(F)estives 2023. « La décroissance, solution politique » : quelques pistes de réflexion

Pour ces (f)estives 2023 de la décroissance, nous concluons toute la série des (f)Estives qui affirmaient que les questions du sens de la vie, de la technique, de l’histoire, du rapport à la nature et à la vie sociale étaient des questions politiques.

A ces questions, nous voulons maintenant apporter une réponse politique : la décroissance.

Seulement voilà que cette réponse politique devra se croiser avec 3 questions générales qui se posent à toute politique qui se veut démocratique :

  1. Est-ce faisable ? La question du comment (mais attention à l’intimidation permanente de devoir agir).
  2. Est-ce désirable ? La question du vers quoi (mais attention à ne pas céder à l’injonction du désir).
  3. Est-ce acceptable ? La question du avec qui (car faire pour mais sans ceux qui jugent la décroissance ni faisable ni désirable, c’est faire contre eux).

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Présenter la décroissance commune solution politique ouvre plusieurs perspectives et permet de venir questionner :

  • les autres récits écologiques dominants : ceux de l’effondrement comme ceux du colibri, car préparer un trajet de décroissance politique, ça n’est ni attendre de pouvoir repartir de zéro, ni penser que le changement pourra arriver par la multiplication des alternatives concrètes et encore moins des prises de conscience et actions individuelles

  • ce qui pose alors la question des stratégies à mettre en place : qu’est-ce qui provoque alors le changement social et politique ? Quels scénarios pouvons-nous envisager pour mettre en œuvre la transition ? Les théories « classiques » du changement politique : révolution contre réformisme, sont-elles satisfaisantes ? Les théories actuelles, entre choix de la sécession, théorie de l’essaimage (essaimage = seuil de masse critique = bifurcation) ou puissance des luttes de terrain peuvent-elles suffire ? Quel intérêt pour la décroissance de se nourrir des concepts d’hégémonie culturelle et de changement des imaginaires ? Avons-nous véritablement gagné la bataille des idées, comme certain-es d’entre nous le laissent entendre ? Que ce soit le cas ou non, en plus du combat idéologique, comment dans un second temps gagner la bataille des institutions ?

  • S’ouvre alors la réflexion sur le rapport à la démocratie : accuser la décroissance d’être anti-démocratique, punitive et liberticide, c’est l’une des meilleures offensives portée par ses détracteurs : les journaux regorgent de tribunes consacrées à ce sujet. Cependant, la présenter comme solution politique, c’est d’emblée envisager qu’elle n’est qu’une solution parmi d’autres, qu’elle doit relever avant tout d’un choix collectif démocratique en sa faveur (ce qui s’oppose tant aux clichés dont elle fait l’objet, qu’à une frange minoritaire d’ultras qui pensent, que, face à l’urgence climatique, seules des mesures coercitives pourront contraindre «  à temps » « les masses » à renoncer à la croissance et au capitalisme.). Comment renouer les liens entre démocratie et écologie, notamment autour de la notion de « monde commun » ? Quelles alternatives politiques concrètes ou complémentaires peuvent être envisagées par rapport au système représentatif actuel ?

  • Si la décroissance est une solution politique, se pose également la question des échelles d’application (et des horizons d’espoir) des mesures et des politiques décroissantes : aux niveaux municipal, local, (bio)régional, national, européen, international. Quid des questions géopolitiques, on ne peut plus épineuses pour les décroissant-es ?

  • De même, on ne peut éviter de traiter de la question du rapport à la conflictualité si l’on veut penser le trajet décroissant vers des sociétés de post-croissance plus écologiques, plus démocratiques, plus sereines et plus frugales. Quelles sont les implications de la réflexion menée par Aurélien Berlan dans « Terre et Liberté » pour nous autres décroissant-es ? « Nous devons entretenir une culture du conflit qui ne cherche pas à fuir la conflictualité, mais à l’assumer tout en cultivant les qualités humaines permettant d’en désamorcer le potentiel explosif ». Géopolitique, interétatique, mais aussi interne à la décroissance, nous choisissons trop souvent d’éviter de traiter ce sujet, qui nous gêne. Or, Si une société n’est pas une juxtaposition d’individus, alors le refus d’une telle conception (nominaliste) devrait inciter les décroissants à pousser jusqu’au bout la logique d’une conception relationnelle de la société. Autrement dit, la source des conflits n’est pas individuelle. Mais la conflictualité naît des interactions, des relations. La conséquence est décisive : la société idéale ne sera pas une société sans conflit mais avec conflits. Ce qu’il faut alors construire, c’est la possibilité que les conflits ne soient pas désintégrateurs.

Nous finirons ainsi la présentation du corpus idéologique de la décroissance à la fois comme une critique radicale de l’individualisme et comme une défense relationnelle du Commun : non, au commencement, il n’y a pas des individus isolés et indépendants qu’il s’agirait de relier ; au commencement, il y a des relations et des interdépendances.

Toutes les modalités pratiques des (f)estives 2023 : rejoignez nous du 8 au 13 août à Cologne dans le Gers !

(f)Estives 2022
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4 commentaires

  1. J’attends que les décroissants choisissent une région où nous pourrions déménager et vivre suivant nos principes vu que nous serions majoritaires aux élections. C’est le meilleur exemple concret pour montrer que nous sommes cohérents et non utopistes.
    Cela suffit des livres, des réunions, des manifestations, des pétitions stériles dans une civilisation égoïste, hypocrite, violente, malsaine et polluante où on fait n’importe quoi, n’importe comment, n’importe où.
    Nous sommes une fonction biologique, même si nous sommes la plus évoluée. La nature nous a dotée d’une grande liberté, mais il y a quand même des règles à respecter. L’individualisme et la compétition, c’est pour la poubelle. Il faut être collectiviste et coopératif. Le capitalisme c’est de l’escroquerie imposée par ceux qui n’en ont jamais assez (pour être riche il faut faire des pauvres).
    Je tiens à rappeler aux décroissants que la sobriété c’est bien, mais la paresse, non. Pas besoin de machines énergivores si on a pas peur de l’activité physique saine et modérée. Tout comme les poumons ne suffisent pas à la respiration (il y a la peau aussi), l’élimination des toxines ne se fait pas qu’avec l’urine, il y a la transpiration, ça force à boire plus et de ce fait, l’eau qui circule dans le corps le lave : combien de maladies seraient évitées. Même si ça ne plait pas aux pseudos intellectuels.

    1. Cher André,
      ce dont il sera question lors de ces (f)estives, ce sera précisément la question de l’acceptabilité sociale des propositions politiques de la décroissance.
      Car ce que vous proposez – le repli des « décroissants » dans une région choisie – est quand même politiquement effrayant : dans le genre « entre-soi », entre gens qui ont les mêmes convictions et les mêmes certitudes = la sécession (ou la dissociété).
      Nous défendrons même exactement le contraire : plus de politique donc plus de discussions démocratiques, moins de biologisme et d’hygiénisme.
      Nous ne croyons pas que c’est en proposant des solutions « pures » que l’on rendra la décroissance politiquement acceptable. Ce qui ne nous rend pas du tout incompatible avec des sources d’inspiration qui viennent de la nature : c’est le sens d’ailleurs du livre d’Olivier Hamant dont nous proposons une lecture. Ce n’est pas par la sécession et l’entre-soi que le vivant est robuste : tout au contraire.

      1. Pourtant André a raison. La décroissance et ses défenseurs rencontrent des victoires indéniables en terme de communication mais au delà des postures c’est le vide des idées, de la méthode.
        Il devient indispensable de montrer que cela peut-être viable faute à vouloir se limiter à de la figuration.
        Prendre un territoire pour y développer une forme de décroissance pour ensuite dire aux autres : regardez c’est possible, faites le aussi paraît indispensable.
        Mais bon, une bonne partie des acteurs de la décroissance semble se satisfaire dans la posture du lanceur d’alerte type il faut décroître.
        Comment ? Jusqu’où ? Ces questions ne devraient pas être seulement conceptuelles mais d’expérimenter ce que très peu de personne font.
        Mention spéciale à tous les décroissants du coeur des métropoles qui ne sont pas une contradiction prêt.

        Bref, André a bien raison. L’entre soi existe déjà au sein des décroissants et il est fondé sur de petits dénominateurs communs qui ne permettent pas d’agir en dehors de proclamer « il faut décroître ».

        La planète mériteraient de meilleurs défenseurs.

        1. Cher Lionel,
          nous « publions » votre commentaire et votre soutien à André, mais à lire et relire ce que vous écrivez, difficile de trouver sur quoi vous fondez vos jugements péremptoires. De quels décroissants parlez-vous, qui pourraient bien être ces « meilleurs défenseurs »… Cela est bien vague. Et surtout pourriez-vous nous donner un indice sur comment vous allez faire pour « prendre un territoire » ? Suggérez-vous que pour « décoloniser nos imaginaires », il faudrait commencer par « coloniser un territoire » ?
          Il y aurait donc beaucoup à discuter : sur les « victoires indéniables » (ah bon, où ?), sur le « vide des idées » (il faudrait toujours se méfier dans ce genre de critiques de n’exprimer que son ignorance), sur le rôle éventuel de l' »exemplarité » (qui suis-je pour demander aux autres de m’imiter), sur l’articulation entre le conceptuel et l’expérimentation…

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