En soutien à la Commission Genre d’Attac

Le 4 avril 2024 était envoyée sur les listes d’Attac une lettre ouverte de la Commission Genre expliquant pourquoi elle cesse ses activités au sein d’Attac. Cet article exprime son soutien à ce qui est défendu par la Commission Genre dans son texte.

Si nous souhaitons publier sur notre site cette lettre ouverte de la Commission Genre d’Attac, c’est qu’elle recoupe nombre de nos préoccupations. D’abord, parce qu’elle pointe la dérive militante de plus en plus marquée de privilégier le « faire », « l’activisme » voire « l’action coup de poing » au détriment du travail d’élaboration théorique et de production d’idées. La MCD est née du MOC (Mouvement des Objecteurs de Croissance), justement parce que des « militants » décroissants de longue date faisaient l’analyse qu’un mouvement politique (ou social) sans outillage théorique et sans corpus commun ne pouvait aller bien loin dans le renversement du rapport de force, fut-ce en s’appuyant sur des convergences partidaires ou la multiplication des luttes locales et des alternatives concrètes : il fallait aussi mener la bataille des idées. Pourtant, combien de fois nous voyons-nous rétorquer quand nous exposons les raisons d’être de la MCD, que « oui d’accord c’est bien beau, mais quand même il faut agir » : réfléchir n’a pas bonne presse dans le monde militant, et la figure de l’intellectuel.le engagé.e et investi.e dans les combats de son temps par le travail des idées n’est plus une figure structurante du champ politique comme elle a pu l’être au XXème siècle. Le régime de croissance est profondément anti-intellectualiste et c’est l’une des hégémonies qu’il exerce sur la vie politique : l’injonction à faire plutôt qu’à discuter et à controverser.

Pourtant, nous ne défendons pas une posture « coupée du monde » mais revendiquons d’être des militant.es chercheur.es : il s’agit de conceptualiser la pratique de la décroissance, d’élaborer une pensée à partir des milieux. Pour cela, comme le souligne si bien la Commission Genre, il faut des espaces dédiés et des rencontres : en un mot il faut pratiquer la discussion, seul lieu permettant le travail d’élaboration et de production en commun d’une pensée collective et structurée, qui permette de défendre des positions collectives et partagées, tout en sachant les nuancer individuellement. À la MCD, ce rôle revient au groupe appelé « la Mutuelle ». À Attac, il est bien regrettable que la Commission Genre, qui incarnait cette possibilité, doive se résoudre à disparaître : cela en dit long sur le fonctionnement d’un mouvement, qui, sous couvert de pratiquer l’horizontalité absolue, instaure en réalité d’autres formes de pouvoir et d’autoritarisme, dont l’un des aspects est très justement souligné dans le texte : celui de la police du langage et des comportement, police que nous avons eue à subir lors de l’Université des Mouvements Sociaux 2023.

J’avais alors été passablement choquée par la multiplication des affiches (portes, couloirs, et même dans chaque toilettes ! ) nous incitant à nous débarrasser de nos comportement de domination (sexistes, validistes, racistes, grossophobes, transphobes…), à les repérer chez les autres, et à intervenir ou à prévenir « l’équipe oppression » en cas de besoin : cela m’avait révoltée, et j’avais beau partager de tout mon cœur la cause, je ne pouvais me résoudre à accepter ces méthodes « paramilitaires » digne d’une « brigade des mœurs » inversée !

Dans le même registre anxiogène, un document de repérage des mécanismes d’oppression avait été distribué.

J’avais alors commencé à écrire un texte intitulé « De retour des Universités des Mouvements Sociaux » qui aurait mentionné, entre autres, ce malaise qui m’avait poursuivi même après la fin de l’événement ; sans parvenir à trouver le ton juste, j’y avais renoncé : la police des comportements a des effets à long terme, jusque dans nos capacités à exercer notre esprit critique ou à en partager les analyses…

Par ailleurs, la Commission Genre inscrit sa pensée dans un courant large de luttes contres les systèmes de domination, dont le libéralisme est peut-être l’un des plus pervers, puisqu’il a réussi à convaincre que pour s’émanciper il fallait penser le monde à partir de soi : et de la libéralisation de la circulation des capitaux, qu’ordinairement « à gauche » nous dénonçons, nous voilà promotrices (règle de majorité) de la version sociale de ce « laisser faire économique » : légitimation de la prostitution, parcellisation et morcellisation des identités de genre, promotion de l’individualisme…

Nous espérons que le travail théorique de la Commission Genre pourra être poursuivi et visible en dehors d’Attac, et que de telles initiatives soulignant l’importance du travail de politique soit entendue… Aujourd’hui il est peut-être temps de clamer : penseur.es de tous les pays, unissez-vous !

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