Dans Inconditionnel, l’anthologie du revenu universel, Michel Lepesant et Baptiste Mylondo, reprennent, dans un article signé de Philippe Van Parijs (Pourquoi faut-il nourrir les surfeurs ?), les propos de John Rawls : « Le surcroît de temps libre dont jouissent ceux qui ne veulent pas travailler serait considéré comme équivalent du panier de biens premiers des plus démunis. Ainsi ceux qui surfent toute la journée à Malibu devraient trouver un moyen de subvenir seuls à leurs besoins et ne pourraient pas bénéficier de fonds publics. » Et se trouveraient ainsi privés du revenu universel.
Michel et Baptiste concluent : « ainsi débute l’une de ces controverses académiques dont la philosophie politique a le secret, portant sur le sort qu’une société juste, équitable et libérale, devrait réserver aux surfeurs californiens. »
Ce qui est savoureux dans cette polémique, sur le sort que doit réserver la société au surfeur, est qu’elle n’est pas nouvelle, elle a déjà existé. Dans l’émission La Série Documentaire diffusée sur France Culture le 15 janvier, l’historien Jérémy Lemarié nous raconte qu’au début du XIXème siècle, quand les missionnaires évangélistes débarquent à Hawaï, ils s’empressent d’exiger des rois des différentes îles de l’archipel, l’interdiction du surf, pratique traditionnelle des Hawaïens, au prétexte que pendant qu’ils s’amusent avec la vague ils ne produisent pas leur nourriture, ils délaissent les travaux des champs. De plus, ajoutent ces puritains, la quasi-nudité des femmes et des hommes s’employant au surf, est indécente. Le surf aurait certainement disparu sans l’arrivée quelques années plus tard des hygiénistes français qui ont vanté cette pratique bénéfique à la santé des habitants, enfin, des survivants qui avaient échappé aux maladies apportées par les nouveaux venus. Par la suite le surf fut loué par Marc Twain et un plus tard par Melville et Jack London, qui par leurs écrits favorisèrent l’adoption du surf et de son art de vivre par les Californiens.