Jusqu’à quel point les décroissants doivent-ils conserver ?

Pourquoi croître ? Une recherche sur internet dans le monde de l’entreprise donne une réponse simple : pour ne pas mourir. « Grandir ou mourir ». On peut même trouver : »Une entreprise doit être vue uniquement comme un outil de croissance, pas autrement ». C’est ce que Harmut Rosa qualifie de « stabilisation dynamique : croissance économique, accélération sociale, innovation technologique. Voilà donc pourquoi on n’arrête pas le progrès : pour croître. Ou l’inverse, voilà pourquoi on ne veut pas arrêter de croître : pour progresser.

Vers où ?

Croître pour croître ; progresser pour progresser. Chacun peut se dire que cela n’a pas beaucoup de sens – sinon de tourner en rond -, surtout quand cette progression est d’ores et déjà un dépassement mortifère – écocidaire et sociocidaire – de plusieurs limites de soutenabilité écologique (Climat, biodiversité, cycles de l’azote et du phosphore).

Pourquoi décroître ? D’abord pour sortir de cette « logique » (?) de croissance. Mais surtout pour sortir du « monde de la croissance ». Autrement dit, s’émanciper des mythes du Progrès.

C’est en ce sens que les décroissants doivent assumer d’être des « conservateurs ». Mais jusqu’à quel point ?

Jusqu’à quel point pouvons-nous assumer de « restaurer » des valeurs qui peuvent friser la « réaction » : la tradition, l’autorité, la vérité. Comment pourtant ne pas s’apercevoir que l’effondrement de ces valeurs est corrélé à celui de la « vie sociale », au profit d’une « vie en société » qui se résume/réduit à une juxtaposition de vies individuelles. Le fond dialogique de cet individualisme c’est une victoire imparable du « toutes les opinions se valent ». Et voilà comment des attitudes « normalement » émancipatrices telles que la critique, le scepticisme, le relativisme peuvent en arriver à dépasser leur plafond de toxicité et rendre impossible tout terrain d’entente, toute vie commune, toute controverse sans fâcherie.

Décidément, le dépassement des plafonds de l’insoutenabilité sociale n’est pas plus acceptable que celui de l’insoutenabilité écologique.

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