Zig zag avec les limites de la loi et décroissance du pouvoir de nuisance des malfaisants

Chères lectrices et lecteurs, futurs électrices et électeurs, je ne résiste pas à la tentation, mais délivrez-moi du mal, de vous faire goûter la prose de Monsieur Ryo, notre rural Maire, qui titre son dernier éditorial « En avant Béganne ! ». Le vaillant démarre sur les chapeaux de roues avec : « Oui, après la réalisation du giratoire, la commune doit continuer à trouver pleinement sa place dans le maillage territorial actuel. Celui-ci, très apprécié [le maillage territorial ?] non seulement par les administrés [administré, administré ?, est-ce que j’ai une gueule d’administré ? 1) mais aussi par beaucoup de gens qui traversent notre commune, donne de nouvelles perspectives. [A 350 000 €, c’est beau un rond-point la nuit ! Surtout avec des gilets jaunes !], jouant en quelque sorte le rôle de table d’orientation (oh quel poète !) « Nous admirons (sic), à chaque fois qu’on y passe, ce beau giratoire renforçant la sécurité et les fleurs de prairie qui l’entourent [oui le giratoire renforce les fleurs de prairie], c’est très réussi. » nous écrit un administré. »

Je vous épargne la suite de l’édito de cet ancien directeur-adjoint d’établissement scolaire qui vante par le menu toutes les réalisations de l’équipe municipale. Bref une belle promotion digne d’une bonne campagne pré-électorale. Manque de bol, pour un candidat aux municipales dont le premier tour a lieu le dimanche 15 mars 2020, ça tombe sous le coup de la loi avec l’article L.90-1 du code électoral 2. Ce genre de communication est proscrit à partir du premier septembre 2019. Petit rappel, la loi est là pour poser l’existence de limites que s’est posée la collectivité.

Le hic, et nombre de mes camarades écologistes en lutte l’ont constaté sur le terrain : la Loi, c’est hélas souvent un maquis où on y perd son latin, son « pognon de dingue » pour reprendre l’expression macronienne et le temps nécessaire pour apprivoiser leur contenu et les limites de leur champ d’action. Un petit clin d’œil à mon ami Jean-Yves Renouf, dans le Marais poitevin, espace naturel sensible protégé pourtant par la loi, qui ferraille, en gentleman non-violent, à coup de rencontres avec le Préfet, textes et arguments à l’appui contre les bassines, ces grands réservoirs d’eau creusés par les syndiqués FNSEA pour arroser cette céréale hyper gourmande en H2O qu’est le maïs nécessaire à l’alimentation d’un bétail ; maïs dont on sait dorénavant qu’il faut organiser la décroissance de la consommation, eu égard à l’impact de l’élevage sur la production de gaz à effets de serre. Or, même si des textes de loi protègent notre environnement, il existe un rapport de force politique qui permet aux Préfets de nous tordre le bras, en faisant prévaloir d’autres lois, comme celle de la liberté d’entreprendre pour créer la croissance qui crée les emplois et qui par le ruissellement des richesses produites assure le bien-être de toutes et tous dans la joie et la bonne humeur, amen ! Je vous invite ainsi à découvrir la remarquable BD d’Inès Léraud et Pierre Van Hove sur le cas des marées vertes en Bretagne 3. La loi, c’est celle du plus fort économiquement, ici-bas, celle du colossal et sale lobby de l’industrie agro-alimentaire.

C’est de bon aloi, je me permets de reprendre le cas de la commune où j’habite pour illustrer le propos sur notre rapport à la loi. Petit résumé des épisodes précédents. En 2017, le Maire décide de construire une boulangerie en dehors du bourg et près du nouveau rond-point qui a vu le jour cet été 2019. Convaincus que ce n’était pas la localisation la plus judicieuse, nous nous sommes mobilisés. Une pétition de près de 500 signatures, sur une commune de 1400 habitants, a obligé le Maire à mettre la demande de référendum à l’ordre du jour du conseil municipal. L’équipe a voté à l’unanimité sauf une abstention contre la consultation des habitants (sic). Premier geste inaugurant une conception de la démocratie peu participative. Opiniâtres, nous avons suivi le projet dans tous ses détails. Après un travail acharné de notre camarade Marie-Noëlle, architecte, montrant qu’il y avait de nombreuses erreurs dans le dossier de permis de construire, le collectif s’est décidé à solliciter un cabinet d’avocats spécialisés. Son étude, nous ayant coûté deux mille euros, a permis de mettre en évidence de nombreuses irrégularités juridiques dont celle notamment d’une implantation ne respectant pas le Plan local d’urbanisme (rien que ça !). Le Maire a alors engagé le bras de fer juridique en recourant également à un cabinet, payé par… les contribuables. Je tiens à relater ici la quantité de travail fourni par notre collectif de bénévoles, des centaines d’heures pour aboutir après le dépôt de multiples recours gracieux et de recours auprès du tribunal administratif en excès de pouvoir. Finalement, on apprend que, par un subterfuge soufflé par le cabinet d’avocats de la Municipalité, le dépôt d’un second permis de construire met notre requête sous le coup de la Loi Elan, dont certains décrets nous concernant ont été publiés au Journal officiel en début d’année 2019. Pour rappel cette loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique, portée par le croissanciste gouvernement dérouleur de béton et de bitume, est là pour « libérer les procédures d’urbanisme » 4. Grâce au subtil subterfuge, l’application de la loi Elan rend irrecevable notre recours juridique car notre association n’a que 360 jours d’existence au lieu des 365 nécessaires. Voici un cas concret d’une loi limitant les recours fondés des citoyens. Un exemple supplémentaire invitant à la vigilance vis-à-vis des luttes qui ne se fondent que sur le terrain de la légalité… La loi est ici la loi du plus fort, celui qui tient le crayon des législateurs, c’est-à-dire les députés et sénateurs influencés par les lobbyistes du BTP, fervents et fieffés croyants dans la croissance économique salvatrice de l’Humanité au nom des sacro-saints emplois créés ! Pas le droit donc, pour nous, de recourir à la loi, rage !

Malgré cette écoeurante nouvelle, nous décidons de porter à connaissance des concitoyens la liste à la Prévert des absurdités de ce projet. Par le porte à porte, on informe du coût exorbitant du projet (600 000 € pour une boulangerie qui n’est pas sûre d’être économiquement viable alors qu’il y a des bâtiments commerciaux en vente dans le centre-bourg), des intimidations du Maire vis-à-vis de responsables associatifs qui fréquentent notre collectif (« Vous êtes pour ou contre nous ?), du non respect du code de l’urbanisme, etc..

Cerise sur le gâteau, après la diffusion de cette lettre ouverte dont on avait mesuré les propos au millimètre, deux de nos camarades en première ligne, entrent dans la ligne de mire du Maire et servent de boucs-émissaires (alors qu’ils sont deux des dix co-présidents de l’association récalcitrante). Ils sont carrément convoqués par la Gendarmerie, le Maire a porté plainte contre eux pour diffamation. La presse locale reprend son communiqué de presse : « Stop aux confusions entretenues, aux calomnies, à la diffamation, aux inepties […] » 5. La loi dit que la « diffamation publique » 6 est punie d’autant plus que lorsqu’elle cible un élu. Ca ne rigole pas, c’est 15000 € d’amendes ! Ou comment faire flipper le collectif en menaçant de s’attaquer au porte-monnaie.

Seulement, c’est à cela que sert l’expérience et la mémoire (celles d’élu au conseil municipal de St Nazaire), je me souvenais qu’un Maire ne pouvait pas faire n’importe quoi. Il nous fallait savoir si le Maire était habilité par le Conseil à porter plainte. Or seul l’épluchage de l’ensemble des délibérations du Conseil municipal depuis six ans pouvait nous l’indiquer. Nous avons alors su, grâce au directeur général des services et secrétaire de la Mairie que le Monsieur le Maire s’était fait voter toute une série de délégation de pouvoir en début de mandat. Et manque de bol, le Préfet avait annulé la cet octroi de pouvoirs car il y en avait un peu trop de délégués 7. Donc le Maire a porté plainte alors qu’il n’y avait le droit. Bingo ! Mais ce que j’avais subodoré, à la lecture de l’article L. 2122-22 du Code des collectivités territoriales, arriva. Le sieur « tête de pioche » au rictus digne d’une porte de prison, ayant eu vent notre quête, s’est empressé de programmer un conseil municipal extraordinaire, comme l’y autorise incroyable la loi, encore elle ! Et que dit-elle la loi (lol) ? Elle est ainsi faite que le conseil peut voter une délibération qui, a posteriori (sic,) permet de déléguer des pouvoirs à l’édile pour ce celui-ci puisse porter plainte… pour diffamation par exemple. Ce 4 novembre donc, nous étions donc 21 habitants pour observer le conseil municipal attribué ces pouvoirs. Et tout cela, sans que soit expliquer les raisons au public (le Maire avait mobilisé une vingtaine de soutiens). Nous n’avons pipé mots pour ne pas générer des débordements qui nous seraient préjudiciables. Atmosphère, atmosphère !

Nous pourrions jouer au ping-pong et porter plainte à notre tour pour dénonciation calomnieuse, article 226-10 du Code pénal en raison d’ « Accusation mensongère portée sciemment contre quelqu’un pour jeter sur lui le discrédit ». Que d’énergie encore à dépenser ! Qu’on se le dise, chères lectrices et lecteurs, nous devons montrer que nous ne sommes pas dupes des limites que de tels énergumènes dépassent et que nous savons leur rappeler en temps voulu, si nécessaire, histoire de montrer que le couperet juridique risque de tomber sur ces têtes de pioche. « Ah ça ira, ça ira… » L’ire n’ira pas jusqu’à la guillotine quand même, rassurez-vous, radical je suis mais non-violent. Seulement quand on voit l’énergie et le temps que nous demande ce malfaisant (mâlefaisant) M. Ryo, pour tenter de limiter les dégâts de ses choix et actes, j’éprouve un peu de rage mais cependant retrouve courage quand je constate les capacités de notre collectif à sortir la tête de la mêlée pour se mêler d’une bien plus élégante manière de la Politique.

Pour finir, voici les intentions que ce Maire nous prête : « Tout le monde aura compris qu’il s’agit là d’une stratégie en vue des prochaines élections municipales de 2020. » 5 Telle n’était pas notre intention initiale mais une des motivations pour lesquelles j’ai commencé à m’engager à la création d’une liste pour ces élections municipales : c’est œuvrer à la décroissance du pouvoir de nuisance de tels hommes élus. Une façon comme une autre de poser des limites pour enfin concevoir, élaborer des politiques de décroissance sur le territoire que nous habitons. J’espère que vous serez nombreux chers (é)lecteurs et (é)lectrices à vous impliquer pour des communes écologiquement soutenables, socialement décentes et démocratiquement organisées.

Les notes et références
  1. Référence à la réplique d’Arletti dans Hôtel du nord de Marcel Carné, en 1938 : « Atmosphère ? Atmosphère ? Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? »[]
  2. https://www.vie-publique.fr/eclairage/269985-municipales-2020-quelle-communication-en-periode-pre-electorale[]
  3. Cf à lire absolument : Algues vertes, l’histoire interdite Editions La revue desssinée-  Delcourt, 2019 https://www.editions-delcourt.fr/serie/algues-vertes-l-histoire-interdite.html[]
  4. https://www.lemoniteur.fr/article/la-loi-elan-est-promulguee-ce-qui-va-se-passer.2007014[]
  5. Les Infos, 5 novembre 2019[][]
  6. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079[]
  7. Délibération du CM  du 30 Juin 2014 : Annulation de la délibération du 9 Avril 2014[]
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