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Une nouvelle de Michel CHOLLET

La nouvelle

Suite aux manifestations massives, le gouvernement se voit contraint de reculer sur sa réforme des retraites et le Président dissout l’Assemblée. L’Union Sociale Ecologique obtient alors une large majorité de sièges.

17 octobre 2023, Palais Bourbon. Première séance plénière sur la nouvelle réforme des retraites.

– « La parole est à Madame Camille Lebon, présidente du groupe des décroissant.es. »

– « Mesdames, Messieurs, chèr.es collègues. Dans cet hémicycle nous partageons majoritairement des valeurs de gauche. Il y a pourtant un impensé dans nos rangs. Si je vous pose la question « Est-il juste de maintenir lors de la retraite, les inégalités de revenus perpétrées dans le monde du travail ? » Que répondez-vous ? »

Des « non » fusent.

– « Alors pourquoi, pourquoi, chèr.es collègues, lorsque Johanna, femme de ménage, ne travaille plus, continue-t-elle de percevoir moins que Bernard, le « patron » qui ne travaille plus non plus ? Au nom de quelles valeurs, consentons-nous à perpétuer ces inégalités en faveur des plus nantis : au nom de leurs sacrosaints diplômes ? de leurs responsabilités passées ? Pourquoi ces distinctions devraient-elles encore prévaloir lors de la retraite, période de non-travail ? »

Un certain brouhaha suit la prise de parole de C. Lebon, connue pour ne pas y aller par quatre chemins…

– « Vous l’aurez compris, il s’agit, chèr.es collègues, de défendre notre proposition phare : la retraite inconditionnelle d’un montant unique pour toutes et tous. Oui, à 60 ans, une même pension quel que soit le nombre d’annuités ! »

– C’est de toi qu’elle parle, Joh ?

David m’a fait sursauter.

Il ne parle jamais devant la télé d’habitude, il reste toujours concentré devant l’écran comme s’il apprenait une leçon, assis bien droit sur le canapé. Ça doit lui coûter d’être aussi attentif, c’est sans doute pour ça qu’il ne la regarde pas souvent la télé. Moi c’est plutôt le contraire, je m’étale sur le canap dès que j’ai fini ce que j’ai à faire. Et normalement je m’endors parce que c’est pas trop tôt. Des fois j’ai l’impression de faire que ça, travailler et dormir.

– Bernard, c’est bien comme ça qu’il s’appelle, Delaporte ?

David ne lâche pas. Jamais. Mais sur ce coup, je le comprends car je me suis posé la même question : elle parle de moi ?

Pour une fois j’écoutais la télé, et j’avais les yeux grands ouverts parce qu’il y avait Camille aux infos.

Ma voix trembla un peu…

– Je sais pas si elle parle de moi, mais c’est tout comme.

– Un patron Bernard, comme Delaporte et une femme de ménage Johanna, comme moi… T’as raison, c’est tout comme.

Je connais Camille Lebon depuis toujours. J’ai été sa baby sitter quand j’avais quinze ans, elle était bébé et savait déjà ce qu’elle voulait, ça n’a pas toujours été facile de la faire obéir. Ses parents étaient profs, j’avais eu sa mère en cinquième et quatrième en maths et en plus ma mère faisait le ménage chez eux. C’est comme ça que j’ai eu le job, grâce à ma mère et aussi à ma prof qui me trouvait sérieuse, même si j’étais nulle en math. Ça a bien marché, ils m’ont appelée pendant des années pour garder la petite quand ils voulaient sortir. Même quand j’avais quitté le collège et commencé les ménages j’étais contente de gagner quelques sous de plus en gardant Camille. Ils habitaient tout près de la résidence de mes parents et après, quand je suis partie avec mon premier mari, le père de Nolan, ça restait pas très loin de chez nous. J’avais repris le ménage chez eux à la place de ma mère qui ne pouvait déjà plus à ce moment-là à cause de son dos.

Camille a grandi, on s’aimait bien, elle n’avait plus besoin de baby sitter mais quand je venais faire le ménage, elle venait parler et rigoler avec moi. Elle me racontait tout ce qu’elle faisait même si ça n’avançait pas le ménage. Plus tard, elle était en fac à Marseille, elle prenait toujours du temps avec moi quand elle revenait chez ses parents. Quand je suis partie avec David après mon divorce, la petite maison de Camille et son copain s’est trouvée juste au bout de notre rue. On l’a pas fait exprès, c’est tombé comme ça, c’est pas si grand Cavaillon. En plus, je fais les courses pour une mamie qui habite en face de chez eux, alors on se voit souvent.

Depuis qu’elle a commencé la politique, Camille est passionnée. Pas moi. Elle n’arrête pas de travailler, réunions, débats, manifs, tout ça. Elle connaît tout, s’intéresse à tout et elle a des livres et des journaux plein la maison. Elle dit les mots des politiques et connaît par cœur plein de choses. Je n’y croyais pas mais elle est devenue importante depuis les dernières élections. C’est la première fois que je connais quelqu’un qui passe à la télé.

– Et tu crois qu’il est d’accord, Delaporte ?

– Hein ?

– Delaporte, tu crois qu’il est d’accord pour que vous gagniez pareil quand tu seras à la retraite, comme Camille le propose ?

– Il sera pas à la retraite Delaporte, il est bien plus jeune que moi, il en a encore pour au moins dix ans. J’aurai de l’avance, moi c’est dans trois mois.

– Oui, mais quand il sera à la retraite, tu crois qu’il sera d’accord pour gagner comme toi ?

– Ça risque pas. C’est un patron. Elle rêve, Camille.

Je ne sais pas ce qu’il gagne, Delaporte mais vu sa voiture, ses costumes, son portable, ses gosses qui se croient tout permis – ça doit se transmettre de père en fils ! -, sa maison et sa piscine il doit manquer de rien. En plus la voiture et le portable si ça se trouve c’est la boîte qui les paie. Bon, d’un autre côté c’est pas Elon Musk, c’est juste un patron d’une boîte de nettoyage Delaporte, mais je suis sûre qu’il gagne plusieurs fois ce que je gagne. Vu ce que les clients paient et ce que je reçois, il faut bien que le reste passe quelque part – et lui, il n’a pas mal au dos. Camille elle voudrait qu’on gagne pareil lui et moi ? Elle plane… Et puis c’est lui qui gagnerait comme moi, ou moi comme lui ? Dans le premier cas, il faut qu’il vende sa maison et sa voiture, dans le deuxième je pourrais payer des études à Nolan et s’il reste des sous, je verrai.

David se lève et éteint la télé qui parlait d’autre chose depuis longtemps.

-Allez Joh, on va se coucher… Demain ça démarre tôt.

Le jeudi, après les ménages de bureaux entre cinq heures et sept heures trente, j’ai une pause d’une heure et demie. Du coup je peux amener Nolan au lycée parce qu’il commence à neuf heures. J’en profite pour lui raconter cette histoire de retraite qui me trotte dans la tête depuis hier. Nolan réfléchit souvent à ce genre de choses. Je lui raconte ça comme une blague mais ça ne le fait pas rire. Il lève le nez de son Samsung pendant que je raconte, preuve que ça l’intéresse :

-Tu sais maman, si le monde était bien foutu ça marcherait comme ça. Il a juste besoin de bouffer comme nous, pas plus.

Il me regarde en souriant une grimace.

-Mais je ne crois pas que le monde soit bien foutu.

Il m’embrasse et file vers le lycée. Je ferme les yeux trois secondes pour profiter de son bisou et garder son image en moi et puis je démarre vers le boulot.

*

J’ai revu Camille deux jours après, pendant le week-end. Elle rentrait dans sa circonscription, comme elle dit, et donc elle dormait chez elle. Quand j’ai amené les courses à sa voisine le matin elle m’a vue par la fenêtre et elle est sortie.

– Oh, Johanna ! Toujours au boulot ?

– Salut Camille, je t’ai vue à la télé. On te voit partout.

– Tu as vu, j’ai parlé de toi…

– Oui, ben t’es gonflée…

– Ça t’a ennuyée que je parle de toi ?

– Ennuyée non, à part David personne ne sait que c’est de moi que tu parlais mais c’est n’importe quoi de dire que Delaporte et moi on va gagner pareil.

– Ben non, c’est pas n’importe quoi. Il n’y a aucune raison qu’à la retraite il gagne plus que toi…

Alors je lui ai posé la question :

– C’est lui qui va gagner comme moi, ou moi comme lui ?

Elle a rigolé.

– Entre les deux Johanna. Ce qu’on lui enlèvera, on pourra le redistribuer à ceux qui avaient moins que lui.

– Et tu penses qu’il va se laisser faire ?

– Pour les retraites, après les manifs, ceux qui voulaient faire payer les salariés ont perdu. On a gagné les élections, à nous d’inventer l’avenir. Le problème c’est que l’USE n’est pas vraiment d’accord avec nous, ils restent dans le monde d’avant. Il faut que nous arrivions à les convaincre. Si on se met d’accord entre nous c’est gagné, mais trouver un accord, c’est le plus dur. Bon, j’y vais Johanna, j’ai plein de réunions aujourd’hui.

Elle m’a collé une bise et elle est partie en courant. Elle avait l’air d’y croire. Moi, je n’arrivais même pas à imaginer ça… A la retraite, le patron et moi, la préfète, David, le curé et Benjamin Biolay, on gagnerait tous pareil ?

*

– Ce truc des retraites toutes les mêmes, ça me fait réfléchir quand même.

David nous regarde en mangeant un quartier de poire. Il a du jus sur le menton mais il réfléchit trop pour s’en apercevoir.

-Je sais pas si vous avez écouté Camille Lebon à la télé, hier ?

Là, David raconte à Loïc et Véro le discours de Camille et qu’elle a parlé de moi. Ils me regardent mais je ne dis rien, alors David conclut.

-Je pense que ça serait juste.

– Dis pas que tu y crois ! s’écrie Véro.

– Je ne crois pas qu’ils vont le faire mais ça fait réfléchir quand même. Ça serait normal que tout le monde gagne pareil pour vivre à la retraite. De toutes façons les riches ils ont leurs actions et leurs propriétés qui les laisseraient riches, ils n’ont pas besoin en plus d’une grosse retraite, surtout qu’il paraît que les caisses retraite n’ont pas assez de sous. T’es pas d’accord Véro ?

Véro reste un peu silencieuse, elle me regarde, elle regarde Loïc. Ses yeux se lèvent vers le plafond. Elle finit par répondre :

– Ce truc, c’est la Belle au bois dormant, c’est Merlin l’enchanteur, c’est du Disney. C’est une belle histoire mais faut surtout pas y croire.

Elle jette un regard désolé à son compagnon.

– Mais je suis sûre que Loïc y croit. Il aime les chimères.

Véro et Loïc sont nos amis de toujours, ils lisent plein de livres, voient plein de films et se chamaillent tout le temps parce qu’ils s’adorent. Il est prof et elle travaille dans un musée. Loïc sourit.

– Oh, ça ma Véro, c’est sûr que j’y crois : un revenu pour vivre, le même pour tous, assuré par la solidarité entre les générations, c’est ce qu’il nous faut. Si on croit pas à ça, à quoi on croit ?

– On croit ce qu’on voit. Y’a des riches qui cotisent et qui veulent des retraites de riches et les pauvres, ils cotisent et ils reçoivent une retraite de pauvre.

– Véro as-tu compris que tu ne cotisais pas pour toi mais pour les retraités actuels ? Et que ce sont ceux qui travailleront quand tu seras à la retraite qui te la paieront. Alors, David a raison, puisqu’on ne cotise pas pour soi, pourquoi ne pas partager équitablement ? C’est ça David ?

– C’est la bonne idée mais le problème c’est que les riches ne voudront jamais. Tu en dis quoi Joh ? Il se laissera faire Delaporte ?

Je rigole pour pas répondre. Ces conversations sont surtout faites pour ceux qui aiment faire des phrases et c’est pas trop mon cas. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas d’idées mais les expliquer c’est compliqué, ça me met la pression.

David ne lâche jamais, je vous l’ai dit.

– Dis-nous, Joh ?

– Oh tu m’emmerdes David ! -je m’énerve un peu-, tu sais bien que Delaporte ne veut pas partager et d’ailleurs il a peut-être raison, il a un boulot important. S’il arrête de travailler et qu’il ferme sa boîte, moi et les autres on se retrouve au chômage. Alors c’est un peu normal qu’il gagne plus.

– Mais à la retraite, il ne travaillera plus !

– Oui mais comme il a fait un travail important il touchera plus que ceux qui ont fait un petit boulot comme moi.

Loïc monte la voix.

-Un petit boulot ?! Putain, Joh, il te crève ton boulot, c’est pas un petit boulot !

– Je veux dire qu’il a plus de responsabilités que moi.

Loïc a posé ses lunettes, ça devient grave.

– Johanna y’en a marre de tout penser pour le travail. Je sais, il faut travailler. Mais il ne faut pas oublier non plus de rêver, d’avoir des amis, des amours, de faire des choses inutiles, de donner des coups de main aux copains, de jouer de la guitare, de se baigner dans les rivières et de se gratter entre les orteils. Quand tu vas à l’école on te parle déjà du travail que tu feras plus tard. Quand tu travailles, on te dit toujours que tu travailles pas assez. Si tu es au chômage on te fait comprendre que tu dois avoir honte. Et quand tu es à la retraite on te dit : « déjà ? » et qu’il faut te rendre utile parce qu’on est bien gentil avec toi de te donner une pension. Putain ! Sortons-en de cette obsession pour le boulot. On veut vivre libre et heureux. C’est d’une société centrée sur le travail dont il faut nous libérer. Libérons-nous et partageons équitablement les revenus.

Il y a eu un silence.

Ça déménageait dans ma tête. J’ai rien senti venir, c’est sorti tout seul, les mots et les larmes.

-Je suis d’accord avec toi Loïc sauf que tu oublies des trucs dans ta liste. En plus de rêver, d’aimer et tout ça, il faut aussi faire les courses et la cuisine pour manger, laver le linge, s’occuper des gosses, faire le ménage, entretenir la maison, la voiture et tout ça. C’est quoi ? C’est du boulot ça ou c’est la vie ? Et comment tu fais pour t’en libérer de tout ça ?

Il y a eu un grand silence.

David m’a pris la main. Loïc m’a passé un mouchoir et Véro a rempli mon verre.

*

Le lendemain c’était dimanche. J’avais bien dormi, comme les petits qui s’endorment après un chagrin, et je me suis réveillée reposée. David me regardait derrière son café. Après le petit déjeuner il m’a souri et s’est mis à la vaisselle. Je suis partie voir Camille.

Elle était là, en train de déjeuner. Son compagnon a fini son café et nous a laissées. Je lui ai raconté la conversation, mon émotion, mes larmes.

Elle m’a écoutée et quand j’ai fini de parler, il y a eu un très long silence. Elle a fini par parler, un murmure plutôt.

– Je te connais depuis longtemps Johanna. Je t’ai regardée et tu m’as appris plein de choses : à dire ce que je pense et à me taire quand je n’ai rien à dire, à regarder les autres autour de moi, à bien faire ce que je dois faire, sans râler, à prendre soin des choses, à faire ce que j’ai promis, et surtout à me contenter de ce que je possède. C’est pas ordinaire.

La plupart des gens que je connais ne font pas comme David et toi. Dans mon entourage, on a tous une voiture, et quand on en a une, on en veut deux. Si on en a une petite, on veut un SUV. Si on a un SUV, on le veut hybride pour qu’il ait deux moteurs et qu’on ait l’air de sauver la planète. Si on a un appartement, on veut une maison, si on a une maison, on en veut une autre -à la campagne si on habite en ville ou en ville si on vit à la campagne-. Si on a un smartphone, on veut le dernier modèle pour pas avoir l’air con, et on balance l’ancien qui marche encore. On paie nos abonnements aux plateformes pour voir les films et les séries, aux chaînes pour voir les matchs, à Spotify pour la musique. Si on a des vacances on part en avion et on dort dans des palaces. Et je ne te parle pas des fringues qu’on achète et qu’on ne met jamais. Alors il nous faut du fric.

En te regardant, toi, j’ai appris à être contente de ce que j’ai et à me passer du reste. C’est pour ça que j’ai parlé de toi l’autre jour devant les député.es. C’était une façon de te remercier, de te dire que tu m’as fait le plus beau cadeau que l’on puisse faire à quelqu’un.e : lui apprendre à être heureux.se avec peu.

Elle lève la tête et sourit large :

– Apprendre à être heureux.se avec peu. A mon tour, j’ai très envie de l’apprendre à Bernard Delaporte. Qu’en dis-tu ?


Commentaires du jury

Vous faites partie des trois lauréat.es de ce deuxième concours d’« anciennes » mis en place par la Maison Commune de la Décroissance : parmi ces trois lauréats, vous avez reçu le prix « Coup de coeur » ainsi que le prix « Politique ».

Permettez-nous ce commentaire étayé de nombreux extraits de votre nouvelle…

Nous avons très envie de vous dire… qu’il y a tout dans votre nouvelle !!!

D’un point de vue littéraire avec une accroche qui séduit et emporte les lecteur.rices , une structure du récit qui propose une visite guidée en bon sens « populaire » (ce qui n’est pas un gros mot), les plaçant dans des situations du quotidien riches pour les observateur.rices que nous devenons grâce à vous, grâce aux mots que vous leur prêtez.

Vous nous permettez d’être au cœur de leur façon de « com-prendre » ce monde !

D’un point de vue politique avec un parti pris de traiter le sujet du point de vue des plus défavorisés par le système, les mal payés tout au long de leur vie, dans une continuité de non reconnu.es à la retraite !

D’un point de vue décroissant avec une conclusion (car c’est bel et bien une dissertation sur le sujet proposé, que vous avez construite !) à laquelle nous pouvons souscrire, adhérer sans changer un iota !

D’un point de vue féministe : avec ce coup de gueule de Joh extirpant son quotidien de femme de son invisibilité chronique !

D’un point de vue littéraire

Très bien vu votre accroche avec l’incipit, car immédiatement, nous songeons à une analogie illusoire avec les personnes citées par Camille Lebon, que l’on pense forcément fictives, un hasard des prénoms identiques ! « Ah, le manque de recul de David, le manque de décentrement ! » peut-on se dire bien faussement…

Le « hasard » est vraiment bien fait quand le patron s’appelle aussi Bernard… !

Et puis non, il s’agit bien d’elle et de lui ! Et on va découvrir le bon sens et l’intelligence de David, de Johanna, du fils de Johanna, de l’ami de toujours, car ce sont eux qui vont animer et rendre intelligible tout l’argumentaire très bien pensé, très bien structuré, socle de cette proposition de réforme de bon sens qui flirte avec l’évidence ! 

D’un point de vue politique, de l’impact social des choix politiques

Très appréciable tout d’abord d’avoir fait vivre à travers votre nouvelle, le débat qui n’a jamais eu lieu dans la réalité !

Très bien vu, l’angle de vue pour nous présenter vos personnages et leur rapport de statut social : on ne sort pas d’une certaine « dynastie » : dynastie de profs, puis députés [avec passion] et dynastie de femmes de ménage [sans passion] avec comme seul héritage le mal de dos, contrairement au patron Delaporte [lui, il a pas mal au dos], qui avec [ses gosses qui se croient tout permis] a eu autre chose à [transmettre de père en fils].

Après la présentation des protagonistes, le cœur du problème est abordé par David : [Tu crois qu’il est d’accord pour que vous gagniez pareil quand tu seras à la retraite ?], avec pour réponse l’incrédulité spontanée de Joh [Ça risque pas. C’est un patron. Elle rêve, Camille.].

On enchaîne sur davantage de concret : [Et puis c’est lui qui gagnerait comme moi, ou moi comme lui ?].

L’incrédulité affirmée de Johanna, [Moi, je n’arrivais même pas à imaginer ça] qui doit faire un effort de représentation de cette idée dans son esprit [A la retraite, le patron et moi, la préfète, David, le curé et Benjamin Biolay…] (morceaux choisis), mais il se pourrait bien que cela prenne corps dans l’esprit de Joh [… on gagnerait tous pareil ? 

Commence alors le « débat » : 

L’argumentation de bon sens du fils : [Tu sais maman, si le monde était bien foutu ça marcherait comme ça.] en parlant du patron de Joh, Bernard : [Il a juste besoin de bouffer comme nous, pas plus] La réalité au premier degré ! … Toutefois modulée par une « plus-que-réalité » : [Mais le monde est mal foutu.]

La discussion va bon train et sort du couple, avec [les ami.es de toujours] : [un revenu pour vivre, le même pour tous, … , c’est ce qu’il nous faut. Si on croit pas à ça, à quoi on croit ?] Mais sur le curseur de « chimérique » [la Belle au bois dormant, … Merlin l’enchanteur], à « juste » [revenuassuré par la solidarité entre les générations], il y a la réalité : [On croit ce qu’on voit. Y’a des riches qui cotisent et qui veulent des retraites de riches et les pauvres, ils cotisent et ils reçoivent une retraite de pauvre.]

Une petite précision utile pour l’enchaînement des arguments du débat : l’ami de toujours : [Véro as-tu compris que tu ne cotisais pas pour toi mais pour les retraités actuels ? Et que ce sont ceux qui travailleront quand tu seras à la retraite qui te la paieront.]. C’est ça le principe de la retraite par répartition, et puisque c’est une retraite par ré-par-ti-tion, pourquoi serait-elle autrement qu’équitable et juste ? [Alors, David a raison, puisqu’on ne cotise pas pour soi, pourquoi ne pas partager équitablement ?]

Johanna est toujours dans le doute : elle sort L’Argument avec un grand A : [Je veux dire qu’il (le patron) a plus de responsabilités que moi. S’il arrête de travailler et qu’il ferme sa boîte, moi et les autres on se retrouve au chômage. Alors c’est un peu normal qu’il gagne plus.]. Et en écho avec cet argument ne tarde plus à arriver LE Contre-argument avec un grand C, celui du fondement de cette réforme ; c’est Loïc, l’ami de toujours qui le décoche : [Mais à la retraite, il ne travaillera plus !]. Il n’y a rien à répondre à ça !

D’un point de vue décroissant

L’argumentaire pour sortir d’[une société centrée sur le travail dont il faudrait nous libérer] pourrait figurer sur une profession de foi décroissante, et c’est l’objectif de cette réforme qui se définit devant nous, lecteur.rices : [Loïc a posé ses lunettes, ça devient grave.] Il attaque : [Johanna, y’en a marre de tout penser pour le travail.] Il illustre ce que serait une société décentrée du travail : […il ne faut pas oublier non plus de rêver, d’avoir des amis, des amours, de faire des choses inutiles, de donner des coups de main aux copains, de se baigner dans les rivières…] et l’apothéose : […se gratter entre les orteils] ! Il dénonce le biais de cette société du travail qui nous pénètre dès le plus jeune âge : [Quand tu vas à l’école on te parle déjà du travail que tu feras plus tard.]. Elle nous accapare, nous poursuit : [Quand tu travailles, on te dit toujours que tu ne travailles pas assez.], avec le point clé de la société libérale, si tu n’as pas le bon travail, c’est de ta faute, tu ne l’as pas « mé-ri-té » : tu devras alors te contenter d’[Un petit boulot ?! Putain, Joh, il te crève ton boulot, c’est pas un petit boulot !], heureusement que l’ami de toujours a les pieds sur terre ! Si tu n’as pas de travail, c’est de ta faute aussi, [si tu es au chômage, on te fait comprendre que tu dois avoir honte.]. Jusqu’au bout enrôlé dans la vie dite active, comme s’il s’agissait d’une logique implacable : [quand tu es à la retraite on te dit : « déjà ? » et …il faut te rendre utile parce qu’on est bien gentil avec toi de te donner une pension.] L’ami de toujours met très bien en lumière l’absurdité de cette course au travail qui nous fait vivre en dehors de notre vie. D’où le tonitruant [Putain !] révolté et salutaire de Loïc !

D’un point de vue féministe

C’est là que tout lui « remonte » ! Ce « remugle », ce « renfermé » depuis si longtemps [Quelques petits mots assourdissants et le remue-méninge chez Joh qui prend la vague de son tsunami émotionnel de femme] la submerge, oui, Loïc, [je suis d’accord avec toi…sauf que tu oublies des trucs dans ta liste.] Et elle énumère : [En plus de rêver, d’aimer et tout ça, il faut aussi faire les courses et la cuisine pour manger, laver le linge, s’occuper des gosses, faire le ménage, entretenir la maison, la voiture et tout ça]. Et c’est vrai qu’en tant que femme, il y a de quoi se demander [C’est quoi ? C’est du boulot ça ou c’est la vie ? Et comment tu fais pour t’en libérer de tout ça ?]. Son quotidien de femme est fait non seulement de sa journée au travail mais aussi de cette somme de « petits boulots invisibles » ou plutôt invisibilisés par la société et les politiques qui s’appuient pourtant sur ce travail non reconnu et surtout non rémunéré ! De ces ouvrières infatigables de la fourmilière sociale qui seront remerciées, si rien ne change, par des retraites misérables ! 

Tout s’explique

Non, ça n’est pas un hasard : Camille Lebon la députée, porteuse de ce projet de réforme, a bien parlé de Joh, avec en toile de fond une grande indignation face à la société qui reconnaît si peu, si mal Joh et tous.tes ceux et celles qui sont comme elle !

Non, ça n’est pas un hasard, Camille, par le choix de Johanna, a dans son esprit une valeur d’exemple : [Je te connais depuis longtemps Johanna. Je t’ai regardée et tu m’as appris plein de choses : à dire ce que je pense et à me taire quand je n’ai rien à dire, à regarder les autres autour de moi, à bien faire ce que je dois faire, sans râler, à prendre soin des choses, à faire ce que j’ai promis, et surtout à me contenter de ce que je possède. C’est pas ordinaire.]

Suit alors la litanie par Camille Lebon de l’inventaire des « trop » de ce monde, du monde bourgeois auquel Camille a un peu échappé grâce à Joh : [Dans mon entourage, on a tous une voiture, et quand on en a une, on en veut deux. Si on en a une petite, on veut un SUV. Si on a un SUV…], la cascade est impressionnante…

Après tout ce rejet bien nécessaire, quelle différence, quelle accalmie nous attend : [il faut faire à chacun.e le plus beau cadeau que l’on puisse faire à quelqu’un.e : lui apprendre à être heureux avec peu !] D’où l’envie, l’urgence de l’apprendre à Bernard aussi !

La boucle est bouclée ! C’est là que la lectrice, le lecteur saisissent ce choix de titre de votre nouvelle, et en sortent avec un sentiment de confort, nous l’espérons, convaincu.es…

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