Sans illusion, sans attendre

Se défaire de l’illusion du pouvoir institutionnel !

Redonner du sens au projet politique !

Agir vraiment, ici et maintenant !

Quel projet de civilisation !

Réfugiés climatiques, misère, précarité, épuisement des sols et de la ressource en eau, famine et guerre pour le contrôle des énergies fossiles, folie nucléaire, dérégulation sociale et criminalisation de la révolte, de la pauvreté et de l’alternative, c’est cela que l’économie capitaliste et productiviste réserve comme avenir à plus de 6 milliards d’humains.

Qui pourrait croire qu’il suffirait de « battre la droite » à de prochaines élections  pour apporter des réponses décentes à ces catastrophes environnementales, sociales et humaines ?

Illusions et imposture

Toute politique d’accompagnement, de gauche comme de droite, entretient la même illusion : que les solutions passent par le retour de la croissance, la sortie de la crise et le développement durable.

Mais il n’y a là qu’une imposture qui tend à généraliser sur toute la planète nos pratiques dévastatrices : le « développement durable », basé sur la croyance en l’innovation technologique et la foi dans le libre-échange, est un concept dangereux car il accentue l’empreinte écologique globale qui dépasse aujourd’hui la capacité de régénération de la planète. Dernier gadget idéologique du néo-impérialisme occidental, il tend aussi à détruire l’autonomie économique et alimentaire des peuples, à détruire leur culture et leur organisation sociale.

Qui veut croire que la gauche et les écologistes de gouvernement, dans les conditions actuelles, peuvent changer l’ordre des choses, et proposer une rupture face au chemin absurde de la mondialisation marchande ?

Qui veut croire qu’il suffirait de conquérir une majorité dans les institutions mises en place par l’ordre dominant, pour en modifier les objectifs ? Qui veut croire que ce modèle est réformable de l’intérieur en élisant de « bonnes majorités » ?

La stratégie de l’effet de masse critique

Malheureusement, cette illusion de la prise du pouvoir institutionnel, comme préalable à tout changement, est également entretenue par une partie de la « gauche de la gauche ». Et c’est pourquoi, dans la défaite comme dans la « victoire », cette chimère a toujours provoqué des déceptions et des démobilisations.

Nous objectons une autre stratégie : atteindre une masse critique (1), permettant d’enclencher un changement dans toute la société, par le déploiement des alternatives concrètes et des contre-pouvoirs. Obtenir des élus et des majorités ne devrait avoir comme seul intérêt que le soutien au mouvement social d’émancipation, et certainement pas de s’enfermer dans les calculs politiciens de « l’unitude » (2) à tout prix ; tout au contraire, il devient nécessaire de construire un projet alternatif, s’appuyant sur les initiatives d’un mouvement social organisé.

(1) L’effet de masse critique, est un processus permanent et évolutif de transformation sociale. Son but ? La rupture avec le modèle dominant. Son chemin ? Conjuguer luttes sociales, contre-pouvoirs, alternatives concrètes et combats institutionnels. A la condition que ces combats divers s’appuient sur la cohérence d’un projet politique global de sortie du capitalisme et du productivisme. C’est de l’expérience et de l’analyse de ces alternatives que les contre-pouvoirs, issus des luttes de résistance, tirent les enseignements pour proposer des ruptures sociétales et institutionnelles : sans cesse et sans attendre. Ce qui entraînent à la fois des changements culturels (mise en cause de l’idéologie dominante) et des modifications législatives permettant des avancées sociales, traduisant de nouveaux rapports de force dans la société. Pour les Objecteurs de Croissance, la prise du pouvoir institutionnel n’est pas prédominante : le préalable, c’est la capacité des mouvements sociaux, à inventer, organiser, proposer l’organisation sociale à venir, qui permet les ruptures fondamentales.

(2) L’unitude : l’unité attitude, qui veut faire croire (naïveté) que l’union électorale comblera l’absence de projet commun (hypocrisie)

Ne doutons pas que la lutte contre les dominations est permanente quelles que soient les majorités au pouvoir. Car le pouvoir, expression d’une domination, génère des réactions conservatrices (simplement pour se maintenir à l’identique). Il faut donc l’affaiblir en permanence par une stratégie de contre-pouvoirs (voire d’anti pouvoirs) pour permettre l’expression de l’expérimentation sociale. La gauche républicaine a toujours voulu, quand elle est «au pouvoir» affaiblir, annihiler, le mouvement social, ce qui a entraîné ses défaites successives.

Au contraire, nous pensons que l’émancipation individuelle et collective passe par un processus de (r)évolution permanente.

La social-démocratie est une impasse

Partout dans le monde, la social-démocratie se rallie aux thèses libérales productivistes. Ralliement est un mot faible quand on sait que les écologistes fournissent partout et dans toutes les majorités, des ministres de l’environnement, quand un « socialiste » dirige le F.M.I., que le président de gauche du Brésil brigue la présidence de l’OMC. Il est pourtant clair que cette absence d’alternative de la social-démocratie et de ses alliés tient dans leur projet politique néo-keynésien (redistribution et régulation) aujourd’hui dépassé :

  • La « juste » répartition des profits financiers et des « richesses » de la croissance est mise à mal par la limitation des ressources, la délocalisation de la production et la spéculation.
  • La régulation des économies par l’État-providence est aujourd’hui un frein au capitalisme financier ultra-libéral.
    A chaque expérience de gouvernement de gauche, ces fausses solutions n’en finissent pas de désespérer le mouvement social : mais alors pourquoi la « gauche de la gauche », « l’autre gauche », alliées ou futures alliées de la social-démocratie, semblent-elles pourtant s’y résoudre ?

Pourquoi ? Parce que, même en prétendant le nier et le combattre, de bonne foi sans doute, elles restent prisonnières d’un dogme : celui de la croissance économique et de la centralité du travail salarié.

Sortir du capitalisme, sortir de la religion de la croissance, sortir du monde du nucléaire.

Notre société a lié son destin à une organisation fondée sur le mythe de l’accumulation illimitée où la croissance et le travail aliéné apparaissent contradictoirement comme de « nécessaires libertés ».

Cette idéologie en posant comme nécessaire l’accumulation des richesses impose tous les moyens de sa mise en œuvre, jusqu’au plus inhumains : la croissance économique aggrave la dégradation écologique, renforce la crise sociale, est au cœur de la perte de sens et alimente la crise politique, en dépossédant les peuples de leur autonomie de décision.

Pire, la classe politique de gouvernement se dépossède elle-même de sa capacité d’action, en cédant ses maigres pouvoirs à des institutions supra-nationales sans contrôle (Commission européenne, OMC, FMI, OTAN), qui sont sous influence des grands groupes économiques et financiers. Comment s’étonner alors que la gauche gestionnaire, qui est à la tête de la quasi totalité des régions, a surtout brillé par ses politiques développementistes et productivistes, dans un strict respect du libre-échange ?

La sagesse de l’escargot

Lorsque certains seuils sont atteints et que s’enclenche un processus de destruction des effets positifs de la productivité, n’est-il pas temps de redécouvrir la sagesse de l’escargot qui nous indique la nécessité de la réduction de la production en cessant d’ajouter des spires à sa coquille lorsque celle-ci a atteint une taille optimale?

Changer de point de vue : sortir du capitalisme, cesser de croire qu’accumuler c’est « profiter » ; réorienter nos pratiques ; bifurquer vers une voie soutenable et potentiellement heureuse. Les décroissances de la production et de la consommation appellent à un autre cadre théorique et pratique dans lequel elles pourront se réaliser. Ce cadre affiche une double ambition : mettre tout autant fin aux rapports injustes et irresponsables qui sévissent dans nos sociétés d’abondance qu’aux rapports que les pays riches entretiennent avec les pays qu’ils ont appauvris. Ce nouveau « paradigme » nous le nommons : objection de croissance.

Affaiblir les pouvoirs, combattre les dominations

Si l’Histoire nous enseigne que les institutions politiques protègent et renforcent l’ordre social dominant, il s’agit de ne plus entretenir le mirage que leur conquête seule permettra l’émancipation individuelle et collective. Nous ne devons plus songer à prendre au préalable ce pouvoir : pour agir contre toutes les dominations, il faut créer sans attendre les conditions de la maîtrise du sens de nos vies et la décolonisation de nos imaginaires.

Ce combat doit-il se passer de participer aux votes et aux élections ? Faut-il mettre à l’écart de l’exercice concret de l’activité politique la majorité des citoyens ? Non. Le but, dans ce cas, c’est la qualité du débat public, et pas le résultat quantitatif.

Plutôt qu’accompagner le système, nos élus devront en affaiblir la domination en se mettant au service des luttes, des contre-pouvoirs, de l’expérimentation sociale et des alternatives : pas simplement en s’en faisant les relais mais en soutenant la capacité de tous à inventer leur propre vie, en rompant avec l’opacité de la gestion, les complicités électives, et la reproduction des élites.

Fondamentalement, pour permettre l’expression de la pluralité de pensée et le respect des opinions minoritaires, nous devons revendiquer la proportionnelle intégrale à toutes les élections et l’abandon du scrutin majoritaire, la prise en compte du vote blanc, la révocabilité des élus et le bilan annuel de mandat. De plus, dans les institutions doit être acquis et renforcé le droit d’information et d’expression des minorités ; dans la société doit être accepté le droit à l’expérimentation minoritaire, pour faire émerger l’innovation sociale.

Les Utopies réalistes

Des expérimentations minoritaires, des projets de rupture sans attendre avec le capitalisme, des uto-pistes réalisables, des luttes contre le mépris sont aujourd’hui mise en place dans notre société. Elles fourmillent.

Si nous acceptons de participer à des institutions, c’est pour y porter notre combat, pour aider à renforcer ces résistances et à les pérenniser ; car c’est sur elles que s’appuiera notre projet et nous ne devrons pas les décourager en nous limitant à gérer l’existant.

Les Chantiers de la Décroissance

Il n’est pas envisageable pour nous de collaborer au coté de la social-démocratie à la bonne gestion de ce système prédateur. De plus, notre volonté de réhabiliter une démocratie réellement représentative nous impose de penser une stratégie politique qui ne peut se baser que sur la garantie d’une totale liberté de proposition, de critique, de subversion.

(3) Les Chantiers de la décroissance :

  • retrouver une empreinte écologique soutenable,
  • réduire les transports,
  • relocaliser les activités et la démocratie
  • restaurer l’agriculture paysanne,
  • réaffecter les gains de productivité en réduction du temps de travail,
  • relancer la «production» de biens relationnels,
  • réduire la consommation d’énergie, relocaliser ses sources de production,
  • se réapproprier la monnaie,
  • réorienter les techniques, mettre en avant l’urgence de sortir du nucléaire (4).

C’est pourquoi:

  • Au premier tour des élections, nous proposons des candidatures de rassemblement « pour sortir du capitalisme et du productivisme ». Ces candidats défendront sans aucune ambiguïté un projet global s’articulant autour des  Chantiers (3) pour rompre avec le productivisme, avec le libre échange, avec le nucléaire et son monde. Ce bloc social et politique est indépendant de la social-démocratie, il ne se limite pas aux groupes politiques, il s’allie aux mouvements sociaux pratiquant résistance et alternatives concrètes.
  • Au second tour, il pourra s’agir de battre la droite dont les valeurs historiques sont à l’opposé de celles que nous défendons, mais sans sacrifier notre radicalité, sans nous compromettre et sans donner un chèque en blanc à la gauche.
  • Au troisième tour, pour l’élection des exécutifs : pas question de participer à un exécutif où la social-démocratie sera majoritaire – sans même parler du Modem. Nous voterons, au coup par coup, ce qui nous semblera en accord avec le projet présenté à nos électeurs. En cas de majorité de rupture, non dominée par la social-démocratie, nous n’accepterons comme mandats dans l’exécutif que ceux qui permettront l’émergence, le soutien, la pérennité, le contrôle et la participation des mouvements sociaux et nous exigerons que de telles fonctions et moyens existent dans les assemblées à venir.

 (4) A  cause de la technique moderne et de son potentiel apocalyptique, l’idée qu’un jour la Nature et le Monde humain puissent cesser d’exister ne contient aucune contradiction. L’idée absurde que la jouissance des générations actuelles puisse être achetée au prix du malheur, voire de l’inexistence des générations ultérieures, n’est pas, non plus, une contradiction. Les progrès de la technique se sont mués en un saut qualitatif : la démesure de la technique met en péril la nature et le vivant en général, et l’humanité en particulier.

Quant à la production d’électricité nucléaire, il ne s’agit ni d’une technologie, ni d’une industrie comme une autre, de par l’ampleur du désastre qu’elle renferme. Par conséquent, imposer son arrêt en un quinquennat serait pour la population prendre conscience que la gestion techno-bureaucratique de notre société est incompatible avec la protection de sa santé. Et du côté militaire, la bombe contient la fin de l’humanité comme la nuée porte l’orage. Il faut donc sortir de l’impasse nucléaire le plus vite possible : sans illusion, sans attendre.

Mouvement des objecteurs de croissance (le MOC)

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