- Au niveau global, les 10 % les plus riches de l’humanité ont été à l’origine de plus de la moitié (52 %) des émissions cumulées entre 1990 et 2015. Et les 1 % les plus riches représentaient à eux seuls plus de 15 % des émissions cumulées pendant cette période, soit plus que les émissions totales cumulées de l’ensemble des citoyen-ne-s de l’Union européenne (UE), et deux fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité (7 %).
- Au cours de ces 25 années, les 10 % les plus riches de la planète ont ainsi consommé un tiers (31%) du budget carbone mondial encore disponible pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C [2], alors que les 50 % les plus pauvres n’avaient consommé que 4 % du budget carbone.
- Les inégalités sont telles que les 10 % les plus riches épuiseraient à eux seuls ce budget d’ici 2033, et ce même si les émissions du reste de la population mondiale devenaient nulles dès demain.
- La période comprise entre 1990 et 2015 a connu une croissance de près de 60 % des émissions mondiales de CO2. Les 5 % les plus riches étaient responsables de plus d’un tiers (37 %) de la croissance totale des émissions.
- En France, les inégalités sont aussi très marquées : sur la période 1990-2015, les 10% les plus riches ont été responsables de plus d’un quart des émissions cumulées de CO2 (27%), soit presque autant que la moitié la plus pauvre de la population française (28%). Et en 2015, l’empreinte carbone moyenne des 1% les plus riches était 13 fois plus élevée que celle des 50% les plus pauvres (50,7 tonnes de CO2 par an contre 3,9 tonnes de CO2.
Pour Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat chez Oxfam France : « La surconsommation d’une minorité aisée alimente la crise climatique, mais ce sont les communautés pauvres et les jeunes générations qui en paient le prix fort. Ces inégalités extrêmes en matière d’émissions de CO2 sont la conséquence directe d’une croissance économique profondément inégale et à forte intensité de carbone, qui persiste depuis des décennies, avec la complicité de nombreux gouvernements. »
Les émissions sont susceptibles de remonter en flèche à mesure que les gouvernements commencent à assouplir les mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19. À moins de réduire considérablement ces émissions tous les ans, le budget carbone mondial disponible pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C sera complètement épuisé à l’horizon 2030.
En 2020, nous avons connu un réchauffement climatique mondial de 1°C et la crise climatique a continué sa progression : des cyclones dévastateurs ont frappé l’Inde et le Bangladesh, le Niger et la Chine ont subi des inondations meurtrières et l’Australie et les États-Unis ont connu des vagues de chaleur et des incendies sans précédent. Personne n’est à l’abri, mais ce sont les personnes les plus pauvres et marginalisées qui sont les plus touchées, et notamment les femmes.
Dans ce contexte, Oxfam appelle les gouvernements à lutter contre la double crise du changement climatique et des inégalités extrêmes en s’attaquant aux émissions excessives des plus riches et en soutenant les communautés pauvres et vulnérables.
Pour Armelle Le Comte, le constat est sans appel : « Le simple redémarrage de nos économies telles qu’elles existaient avant la pandémie – dépassées, injustes et polluantes – n’est plus une option viable. Les gouvernements doivent saisir cette occasion afin de transformer nos économies et de construire un avenir plus juste pour toutes et tous. »
« La France doit prendre sa part de responsabilité, notamment dans le cadre de la relance de son économie. A la lumière des révélations de ce rapport, il serait inimaginable que le gouvernement baisse aveuglément les impôts des grandes entreprises polluantes et leur verse des aides sans aucune contrepartie écologiques et sociales. Le gouvernement doit au contraire investir dans les services publics et les secteurs sobres en carbone, comme les transports publics. Ce sont les conditions sine qua non pour faire face à la crise climatique et enrayer le creusement des inégalités »
Notes aux rédactions
Le rapport de recherche complet en anglais est disponible ici.
[1] Les données présentées dans le rapport sont fondées sur des estimations des émissions dues à la consommation, c’est-à-dire à la fois les émissions produites dans un pays et celles liées aux importations, tout en excluant celles rattachées aux exportations. Nous allouons les émissions liées à la consommation nationale aux ménages de chaque pays selon une relation fonctionnelle entre les revenus et les émissions, en fonction de nouveaux ensembles de données sur la répartition des revenus. Sur la base de nombreuses études, nous partons du principe que les émissions augmentent proportionnellement au niveau de revenu, entre un seuil minimal et un plafond maximal d’émissions. Les estimations des émissions liées à la consommation nationale de 117 pays (entre 1990 et 2015) sont ensuite triées selon une répartition mondiale d’après les revenus. Pour en savoir plus sur la méthodologie utilisée, consultez le rapport.
[2] Le budget carbone mondial définit la quantité maximale de dioxyde de carbone pouvant être émise dans l’atmosphère afin de limiter la hausse de la température moyenne dans le monde à 1,5 °C, objectif défini dans l’Accord de Paris et ainsi d’éviter les pires impacts d’une crise climatique non contrôlée.
[3] Entre 1990 et 2015, les 50 % les plus pauvres de l’humanité comptaient environ 3,1 milliards de personnes, les 10 % les plus riches comptaient environ 630 millions de personnes, les 5 % les plus riches comptaient environ 315 millions de personnes, et les 1 % les plus riches environ 63 millions de personnes.
[4] En France, en 2015, les 50 % les plus pauvres comptaient environ 33,6 millions de personnes, les 10 % les plus riches environ 6,7 millions de personnes et les 1 % les plus riches environ 67 000 personnes.
[5] En 2015, près de la moitié des émissions des 10 % les plus riches – des personnes ayant un revenu net supérieur à 38 000 dollars – était imputables à la consommation des citoyen-ne-s des États-Unis et de l’Union Européenne, et environ un cinquième provenait de citoyen-ne-s de Chine et d’Inde. Plus d’un tiers des émissions des 1 % les plus riches – des personnes ayant un revenu net supérieur à 109 000 dollars – est imputable à des citoyen-ne-s des États-Unis. Viennent ensuite les résident-e-s du Moyen-Orient et de Chine. Les revenus nets sont calculés en fonction des seuils de revenu pour 2015 et présentés en dollars PPA (parité de pouvoir d’achat – 2011).
[6] D’après les estimations présentées dans le rapport « Combattre les inégalités des émissions de CO2 », il faudrait réduire l’empreinte carbone par habitant-e des 10 % les plus riches à un niveau dix fois plus bas d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C. Cela signifierait une réduction d’un tiers des émissions mondiales annuelles. Le simple fait de ramener l’empreinte des plus riches à la moyenne de l’Union Européenne diminuerait les émissions mondiales de plus d’un quart.
[7] Concernant la surconsommation, une étude récente montre que les foyers parmi les 10 % les plus riches au monde consomment environ la moitié (45 %) de toute l’énergie associée au transport terrestre, et quelque 75 % de toute l’énergie liée à l’aviation. Le transport représente environ un quart des émissions mondiales actuelles, tandis que les véhicules tout-terrain de loisir (SUV) ont été à l’origine de la plus forte hausse des émissions mondiales de CO2 entre 2010 et 2018.
Contact
Noélie Coudurier, responsable de campagne climat, Oxfam France : ncoudurier@oxfamfrance.org, 06 17 34 85 68