Big Brother contre un plat de lentilles

ou Contrôle biométrique à la cité scolaire du Diois (Die est une petite ville de 5000 habitants dans l’arrière-pays drômois).

Non, vous ne rêvez pas : notre petite cité scolaire d’arrière-pays s’est équipée d’une machine qui enregistre des données biométriques sur nos enfants (contour de la main ici) pour qu’ils puissent bénéficier en toute tranquillité  du service de cantine scolaire.

Cette décision a été adoptée au C.A. du 29 juin 2019. Aucune information n’a été délivrée préalablement, aucun débat « extraordinaire » (avec les parents, les élèves, les personnels, les enseignants…) n’a été organisé en amont. Aucune publicité non plus de cette décision n’a été faite ensuite, et nous voilà mis au pied du mur à la rentrée. Nous n’en apprendrons d’ailleurs pas plus en dehors d’une mention lapidaire sur la conformité de cet équipement avec la Commission Nationale Informatique et Libertés indiquée sur la feuille d’autorisation que les parents peuvent remplir.

Car bien sûr, théoriquement les parents peuvent refuser que leurs enfants subissent ce procédé. Mais la façon dont celui-ci est présenté par le formulaire, l’attrait des jeunes pour les nouvelles technologies en général, l’effet de groupe et le manque d’information Nendent d’emblée ce choix difficile à faire et sera donc sans surprise, forcément minoritaire.

Rappelons qu’en 2006, la mise en œuvre du même type de machine avait soulevé l’opposition aussi bien des syndicats enseignants (SNES FSU) que des parents d’élèves (FCPE) et même de certains élus (de la ville de Paris).

Et c’est bien normal car en effet un certain nombre de questions légitimes devaient et doivent encore être posées :

  • N’y a-t-il pas une disproportion entre le procédé technologique et sécuritaire utilisé et l’objet visé à savoir comptabiliser les passages à la cantine de quelques centaines d’élèves ?
  • Qui a accès à ces données personnelles : l’entreprise qui installe et réalise la maintenance par exemple ou seulement l’établissement? Combien de temps ces empreintes biométriques sont-elles conservées ? Sont-elles d’ailleurs détruites un jour ? Sont-elles croisées avec d’autres fichiers (départementaux ou régionaux via les financeurs, d’état via l’éducation nationale…) ? Comment sont-elles protégées ?
  • Ne s’agit-il pas en réalité d’habituer nos enfants à montrer patte blanche en toute occasion en profitant de l’effet gadget high-tech (comme au cinéma) ? Et à vivre ainsi dans une société où les moindres gestes, les moindres activités banales du quotidien, les moindres services utilisés sont destinés à être contrôlés, enregistrés, comptabilisés, évalués, réservés à certains publics dûment autorisés, au risque de mettre en péril les plus élémentaires libertés fondamentales ?
  • N’est-ce pas encore tout simplement le moyen d’ouvrir d’immenses marchés lucratifs à des entreprises privées qui profitent ainsi de publics captifs ?
  • Pourquoi une nouvelle machine qui arrive à peu près 5 ans après le précédent système informatisé de distribution de plateaux  ?
  • Connaissant les problèmes récurrents (et jamais sérieusement pris en compte) de la cantine scolaire de la cité scolaire du Diois, est-ce que la priorité était à l’achat de ce matériel ?
  • A quoi servent ces instances que sont les C.A. d’établissement si des décisions aussi importantes et qui concernent le type de société dans laquelle nous voulons vivre et faire grandir nos enfants ne font pas l’objet d’un véritable processus d’information contradictoire et de décision afin que tous les acteurs scolaires (élèves, enseignants, personnels, élus…) puissent se prononcer en toute connaissance de cause ?
  • Derrière les grands mots de démocratie, de citoyenneté, de projet d’établissement, de participation, de concertation, d’écologie… quelle réalité ?
  • Enfin, au-delà du contrôle biométrique n’y a-t-il pas un danger plus grand encore dans cet envahissement généralisé des technologies numériques (si peu écologiques, si peu résilientes, si peu démocratiques dans leur essence) dans nos sociétés ? Ce ne sont pourtant pas les signaux d’alerte qui manquent quant aux effets dramatiques des écrans, des réseaux,… sur nos enfants comme sur les adultes. Est-ce que réellement nous voulons que tous les aspects de la vie en société soient médiatisés par le biais de technologies numériques et de machines robotisées, du berceau à l’EHPAD, comme nous les voyons se mettre en place de manière accélérée et sans débat depuis quelques années ?

Des parents d’élèves et citoyens du Diois (Drôme)

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