Exercice de décroissance appliquée : une rencontre décroissante en temps de pandémie

Ces (f)estives seront l’occasion d’un exercice de décroissance appliquée : une rencontre décroissante en temps de pandémie

Nous, organisateurs de ces rencontres, ne voulons absolument pas nous retrouver à devoir « gérer l’ingérable » à cause des conditions sanitaires qui en août seront encore de rigueur sur l’ensemble du pays. Nous avions alors 2 options :

  1. Annuler purement et simplement les rencontres et tenter de les « sauvegarder » sous la forme de télé-rencontres (comme il y a du télé-travail et de la télé-réalité…).
  2. Les maintenir, mais de façon responsable, en avertissant en amont qu’il y aura des règles à respecter. Mais là encore, il y avait 2 options :
    1. Confier nos rencontres à la « liberté individuelle » : laisser chacun agir sans voire contre les autres, et croire en la main invisible d’une harmonie réalisée entre individus.
    2. Confier nos rencontres à la « liberté sociale » : agir pour et avec les autres.

Il nous a semblé évident – après un cycle de (f)estives comme « critique radicale de l’individualisme » et le début du cycle actuel comme « défense relationnelle du Commun » – que nous n’avions que le choix de choisir la seconde option de la seconde option : maintenir les rencontres en annonçant que les règles annoncées seront… maintenues.

Pourquoi ? Parce que nous nous sommes tous retrouvés depuis plus d’un an « piégés » par ce que leurs pratiquants présentent comme des « résistances » :

  • « Nous ne sommes pas des moutons », « non au masque-muselière », « vous n’avez pas à m’imposer les diktats d’un gouvernement honni », « il faut refuser d’être infantilisé »…
  • Refus de porter le masque, avec comme variante le masque-mentonnière, ou le port-clignotant du masque…

Comment faire alors ? Pas question de se laisser piéger par une alternative binaire : toujours/jamais les mesures barrières 1.

  • Porter le masque mais refuser la muselière comme la mentonnière : pas question d’imposer partout et tout le temps un masque pendant toute une semaine qui se veut une semaine de discussions et de détente. Mais dès qu’il y aura proximité physique et risque, le port réel du masque sera obligatoire (évitons de jouer aux risquophiles).
  • Nous respecterons un « confinement décroissant » :
    • Concrètement, nous serons le plus possible au dehors et quand nous serons en intérieur : port du masque et port du masque correct, respect d’une distance minimale, gel hydroalcoolique, lavage régulier des mains, aération des salles… : nous ne ferons courir aucun risque à quiconque et nous ne subirons le risque de personne (exercice très pratique de réciprocité).
    • Politiquement, nous mettrons ainsi en pratique nos valeurs affichées :
      • Principe de précaution : nous sommes tellement habitués quand nous dénonçons les dangers des OGM, des néonicotinoïdes, du glyphosate… (la liste est longue) de nous entendre rétorquer que nous fabulons que l’on ne peut que rester abattus de voir ces « objections pénibles » reprises dans le cas de la pandémie par ceux-là mêmes qui se les font d’habitude objecter…
      • Liberté individuelle limitée par priorité accordée au principe de responsabilité : l’idée générale de ces (f)estives est de placer l’interdépendance au cœur de nos relations avec la nature, comme au cœur de nos relations sociales. L’interdépendance est à la fois, la condition et l’objectif d’une vie sociale réussie. Ce qui signifie que cette interdépendance sera vécue comme une dépendance pour tous ceux qui réduisent leur « liberté » à l’indépendance et qui considèrent toute « dépendance » comme une atteinte à leur liberté (individuelle). C’est là tout l’intérêt de savoir distinguer entre « indépendance » et « autonomie ». Là où le gouvernement impose le port du masque de façon hétéronome, une opposition responsable ne consiste pas à refuser le masque mais à refuser cette hétéronomie (qui est effectivement « infantilisation »). Là où l’indépendance s’oppose de façon intransigeante à toute obligation, l’autonomie peut au contraire parfaitement, au nom de l’interdépendance, se sentir « obligé ». Lors de ces rencontres, il ne s’agira pas simplement de savoir ces différences entre dépendance et interdépendance, entre indépendance et autonomie, mais il faudra les mettre en application : toute mise en pratique est un exercice spirituel de responsabilité.
      • Valorisation du commun aux dépens du « cavalier seul » : le cavalier seul (free rider) ou passager clandestin est cet individu théorisé par les « théories du choix rationnel » qui calcule que si tout le monde respecte une contrainte alors celui qui l’enfreint bénéficiera de tous les avantages collectifs mais en faisant l’économie de son coût individuel (j’ai individuellement tout intérêt à d’autant moins participer à une grève que tous les autres la font : j’obtiendrai en cas de réussite les mêmes avantages mais j’aurai économisé une journée de grève et une cotisation syndicale). Sauf que… cet individu, c’est n’importe qui… donc c’est tout le monde… (et voilà expliqué ce paradoxe que plus un syndicat est écouté et moins il a d’adhérents ; l’inverse n’est pas vrai).
      • Application réelle des règles et pas simplement rappel à l’ordre. Ce qui fait qu’une règle est une règle, ce n’est pas seulement qu’elle est un « règlement », c’est aussi qu’elle est une « régularité ». C’est cette régularité d’usage qui entretient et nourrit le commun : et ce devrait être une véritable satisfaction pour des décroissants que de ne pas confondre « moutonnerie » et « commun ».
      • Possibilité de modifier ces règles au nom d’un principe politique d’humilité (droit au tâtonnement, aux essais et erreurs).

Mais ce n’est pas tout : nous ferons de ces questions des sujets explicites de réflexion et de discussion. Beaucoup de « modules » de début et de fin de journée y seront consacrés.

Par ces justifications en amont, nous espérons que de lui-même aucun « résistant » ne viendra exercer sa « résistance » au sein même d’un moment de rencontre a/ qui refuse le dogmatisme d’une opposition binaire, b/ qui instaure une organisation modulée des règles de confinement et c/ qui en fait de plus un sujet de discussions : un « confinement décroissant » est un exercice pratique de radicalité comme cohérence.

Nous espérons – par cette prévention explicite – rebuter tous ceux que nous jugeons en contradiction avec les valeurs qui portent la décroissance. Ils ne sont pas invités : leur venue mettrait en péril toute poursuite de ces rencontres. Ne viendront alors que ceux pour qui la décroissance mérite une tel exercice personnel d’auto-limitation. Et parmi eux, nous savons que nous aurons un éventail très ouvert de différences, qui seront à discuter, à controverser… mais sans scier la branche commune des règles qui nous permettent d’asseoir nos échanges.

Ce sera une affaire de confiance.

  • Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on ne serre plus la main,
  • Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on ne se fait plus la bise,
  • Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on se tient à distance,
  • Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on met, lorsque la distance sociale n’est pas suffisante ou que l’on est en milieu fermé, un masque afin de se protéger et de protéger l’autre…

Mais le contexte sanitaire nous met face à ces contraintes actuelles de changements dans nos modes de vie, dans nos modes de relations à l’autre, et nous ne pouvons que nous enjoindre tous ensemble à mettre en pratique ce qui est au cœur des relations sociales : une relation de confiance basée sur les précautions de tous et la responsabilité de chacun.

C’est dans ces conditions acceptées de confiance mutuelle que nous pouvons nous rencontrer sereinement.

Si vous n’êtes pas convaincuEs de cette nécessité de rester sous des plafonds de la soutenabilité hospitalière, nous vous dirions bien comme Sacha Guitry que vous aurez votre revanche, mais nous nous contentons de vous demander de passer votre chemin, pour cette année…

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Pour illustrer :

 

Les notes et références
  1. Même si nous voulons échapper à une opposition binaire entre « toujours » et « jamais », pour autant nous savons l’asymétrie qui existe entre « toujours porter le masque » et « ne jamais porter le masque » : chacun peut facilement imaginer des situations de risque dans laquelle l’une des deux attitudes ne pourrait pas être généralisée.[]
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