Le Sénat vient juste de durcir considérablement la loi immigration dite « Darmanin ». En plus de s’attaquer aux droits fondamentaux, cette loi est caractéristique d’une société de croissance : par sa grande insensibilité sociale ; par l’affirmation du principe d’individualisation (plutôt que de donner un droit, on multiplie les « études au cas par cas ») et par la précarisation qu’elle va produire. C’est ce que Bernard Friot dénonçait déjà dans la loi retraite : ce dont en réalité « le marché » a besoin n’est pas que les gens travaillent plus longtemps, mais de travailleurs fragiles, donc malléables. Diminuer drastiquement les possibilités de vivre de manière légale en France va pousser la majeure partie des personnes sans-papiers vers le marché du travail « au noir », où règne l’absence de régulation : en un mot, où l’économie est maîtresse chez elle.
Face à cela, la gauche est aussi absente idéologiquement que pendant la bataille des retraites : pire, elle défend une vision utilitariste et travailliste de l’immigration en mettant l’accent sur la régularisation par l’accès à l’emploi, notamment dans le secteur des métiers en tension (ceux où les français-es ne veulent plus travailler…)
Quelle pourrait être une position décroissante sur le sujet ? A la MCD, nous défendons la voie méditerranéenne de la décroissance : ce n’est pas la nature qui nous impose des limites, mais c’est à nous d’autolimiter nos modes de vie, quand bien même nous ne ferions pas face aux bouleversements climatiques en cours. Car il faut ajouter à la critique de la croissance économique, une critique du « régime de croissance » (dont l’illimitisme est un aspect) qui nous impose des manières de penser, des modes de vie, des idées, des formes d’organisation collective… chez nous, et encore plus dans « le Sud global ».
Les Suds, la Méditerranée nous y relie donc géographiquement, et c’est la voie que nous entendons explorer politiquement et philosophiquement dans les années à venir. La Méditerranée, c’est aussi devenue une frontière, et un cimetière (20 000 morts depuis 2014), et cela nous ne pouvons pas socialement le tolérer. Arrêtons la destruction des territoires au nom du développement et la destruction des cultures vernaculaires au nom du régime de croissance, pour permettre à chacun de vivre là où il a choisi de vivre, y compris dans son propre pays (car l’exil est avant tout un arrachement…). Le sens de l’hospitalité est un fondement social de l’accueil de l’autre, un élément pré-existant et nécessaire à la continuation de la vie sociale : faisons-en un principe juridique effectif et adoptons un principe d’accueil inconditionnel.
Amitiés cosmopolites,