Contingence : l’avenir ne nous le dira pas

C’est suite à une discussion avec ma coiffeuse ce matin que je propose ce titre en raison de cet adage qu’elle a cité concernant le devenir du mouvement des gilets jaunes : « L’avenir nous le dira ».

François-Xavier Bellamy, dans son dernier livre Demeure 1, décrit les optimistes et les pessimistes comme ceux qui ont déjà écrit l’avenir.

Les optimistes.

Ceux-là vouent un culte sans faille à la technologie et croient que demain sera nécessairement meilleur qu’aujourd’hui, ce qui va arriver est forcément meilleur que ce qui existe déjà. Le progrès génère du mieux, et tous les effets négatifs de la technologie trouveront leurs solutions dans encore plus de technologie. Pour eux, l’avenir est tracé : il faut aller de l’avant ; se mettre en mouvement ; transformer notre société. Cette foi dans le progrès a gagné tout l’échiquier politique. De l’extrême droite à l’extrême gauche, tous se rejoignent sur la nécessaire innovation, source de croissance.

Les pessimistes.

Les pessimistes, eux, répètent à l’envi que nous courons à la catastrophe et que les choses vont aller de mal en pis. Tout ce qui s’annonce va arriver : 6ème extinction des espèces, désertification des sols, augmentation des températures, famines, guerres… Face à ces constats nous n’avons pas grand chose à faire sinon nous résigner. Pourquoi agir si notre combat est vain ? Ce pessimisme nous contraint au nihilisme, au retour sur soi et par là aux solutions individualistes.

Eriger pour principe que tout ira bien ou tout ira mal détermine notre futur, ainsi l’avenir est déjà écrit. Le débat devient inutile, il ne nous appartient plus de décider ce que sera demain, la politique est vidée de son sens, la politique ne sert plus à rien. Et pour nous décroissants, que ce soit un monde connecté, dominé par les robots et les hommes augmentés, ou bien un monde clanique post catastrophe version Mad Max, la barbarie est, sinon de même nature, du moins aussi inacceptable.

La contingence.

Il y a peu, Michel Lepesant, dans une de ces conversations qu’il affectionne tant, me soulignait l’importance de la contingence dans notre vision du monde 2. La contingence se dit de ce qui peut ne pas arriver, de ce qui sera ou ne sera pas. Le monde est contingent, ce qui signifie que l’avenir n’est pas écrit. Mieux, alors que le passé et le présent existent, l’avenir lui n’existe pas.

Même si nous sommes très mal engagés, rien n’est joué, rien n’est écrit. C’est à nous de décider de ce que sera demain, à nous d’écrire de nouvelles utopies, (ce qui semble irréaliste aujourd’hui sera le réel de demain). Il est de notre devoir d’investir le débat, de rejoindre les combats, de s’engager dans les luttes à condition que le message soit claire, sans ambiguïté, les objectifs intelligibles, bref, de faire de la politique honorablement. Même si nous sommes conscients que l’effondrement est en cours 3, il ne s’agit pas de se perdre dans de vaines querelles intestines, mais bien de travailler ? élaborer une pensée cohérente ?, proposer des mesures qui donnent envie enthousiasmantes ? se rassembler (à quoi bon se rassembler si nous n’avons pas la volonté de travailler en même temps sur le fond c’est-à-dire les idées, les principes et les valeurs communes que nous voulons partager ? pour que, enfin, notre voix se fasse entendre, celle de la décroissance.

Les notes et références
  1. http://ladecroissance.xyz/2019/02/10/dans-la-droite-ligne-de-la-decroissance/ []
  2. Lire l’article de Boris Prat : La contingence et le buisson[]
  3. Débat sur décroissance et effondrement, lors des (f)estives 2018 : http://ladecroissance.xyz/2018/09/08/debat-decroissance-et-effondrement/[]
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