Programme des Rencontres de la décroissance – Août 2021

Cette année, les (f)estives de la décroissance seront précédées par les rencontres de la MCD

Voici une vision globale de ces 2 moments, tels qu’ils sont pour le moment envisagés :

Du jeudi 12 au soir au dimanche 15 à midi : les (f)estives de la décroissance

→ Le thème : nos relations avec la nature, une question politique

Sur l’organisation générale

  • Les 5 plages horaires principales (3 matinées et 2 après-midi) sont consacrées au thème des (f)estives, sur le principe d’un rationnement des ateliers, au nom de l’exigence « d’honorer » les intervenants.
  • Des moments beaucoup plus courts encadrent ces plages horaires :
    • 1 le vendredi matin et 1 le samedi matin : consacrés à des mises au point quasiment lexicales autour de la décroissance.
    • 1 le vendredi soir et le samedi soir : consacrées à des questions d’actualité (en lien direct évidemment avec la décroissance).
  • Le dimanche matin sera consacré à une tentative de « synthèse » des 2 journées précédentes :
    • Il commencera par un échange appuyés sur des textes consacrés aux questions décoloniales : car dans un premier temps, nous devons remarquer que la nature, les colonies et les femmes subissent dans une société de croissance le même type de domination → la réduction à n’être qu’un stock de ressources à la fois inépuisables et gratuites.
    • Nous nous demanderons ensuite collectivement comment intégrer ces questions sans céder pour autant à un effet de mode « progressiste » (comment échapper au dialogue de sourds entre partisans nostalgiques d’une domination viriarcale de l’homme blanc et défenseurs acritiques du « progrès » ?).
    • Finalement, arriverons-nous à dégager une prise de position claire et cohérente pour caractériser politiquement nos relations avec la nature : de quoi nous fournir a/ des critères pour critiquer le monde que nous rejetons, b/ des horizons pour rêver un « socialisme sans croissance, c/ des trajets politiques à la fois pragmatiques et programmatiques.

En rentrant un peu plus dans le détail des interventions de journée

  • Partisans d’un retour « à l’état naturel », les anarchistes naturiens sont en quelque sorte les ancêtres des anarchoprimitivistes de notre temps. S’ils idéalisent fortement la vie avant et hors de la civilisation, ils perçoivent très lucidement les nombreux problèmes qui la gangrènent intrinsèquement, qui font qu’elle est vouée à détruire le monde naturel et à s’autodétruire dans le processus, et pourfendent alors le mythe du Progrès 1.
  • Que penser – éthiquement – du slogan tant repris depuis NDDL : «Nous ne défendons pas la Nature, Nous SOMMES la Nature qui se défend ! » ?
  • A quelles fins devons-nous considérer « nos relations avec la nature » ? S’il n’y a aucune raison objective pour sauver une espèce vivante, pourquoi les décroissants posent-ils la question du sens? Pourquoi défendre la vie naturelle comme la vie sociale ?
  • Nos relations avec les animaux. Le niveau trophique humain de 2,21 nous situe au même niveau que les… anchois 2 ; nous ne sommes donc pas les prédateurs suprêmes que beaucoup croient être. Ainsi remis à notre place dans la chaîne alimentaire, il est d’autant plus surprenant que les humains se croient justifiés à mettre les animaux à leur se(r)vice : comment alors reformuler les débats tant sur notre alimentation carnée que sur la réintroduction d’espèces « sauvages » ?
  • Nos relations entre humains. Y a-t-il vraiment dans le monde actuel – croissance économique, innovation technologique permanente, accélération généralisée – des possibilités pour préconiser un « contre-exode » (Alberto Magnaghi) urbain qui – sans reposer sur une opposition binaire entre rural et urbain, entre ville et campagne – échapperait à la reprise du « grand partage » entre nature et culture ? En quoi n’est-il pas « artificiel » de prétendre retrouver une vie plus « naturelle » ? Et où, quand, comment ?
  • Nos relations à la nature. Virginie Maris 3 essaie de penser la nature comme « altérité » (la nature dans ce cas, c’est la part du monde que nous n’avons pas créée), ce qui lui permet de renvoyer dos à dos deux attitudes opposées vis à vis de la nature : celle de la conception utilitariste qui réduit une « nature-totalité » à un stock de ressources à exploiter ; celle de la conception enchantée de la nature-totalité comme « victime » que l’humanité aurait le devoir de protéger. C’est cette piste de la « nature-altérité » que nous devons retrouver par exemple dans nos « gestions » de l’eau, des forêts, de la faune sauvage…
  • Ces relations à la nature seront pensée à partir d’une réflexion sur ce qu’est un « écosystème ». Car même si un écosystème combine les héritages naturels et culturels, qu’il ait des « limites » ne veut pas dire pour autant qu’il ait des « frontières ». Ce qui implique d’être précis sur ce que serait son « autonomie » mais aussi sur ses « interdépendances » (tant internes qu’externes). Si un « écosystème » est un système de coopérations, ce sont donc ces « coopérations » qu’il va s’agir de mettre à plat, autant en termes de « territoire » que d’institution ». Ce sont des questions politiques.
  • Par sa critique de la survalorisation de la sphère de production économique – ce qui revient au même qu’une critique de la dévalorisation de la sphère de la reproduction sociale -, la décroissance rencontre inévitablement la question féministe puisque dans la domination capitaliste, la domination patriarcale trouve à s’exercer précisément en assignant les femmes aux activités infériorisées du « soin ». Mais cette rencontre se fait plus forte dans l’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne quand elle remarque, dès les années 1970, que le capitalisme traite les femmes et la nature de la même manière : comme un stock de ressources gratuites et inépuisables. Ces questions sont au coeur de la décroissance.

Du dimanche 8 au soir au jeudi 12 : les rencontres de la MCD

A la (grande) différence avec les (f)estives, ce moment de rencontre ne repose pas sur des « intervenants » mais sur notre capacité à discuter en commun.

Mais ne croyons surtout pas que la réussite de telles discussions puissent éviter a/ le repérage des difficultés et b/ la construction de définitions partagées.

Ces discussions ni ne viennent de « nulle part » ni ne vont vers « ailleurs » :

  • Leur première « mission » est de s’appuyer sur des propositions décroissantes déjà existantes : non seulement tout ce que la MCD depuis sa naissance met au pot commun de la réflexion mais aussi toutes ces propositions politiques que des décroissants – en participant à des élections – ont élaboré en commun.
  • Une deuxième « mission » consiste à accepter d’en discuter avec d’autres décroissants, manière ouverte de consolider ce qui prétend être (mis en) commun. L’horizon politique est alors la radicalité comme cohérence, pour échapper vraiment au piège de la radicalité-intransigeance.

Concrètement, ces rencontres de la MCD s’appuieront sur :

  1. Les projets éditoriaux de la MCD :
    • Aux éditions Utopia, un court ouvrage (autour de 160 pages), articulé autour a/ d’une critique des idées reçues sur la décroissance et b/ d’un rapide inventaire de propositions
    • En autoédition, un (premier) abécédaire de la décroissance.
    • En autoédition aussi, un projet de Manifeste de la décroissance en temps de pandémie et de confinement.
  2. Le programme élaboré par les membres de « décroissance-élections » 4 pour les récentes élections départementales et régionales, programme auquel nombre de membres de la MCD ont activement participé.

Plus conceptuellement, ces différents projets font ressortir un besoin de clarification – conceptuelle donc politique – selon plusieurs directions :

  • OK pour définir la décroissance comme un « trajet » mais alors comment clairement articuler non seulement ce que la décroissance rejette mais aussi ce qu’elle projette:
    • Car il y a une façon caricaturale de définir tout projet en en faisant le simple symétrique binaire du rejet.
    • Car il y a une autre immaturité politique qui consiste à oublier que nous ne pouvons partir d’un monde qu’à partir de ce même monde. Difficulté redoublée quand on accepte de voir dans la décroissance autant l’organisation démocratique pour repasser sous les plafonds de l’insoutenabilité écologique qu’une « philosophie sociale » qui – en rompant avec les fables du Progrès – ne veut plus tant « transformer » le monde (social et naturel) que le « protéger et l’entretenir », pour le transmettre aux générations futures.
  • OK pour définir la décroissance par sa « radicalité » mais attention alors à ne pas la conformer à un principe d’irréalité qui ne ferait rêver qu’un groupuscule de décroissants. Il faut donc installer la décroissance au cœur d’un projet politique qui reste à taille humaine, à notre échelle. Doivent alors être précisés plusieurs niveaux d’échelons :
    • L’échelon territorial : de la « commune » à la « biorégion » en passant par le « bassin de vie ». Comment à chaque fois penser et réaliser les interdépendances, en vue d’une coopération (au lieu de l’actuelle compétition). Qu’est-ce qu’une « relocalisation » qui ne se réduise pas à un idéal enfantin d’autarcie ?
    • L’échelon temporel : il y a des ruptures qui peuvent être réalisées immédiatement, ici et maintenant, et d’autres qu’il est plus réaliste de placer à l’horizon de nos idéaux. Mais il n’y a pas que les ruptures pour sortir du monde de la croissance, il peut aussi y avoir des « étapes » : de l’immédiat au plus long terme, aucun échelon de la temporalité ne doit être rejeté.
    • L’échelon de la modalité d’action : aucune raison pour écarter d’emblée une modalité plutôt qu’une autre, alors comment combiner entre modalités de rupture, de sortie et d’accompagnement?
  • OK pour mettre à disposition des décroissants une « boîte à outils » conceptuels (et donc politiques) mais autant éviter de refaire le coup de la « ligne du parti ». D’où la proposition de la MCD de distinguer entre ce qui serait de l’ordre d’un « noyau » commun et ce qui tiendrait plutôt de « rayons ». L’intérêt idéologique direct de cette image c’est que chacun comprend facilement que dans un cercle, il peut y avoir à la fois un centre commun et des rayons diamétralement opposés.

Toute la semaine, de courts « modules » pour discuter : d’actualité et du fond

Tout au long de cette semaine, nous proposons d’encadrer nos longues et lentes journées de rencontres et de (f)estives par des modules beaucoup plus courts :

→ Le matin, de 9h30 à 10h15, question de fond sur la décroissance :

  • Les échelons territoriaux de la décroissance : des « voisinages » jusqu’à l’État ?
  • Décroissance et démocratie : la décroissance peut-elle tenir son engagement d’un repli démocratique sous les plafonds de l’insoutenabilité sociale et écologique ?
  • Décroissance et récession : toute récession n’est pas la décroissance, mais la décroissance n’est-elle pas une forme de récession ?
  • Décroissance et liberté : le cadrage écologique de l’économique et du social fait-elle de la décroissance une politique liberticide ?

→ En fin de journée, de 17h30 à 18h30, questions d’actualité autour de la décroissance :

  • Pourrait-on encore défendre notre tribune de l’an dernier qui voyait le confinement en demi-résonance avec la décroissance ? (décroissance et confinement)
  • Dénoncer les illusions d’une Planète B.
  • 1½ an de confinement, 1 ½ de décroissance-bashing
  • Le régime pandémique du non-débat (entre discours officiel mensonger et contre-discours tout aussi factice) : le devenir-totalitaire de la captation de parole.

*

Une semaine de débats, c’est long ; même si c’est la seule occasion annuelle de se retrouver avec du temps pour des discussions ralenties.

Mais une semaine, c’est long. Alors d’ores et déjà la beauté des lieux nous permettra de placer des respirations. Temps de ballades, de pique-niques. En relation avec la nature.

---------------
Notes et références
  1. https://www.partage-le.com/2019/03/02/les-naturiens-precurseurs-dune-critique-de-la-civilisation-par-nicolas-casaux/[]
  2. (en) Sylvain Bonhommeau, Laurent Dubroca, Olivier Le Pape, Julien Barde, David M. Kaplan, Emmanuel Chassot et Anne-Elise Nieblas, « Eating up the world’s food web and the human trophic level », PNAS, vol. 110, no 51,‎ 2013, p. 20617-20620 (DOI 10.1073/pnas.1305827110).[]
  3. https://ladecroissance.xyz/2020/03/29/la-part-sauvage-du-monde-de-virginie-maris/[]
  4. https://www.decroissance-elections.fr/[]
Partagez sur :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.