Un bref compte-rendu de la rencontre estivale des membres de la MCD
Du jeudi 27 au dimanche 30 août se sont déroulées à Charpey (26), une rencontre qui a dû fortement intriguer les entomologistes drômois : celle d’une espèce qu’on aurait pu croire en voie d’extinction, mais qui résiste, encore et toujours, au progrès ambiant : les décroissants politiques !
Après l’annulation des (F)estives 2020 en raison des conditions sanitaires, ces petits insectes à la peau dure ont décidé que l’année était bien choisie pour consolider un processus entamé de longue date (2015 : première rencontre du processus décroissance, 2017 : AG de constitution de la MCD) et faire le bilan du travail réalisé, ainsi que d’envisager les projets à venir. Au départ plus nombreux, nous étions finalement une dizaine (inquiétudes sanitaire et éloignement géographique ont contribué à cette réunion en petit comité), de tout âge et tout horizon géographique à nous retrouver, pour une moyenne d’âge dépassant à peine les 40 ans ; résultat à faire pâlir d’envie l’ensemble de l’échiquier politique français…
En filigrane de cette rencontre, la question « comment fait-on concrètement et politiquement pour faire accepter la décroissance? » Si nous refusons toute option antidémocratique qui inclurait le recours à la force, à la répression ou à la dictature parfois évoquée sous le nom d’écofascisme, la décroissance n’arrivera pas via une rupture idéale et magique. Besoin est de renverser l’hégémonie culturelle, largement en faveur du capitalisme car, ne nous y trompons pas, beaucoup de gens désirent le monde dans lequel nous vivons. Comment rendre alors les idées de la décroissance désirables ? C’est ce à quoi nous avons réfléchi tout le week-end, l’occasion de se pencher au passage sur une analyse du confinement et de la crise du Covid et de rappeler quelques uns de nos fondamentaux.
Nous considérons que le confinement a été a bien des égards un « révélateur » d’un ensemble de critiques et de failles du système, tout autant que de la richesse de nos vies humaines et sociales : nous avons travaillé et devons continuer à dresser le bilan de cette période. Dans les grandes lignes, nous pouvons déjà dire qu’il est important pour nous de recenser ce qui a pu être mis en sommeil : des secteurs entiers de l’économie sont apparus comme évidemment inutiles, voire nuisible, d’autres ont pu être très facilement reconvertis dans la production de biens dont nous avions réellement besoin. Beaucoup d’un quotidien jusqu’alors masqué a été « dévoilé », rendu visibles aux yeux du monde entier, comme les métiers utiles et indispensables, les conditions de travail de certains corps de métiers… Lors du confinement, le concept de décroissance est apparu très souvent et a été largement commenté par les médias. Trop souvent, celle-ci est pourtant présentée comme une stratégie individuelle de simplicité volontaire, la fameuse « part du colibri », dont nous récusons le fondement individualiste. Elle n’est pas toujours entendue dans son acceptation politique tel que nous la défendons à la MCD, telle qu’elle est définie au sein de la Charte de l’association : la décroissance comme chemin, pour revenir sous les plafonds de la soutenabilité écologique et sociale, sans subir l’effondrement. Néanmoins, même si le confinement a permis de faire reculer le jour du dépassement, si celui-ci avait duré toute l’année nous n’aurions pu repasser sous les plafonds fixés : se pose alors la question de l’acceptabilité politique et sociale de la décroissance, alors que le confinement a aussi commis de nombreux dégâts, notamment sociaux. Une piste proposée par Michel Lepesant pour résoudre cet écueil : repenser la rupture que représenterait un monde post-décroissance. Nous pouvons envisager de ne pas promouvoir un monde radicalement autre que celui dans lequel nous vivons, mais un monde somme toute pas si différent du nôtre, si ce n’est dans l’application d’une politique du moins : le même monde, mais la croissance en moins… ce qui nous permettrait de retrouver du temps, ce fameux « temps libéré » qu’évoquait Gorz 1
Pour développer nos réflexions, nous nous appuyons sur la rédaction d’un Manifeste, qui, sous forme de questions réponses, reprend de manière fouillée cette analyse décroissante du confinement et les perspectives d’avenir que nous souhaitons en tirer, Manifeste qui servira également de support à une activité de plaidoyer envers d’autres associations aux visées généralistes, sur des sujets de société et environnementaux (féminisme, climat, écologie, publicité) dans une optique « d’aller vers » et d’apports réciproques à nos visions politiques respectives.
Du côté des Cigales
Ce week-end de brainstorming a été l’occasion de tester tout plein de nouveaux concepts marketings : pour mieux le vendre, nous avons décidé de rebaptiser notre mouvement la « New Dec » 2, mouvement qui n’a d’ailleurs pas tardé à donner naissance à la post New Dec, issue d’une scission du groupuscule en deux… A vous de choisir votre team !
Du côté des Fourmis
De nombreux projets ont vu le jour lors de cette réunion, le principe étant de créer un groupe de travail pour chaque activité que nous voulons voir pérennisée au sein de l’association. Il existait déjà au sein de la MCD deux entités globales : la Coopérative et la Mutuelle, dont les rôles ont été réaffirmés : à la Coopérative les tâches d’organisation, de logistique, de soutien aux groupes et de fonctionnement associatif ; à la Mutuelle, le travail des idées et la production de textes. Jusqu’alors il existait en plus de la Coopérative et la Mutuelle un groupe Festives, chargé d’organiser cet événement annuel. Viennent désormais s’y rajouter un certain nombre de groupes et d’ateliers de travail dont vous trouverez la liste ci-dessous : n’hésitez pas à vous manifester auprès de l’adresse contact@liens.ladecroissance.xyz si vous souhaitez intégrer l’un d’eux et l’on vous rajoutera à la liste d’échange mail concernée.
Le groupe (F)estives
Depuis 2009, les (F)estives proposent de passer ensemble quelques jours pour réfléchir et discuter ensemble de décroissance. Ces trois dernières années les (F)estives se sont portées vers une critique radicale de l’individualisme en explorant d’abord la question du sens de la vie, puis le sens de la technique, et pour finir le sens de l’histoire. Ce triptyque est désormais clôturé. S’en ouvre un nouveau, sur trois ans également, où l’on interrogera successivement notre relation à la Nature, à la vie sociale, et à la démocratie.
Le groupe programme électoral
Le travail des membres de ce groupe s’appuie sur l’article 2bis des statuts de l’association : « Sans aller aux élections en son nom, l’association élabore un projet et des propositions politiques qui organisent démocratiquement la décroissance. Lors des périodes électorales, l’association peut soutenir officiellement des candidatures conformes à cet objet ».
Jusqu’à maintenant, les programmations électorales des décroissants ont plus souvent consisté dans un catalogue incomplet de propositions générales et quelquefois hétéroclites que dans un inventaire ambitieux de propositions politiques pour entreprendre sans attendre le repassage démocratique sous les plafonds de la soutenabilité écologique. Pour autant, la MCD ne se sent pas dans l’obligation de s’enfermer dans la provocation pour la provocation, dans la pureté pour la pureté. Cela veut dire que rien que dans la période récente du déconfinement se sont déjà multipliées des travaux tout à fait riches de propositions avec lesquelles nous ne sommes pas toujours d’accord mais néanmoins qu’il serait ridicule de rejeter dans leur ensemble. La solution de facilité, au sens de faisabilité, est donc d’aller piocher dans les catalogues déjà existant, de faire le tri, sans jamais s’empêcher de rajouter des propositions fortes, des propositions clivantes et identifiantes pour la décroissance.
Et pour rester conforme à l’objet de la Maison de la décroissance, une transition démocratique pour rentrer dans une époque post-décroissance, nous pourrions ranger toutes nos propositions suivant deux grands axes :
- axe territorial : du local au global, et réciproquement avec comme principe directeur, celui de la bonne échelle, de la bonne taille.
- axe temporel : mesures que l’on pourrait prendre immédiatement, mesures qu’il faudrait prendre avant la fin de la mandature, mesures à l’horizon plus éloigné (2035 ?)
- chacune de ses mesures pourraient être confortées par la référence à un projet, français ou non, où ses mesures sont déjà tentées.
Le groupe Manifeste / Plaidoyer
Pour le Manifeste, deux membres, Jérôme et Simon, sont d’ores et déjà chargé de la rédaction et de la mise en forme du contenu déjà produit par l’ensemble du groupe pendant le confinement. Néanmoins beaucoup de choses reste à faire : relire, reformuler, corriger, donner son avis, proposer des modifications, trouver des pistes pour l’édition papier du Manifeste…
Le groupe Youtube
Bien que conscients des limites de ce médium, nous envisageons le travail de vidéo publié sur notre chaîne YouTube comme un outil supplémentaire de diffusion des idées de la décroissance et de visibilité de la Maison Commune de la Décroissance, en complémentarité du site Internet. S’y trouverait à la fois des traduction vidéos des textes et idées déjà en ligne via notre site, mais aussi et surtout, des contenus nouveaux : interviews, abécédaire de la décroissance, témoignages, séries sur des thèmes précis… tout reste à inventer ! Le groupe Youtube se retrouve normalement aux alentours de Novembre pour filmer les premières vidéos.
Le groupe Site Internet + lettre
Ce groupe a pour objet de publier en ligne les articles reçus ainsi que de concevoir la Lettre de la MCD. Pour participer à la production de contenu, envoyez vos textes à contact@liens.ladecroissance.xyz.
Le groupe édition et publication papier
Ses membres se chargeront de l’aspect graphique et de l’impression des futures publication papier de la MCD.
Le groupe Livres Jeunesse
La décroissance, c’est aussi changer les imaginaires collectifs : cela passe par l’invention de récits qui conviennent aux petits comme aux grands. L’objectif serait de donner à voir un monde décroissant à travers des livres d’illustration jeunesse.
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Nous l’espérons, d’autres rencontres auront lieu au fil des mois pour donner corps à tous ces projets : si vous connaissez un lieu pouvant accueillir du monde ou que vous souhaitez organiser une séance de travail chez vous, n’hésitez pas à nous contacter… en attendant que la Maison Commune de la Décroissance prenne corps au sein d’un lieu physique, un jour !
---------------Notes et références
- Il faut lire d’André Gorz : Bâtir la société du temps libéré, Pourquoi la société salariale a besoin de nouveaux valets, Leur écologie et la nôtre.[↩]
- abréviation de New Décroissance[↩]