique et égal pour tous et toutes. Au dé-travail !

Source de l’image mise en avant : www.estrepublicain.fr

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