Version longue d’un article proposé au site Reporterre (seules les 2 dernières parties ont été publiées). Vous pouvez aussi télécharger, imprimer et distribuer le tract de la MCD sur cette réforme des retraites : cliquer ici.
Mon fil conducteur est le suivant :
- le gouvernement met en avant une retraite « universelle, par répartition et par points »
- je commence par montrer que la réforme est faussement universelle (ni liberté, ni égalité, ni fraternité)
- mais en réalité la réforme a un objectif idéologique qui se résume au système par points (« l’essence de la réforme » des retraites) = un système individualiste → instaurer la conception macronienne de la société : comme une juxtaposition d’individus faussement placés à égalité sur la même ligne de départ et dont le mérite sera départagé à partir d’une mise en compétition généralisée sur le seul mode du « travail »
- je constate alors que l’opposition à la réforme par les syndicats partage avec le gouvernement et le patronat la même conception du travail comme seule source de reconnaissance sociale → j’en déduis que l’opposition à la réforme ne pourra que perdre (même si le gouvernement lâche quelques miettes sur les éléments « paramétriques » de la réforme, il ne cédera pas sur l’enjeu « systémique » de la réforme, sauf événement extérieur imprévu) car elle n’a aucune contreproposition réellement alternative à la réforme
- cette contreproposition alternative doit rompre avec la conception de la « retraite » comme prolongation du « travail » (soit sous la forme récompense, soit sous la forme compensation) et pour respecter le véritable « esprit » de la répartition, ne pas la réduire à son mode de financement (l’amont) mais l’étendre en aval à son montant (équité dans la cotisation et la durée de la cotisation mais égalité du montant)
- d’où la proposition d’une retraite en rupture radicale avec le « travail » = retraite inconditionnelle d’un montant unique et égal pour tou.te.s (avec pour seule variation possible, l’espérance de vie corrélée au niveau de revenu).
C’est sans vergogne que cette réforme des retraites se présente sous le règne du double jeu et de la multiple pensée, tant du point de vue de sa méthode que dans son contenu. Depuis juillet 2019, depuis que le Haut-commissaire à la réforme des retraites a présenté ses « préconisations » « pour un système universel des retraites »1, les ministres se sont succédés sur les écrans et sur les ondes pour crier au procès d’intention, « puisque rien n’aurait encore été décidé » : mais à chaque rencontre avec les partenaires sociaux, c’était toujours du « à prendre ou à laisser ». Tout au long de cette parodie de dialogue social, chacun des missi dominici du président jupitérien a pu y aller de sa fausse piste, sinon de son désaveu : avec l’épisode particulièrement cynique de la « clause du grand-père ». Mais cet enfumage dans le calendrier s’est doublé d’un enfumage sur le contenu.
S’agit-il seulement d’une « réforme paramétrique » visant à équilibrer les comptes du budget retraite comme on pourrait le croire en écoutant le premier ministre 2 ou en lisant le dernier rapport du COR publié en novembre, jouant donc « sur chacun des trois leviers que sont le montant de la pension moyenne, l’âge moyen de départ à la retraite et le taux de prélèvement » 3 ? Ou bien va-t-il s’agir d’une « réforme systémique » à partir d’une table rase de l’ancien système au nom d’une conception macronienne de la justice, mais surtout de la société ?
Au pire le COR anticipe un déficit de 17,2 milliards d’euros en 2025. Mais les arguments qui annoncent ce futur déficit ne tiennent pas longtemps. Par exemple, il faut savoir qu’en 2024 sera remboursée la dette de la Sécu pour laquelle avait été créée en 1996 la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale). Or ses recettes, alimentées pour moitié par la CRDS et pour l’autre par une part de la CSG, sont de l’ordre de 24 milliards d’euros ! Il n’y a donc aucun problème de financement de nos retraites, à moins que le gouvernement n’ait d’ores et déjà prévu de réserver cette manne pour financer de nouveaux cadeaux fiscaux aux « premiers de cordée ».
L’objectif idéologique de la réforme : sous le masque de l’universalisme, une société libérale, propriétariste, entrepreneuriale et méritocratique
Qu’en déduire ? Que l’objectif réel de la réforme est bien idéologique, et qu’il s’agit de poursuivre avec les retraites un travail libéral de démolition sociocidaire déjà entrepris par les Loi travail (Loi El Khomri puis loi Pénicaud), et par la réforme de l’assurance chômage (en vigueur depuis le 1er novembre) : est mise en avant une exigence de justice – l’uniformisation des règles des régimes de base dans un régime universel, la fin des « régimes spéciaux » – au moyen d’un système par points.
Commençons par constater que ce sont de bien paradoxales conceptions « républicaines » qui nourrissent l’esprit « universaliste » de cette réforme :
- Quelle est donc cette conception de la liberté qui permet à la ministre Agnès Buzyn de voir dans le décalage entre l’âge légal et l’âge pivot « l’avantage de laisser la liberté de choisir. Ceux qui partent à cet âge ont tous leurs droits. Ceux qui le font avant en ont moins. Et ceux qui le font après en ont plus ». Comment ignorer que cette liberté ne profitera qu’aux privilégiés dont le montant de la pension permettra une vie décente ? Quelle est cette conception de la liberté qui voit dans la retraite par « points » un calcul tenant compte des transformations – mobilité et flexibilité généralisées – du travail dans les décennies à venir quand nul n’ignore que ces transformations seront subies et contraintes par les plus bas revenus et ne seront des « opportunités » que pour les winners?
- Quelle est donc cette conception de l’égalité qui permet au président de l’Assemblée nationale de ne voir dans le mouvement social contre la réforme qu’une « mobilisation pour conserver des inégalités » ? Quelle est donc cette conception de l’égalité qui pour la tranche au-delà de 120 000 € de revenu annuel abaisse la cotisation à 2,8 % ? Pour un revenu de 240 000 €, cela revient à un taux effectif de cotisation de 15,4 % alors que les revenus inférieurs cotiseront à hauteur de 28 % ? Quelle est cette conception de l’égalité qui en abaissant le taux effectif de cotisation permettra aux plus aisés de se financer – eux – un complément de retraite par capitalisation 4 ? Quelle est cette conception inéquitable de l’égalité qui annonce que le montant du point pourrait varier en fonction de l’espérance de vie quand 5 l’espérance de vie à la naissance des hommes parmi les 5% les plus aisés est de 84,4 ans, contre 71,7 ans parmi les 5 % les plus pauvres, soit 13 ans d’écart ! Quelle est cette conception de l’égalité qui ne sait égaliser que par le bas, en particulier sur la question cruciale de la pénibilité ?
- Quelle est cette conception de la fraternité, de la solidarité, qui permettait à Agnès Buzyn de fustiger les revendications « très corporatistes » des syndicats, qui défendent « un régime extrêmement avantageux », puisqu’il permet à ceux qui en bénéficient de partir bien avant les actifs du privé ? Elle faisait là allusion à la pseudo recherche de l’universalité par la disparition programmée de tous (?) les « régimes spéciaux » : pourtant beaucoup de ces « statuts » résultent d’une histoire sociale que le président Macron – pourtant toujours si prompt à commémorer l’histoire militaire de la France – ferait bien de davantage respecter s’il veut réellement réunir au lieu de diviser, au lieu de croire qu’une réforme peut faire tabula rasa du passé, même dans une start-up nation.
Tout cela se synthétise dans ce qu’on pourrait appeler une drôle de conception de la justice où nous touchons le fondement idéologique de la réforme dans son pan systémique : une conception uniforme de l’universalité par laquelle la suppression de l’ISF et son remplacement par une flat tax (PFU : Prélèvement Forfaitaire Unique) à un taux ridiculement bas de 30 % pour tous les revenus du capital (dividendes, plus-values), en rompant avec le principe de la progressivité de l’impôt, débutait au 1er janvier 2018 la construction de la société macronienne, libérale, propriétariste, entrepreneuriale et méritocratique.
En apparence (et la CFDT s’y laisse prendre) le principe du système par points paraît simplificateur et juste : pour tout le monde, la pension en euros serait calculée en multipliant son nombre de points acquis par leur valeur de liquidation au jour du départ en retraite. En réalité, et c’est là sa principale faiblesse, systémique, le système par points ne fait que prolonger après le « travail » les conditions « acquises » pendant les périodes d’emploi. Et c’est d’autant moins juste que toutes les autres procédures de réduction des inégalités sont en train d’être attaquées puis démantelées. Si nous comprenons lucidement la réforme et que nous considérons les inégalités de revenus corrélées aux inégalités d’espérance de vie alors elle revient à instaurer un système qui trouvera son équilibre en finançant les pensions des plus aisés par la mort des plus pauvres ! Ceux dont les carrières auront été marquées du sceau de la pénibilité, de l’émiettement, du sous-paiement, du déclassement et souvent du non-sens ! Histoire de réactualiser au 21ème siècle la fameuse formule de Léon Bloy : « L’argent, c’est le sang des pauvres » !
Mais alors pourquoi idéologiquement tenir à ce point à la réforme systémique par points ? Gageons que les négociations à venir céderont quelques « grains à moudre » sur les régimes spéciaux et les paramètres de la réforme, car là ne sera pas l’essentiel. Le véritable objectif de la réforme n’est pas dans ses modalités mais dans son principe de base : le calcul de la pension en fonction de points capitalisés individuellement tout au long de la carrière. Et c’est pourquoi le calendrier est peut-être plus adroit qu’on le croit : car en différant les informations sur les éléments concrets de la réforme, le gouvernement agite suffisamment de chiffons rouges pour attirer le taureau syndical, qui s’y précipite tête baissée au lieu de se rendre compte que ce spectacle ne fait que retarder la mise à mort.
On peut voir cet essentiel en réalisant que la mise en avant du maintien du système par répartition est un leurre. Car la logique de l’individualisation – et personne ne conteste qu’elle oriente celle du calcul par points – est tout à l’opposé de celle de la répartition. Le gouvernement quand il évoque cette répartition ne considère que le mode de financement : ce sont les actifs qui financent le système de retraite. Ce qui d’ailleurs n’est qu’une vérité partielle quand les plus enrichis pourront toujours se financer des compléments par capitalisation. D’autant qu’à l’âge de la retraite les inégalités de revenus se sont consolidées en inégalités de patrimoine, ce qui signifie un complément par la rente. Mais l’esprit de la répartition ne devrait pas s’exercer que sur la question comptable du financement, mais reposer d’abord sur la solidité sociale d’une solidarité réellement partagée.
Une conception travailliste de la société partagée par gouvernement, patronat et syndicat
Et c’est là que réside la véritable force de la réforme actuelle, par la faiblesse d’une grande partie de ses opposants. Car en effet, partisans et opposants de la réforme partagent la même conception asociale de la vie en société, c’est-à-dire cette conception qui depuis la révolution industrielle voit dans le « travail » le principal pilier de l’intégration sociale. Concrètement, ils voient tous dans la « retraite » la prolongation d’une vie sacrifiée au travail. Et de la même façon qu’en 1848 6, socialistes et libéraux avaient trouvé à s’entendre pour confondre « droit du travail » et « droit au travail », depuis 1945 et encore aujourd’hui, patronat et syndicats s’entendent pour confondre « droit des retraites » et « droit à la retraite ». Pour la droite illibérale ou non, vieillotte ou moderne, macronistes compris, les mérites du travail doivent trouver récompense à la retraite ; pour la gauche libérale ou non, archaïque ou moderne, macronistes compris, les inégalités du travail doivent trouver compensation à la retraite. En commun, ils ne voient la « retraite » que comme le non-travail après le travail : pour certains, et nous touchons à l’absurde, ce non-travail est même le mobile du travail (dont les loisirs et les congés donneraient un avant-goût pendant les « temps libres » !).
Qu’est-ce que la « retraite » ? C’est une période de la vie, sans travail, mais avec revenu. Voici la question : faut-il accepter de voir dans la retraite la prolongation du travail ?
C’est bien un néo-travaillisme ultralibéral – celui des « premiers de cordée » – qui anime l’esprit de la réforme macronienne des retraites 7 : et tout le reste sera négociable, les délais, les montants, les régimes spéciaux. Or cette idéologie n’est pas tant que cela opposée au travaillisme de base de l’opposition syndicale à la réforme 8. Voilà pourquoi le gouvernement, sur le fond, ne battra pas en retraite, car il sait que ses opposants même s’ils résistent à l’individualisation des formes du travail ne défendent pas une véritable rupture systémique avec l’idéologie travailliste. Pourquoi toutes les oppositions, syndicales et partidaires, vont-elles finir malheureusement par se faire balader ? Parce qu’elles ne disposent d’aucune contreproposition d’ensemble, contreproposition qui non seulement devrait réinterroger le sens de la production et de la consommation dans une société qui doit aussi affronter la question écologique, mais qui devrait être capable d’ouvrir la question des retraites à la celle de la fin de vie, à celle de la dépendance, mais aussi à celle de la reproduction des inégalités par la succession.
Ce que pourrait être une contreproposition alternative
Une telle contreproposition générale devrait commencer par refuser la fable d’une création individuelle de la richesse par le seul travail : comme si certains plus méritants que d’autres créaient de la richesse par leurs seules ressources, comme si les « travailleurs » pouvaient produire sans s’appuyer sur l’inestimable richesse fournie par tous ceux qui n’ont peut-être pas un emploi mais dont les activités constituent le véritable tissu social sur lequel s’adosse toute production économique. Et eux à l’âge de la retraite, que deviennent-ils ? Plus exactement pour rester statistiquement dans la vérité, que deviennent-elles ? Au mieux, une pension de réversion pour venir compléter peut-être une pension acquise par une carrière morcelée…
Quel pourrait alors être l’horizon d’une réforme des retraites en rupture radicale avec une telle idéologie, qui ouvrirait le champ de la reconnaissance sociale à toutes les activités, qui réduirait drastiquement les inégalités de revenus ? Serait-il utopique d’espérer qu’exactement comme une grève des transports devrait être l’occasion pour des millions de franciliens de prendre le temps de réfléchir à l’absurdité du temps quotidiennement consacré au transport, une lutte contre une réforme des retraites devrait être la meilleure occasion pour reposer la question du sens du travail ? Et c’est là que nous retrouverions le véritable esprit de la répartition.
Contre l’idéologie macronienne de la réussite individuelle, en tenant compte des « très grandes difficultés objectives liées à la mesure de la contribution individuelle » 9, alors il faut reconnaître que la production de toute richesse, économique ou non, est toujours une production sociale, commune. Et par conséquent, il n’y a pas que les seuls « travailleurs » qui contribuent mais tou.te.s et la justice voudrait donc que tou.te.s reçoivent un revenu pour cette contribution. Le plus juste serait donc de ne défendre aucune barrière entre les uns et les autres : pour cela, non seulement les pensions des plus riches doivent immédiatement et très fortement être plafonnées mais leurs cotisations doivent être très remontées.
Et pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique de la répartition et de la solidarité ? c’est-à-dire la revendication d’une retraite inconditionnelle, d’un montant unique et égal pour tou.te.s (dont la principale variation devrait intégrer l’espérance réelle de vie).
Pour finir et pour ouvrir une vraie piste de réflexion, proposons à chacun une même expérience en 3 étapes : 1/ Commencer par demander à son voisin, à un ami, à un commerçant… quel devrait être l’écart décent entre plus hauts et plus bas revenus, compte tenu du diplôme, de la responsabilité (et on ne sait quel autre critère mis traditionnellement en avant pour justifier des inégalités de traitement). 2/ Définir ensuite la retraite comme du « non-travail », c’est-à-dire comme une période qui n’a plus aucune raison de maintenir les critères précédents. 3/ Demander alors pour ce non-travail qu’est la retraite quel devrait être l’écart maximum.
Nous faisons le pari que même les défenseurs des plus hauts écarts entre revenus du travail feront une réponse plus proche de l’horizon de rupture que nous proposons, plutôt que ce que toutes les réformes proposées envisagent.
---------------Notes et références
- https://reforme-retraite.gouv.fr/IMG/pdf/retraite_01-09_leger.pdf[↩]
- Qui voit dans une réforme paramétrique la condition nécessaire d’une réforme systémique.[↩]
- https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-11/Rapport_novembre_2019.pdf[↩]
- Grâce à la loi Pacte et la création d’un nouveau plan épargne retraite disponible à partir du 1er octobre 2019, ils pourront profiter d’une règlementation plus souple, d’une fiscalité avantageuse et d’un mode fonctionnement plus simple.[↩]
- https://www.insee.fr/fr/statistiques/3319895[↩]
- http://decroissances.ouvaton.org/2016/11/23/lantiproductivisme-un-deni-pour-la-gauche/[↩]
- Idéologie particulièrement à l’œuvre dans la réforme actuelle de l’éducation nationale, dans la réforme des programmes comme dans Parcoursup.[↩]
- Les syndicats voit d’ailleurs dans ces diverses résistances à la réforme l’opportunité de retrouver la main après 1 an de mouvement social a-syndical, mais il n’est pas sûr qu’une convergence des peurs reviennent à une convergence des colères.[↩]
- Dixit Thomas Piketty qui n’est pourtant pas un extrémiste, Capital et idéologie, Seuil, septembre 2019, page 621.[↩]
Attention il y a une erreur ici : ? Quelle est donc cette conception de l’égalité qui pour la tranche au-delà de 120 000 € de revenu annuel abaisse la cotisation à 2,8 % ? Pour un revenu de 240 000 €, cela revient à un taux effectif de cotisation de 15,4 % alors que les revenus inférieurs cotiseront à hauteur de 28 % ?
Voilà ce qui est dit là : https://www.liberation.fr/checknews/2019/12/03/retraites-est-il-vrai-que-les-cadres-ne-cotiseront-plus-qu-a-hauteur-de-28-au-lieu-de-28-au-dela-de-_1766787
Vous n’avez pas fait attention que j’ai bien précisé « pour la tranche au-delà de 120 000 € » : car, en effet, la progressivité de l’impôt se fait « par tranches ». Certes au-delà, la cotisation n’ouvrira pas de droit à la retraite (et c’est effectivement une baisse de leur retraite… par cotisation). Mais pour le cas que je prends : 240 000 €, cela va bien faire un taux de cotisation de 28% pour les premiers 120 000 € puis un taux de seulement 2,8% pour les derniers 120 000 € → ce qui va bien faire un taux effectif de cotisation de 15,4%. Certes (je le réécris) avec une baisse de leur retraite par cotisation. Mais si le taux avait été de 28% pour la totalité des 240 000 euros, ils auraient davantage cotisé. Ce qu’ils ne vont pas faire ; et voilà le point que je dénonce: de la différence de cotisation, ils vont pouvoir dégager un surplus qu’ils vont pouvoir attribuer au financement d’une complémentaire (retraite par capitalisation).
Thomas Piketty, qui a bien expliqué cela quand il est passé sur France 5, a aussi tout à fait raison d’ajouter que la réforme aurait pu être être encore plus coûteuse pour les plus hauts revenus : cotisation de 28% pour la totalité des revenus et plafonnement des droits à la retraite au-delà de 120 000 €.
Bref : même si le montant de leur pension acquise par cotisation va baisser (mais pas assez !), ils pourront le compenser grâce au taux réduit de cotisation au-delà de 120 000€.
Je suis entièrement d’accord avec votre analyse (entre autres que l’opposition à la réforme et le gouvernement ont la même conception du travail comme seule source de reconnaissance sociale) et votre proposition (une retraite universelle et inconditionnelle serait la solution). Toutefois, me concernant, je pousserais le raisonnement plus loin. Il faudrait faire disparaître toute idée même de « retraite » du monde du travail. D’ailleurs, il faudrait faire en sorte que l’emploi ne soit plus le centre de l’existence et la seule condition de satisfaire les besoins fondamentaux d’une vie digne. La solution serait l’instauration d’un revenu universel inconditionnel que toute personne toucherait de la naissance à la mort.
C’est pourquoi, dans la dernière Lettre, est évoqué un « droit inconditionnel de retrait.e ». Un tel droit ferait disparaître toutes les questions sur âge légal / âge pivot, puisque chacun, quand il le choisirait, pourrait se mettre en retrait de la sphère marchande, à condition évidemment de disposer d’un revenu inconditionnel (RI) → http://editionsdudetour.com/index.php/les-livres/inconditionnel/.
Comme défendu régulièrement, un tel RI devrait être : d’un montant suffisant et décent, soutenable écologiquement, articulé avec un plafonnement des richesses (revenus et patrimoines) compatible avec une soutenabilité sociale.