La fin des ressources non renouvelables et surtout le réchauffement climatique évoqué par les décroissants et les collapsologues en particulier, commencent déjà à renforcer les famines générées par les problèmes économiques et les guerres. Pour tenter d’y échapper, les populations vont migrer plus encore qu’actuellement. La hausse des migrations va devenir un problème majeur dans les pays industrialisés dans les décennies à venir. Et, ce ne sera pas seulement un enjeu politique pour les partis de droite, comme il l’est actuellement en France. De politique, il deviendra un problème véritablement concret.
Les migrations s’inscrivent dans un mouvement inverse de la relocalisation. Elles participent au contraire au mouvement de la mondialisation, en particulier dans sa dimension économique libérale, lorsque cela renforce l’exploitation des travailleurs les plus fragiles, tels les travailleurs migrants. Paradoxalement, le libéralisme économique cherche à limiter la liberté de circuler des humains, alors qu’il promeut la liberté de circulation et d’échange des marchandises. Or, il y existe une discrimination mondiale entre les occidentaux qui peuvent voyager presque partout dans le monde et les autres peuples à qui ont restreint drastiquement l’accès aux visas d’entrée dans les nations occidentales et riches en particulier.
Les migrations favorisent les bénéfices des employeurs puisqu’elles accroissent le taux de chômage, ce qui exerce une pression des salaires vers le bas. Cependant, les migrations génèrent des difficultés politiques, à cause de la croissance potentielle du chômage et à cause de l’accroissement de la précarité des travailleurs migrants. A cette précarité, s’ajoute les migrants qui doivent survivre de la mendicité, lorsqu’ils ne parviennent pas à accéder à un emploi.
La relocalisation solidaire relève donc d’un politique consistant à organiser les conditions visant à diminuer la croissance du nombre de migrants, en particulier en cessant de nuire au développement économique et démocratique local, en particulier des pays en développement. Or, actuellement, c’est l’inverse que se produit et qui plus les migrants de ces pays en développement voient se fermer les portes d’accès à ses pays riches, qui ont contribué à déstabiliser leur économie.
Quelles sont les raisons principales qui expliquent la croissance des réfugiés ?
Et quelles sont les solutions à ces problèmes de plus en plus prégnants ? Actuellement, la cause principale relève des guerres. Il y a ensuite, la misère économique, puis les problèmes climatiques. Les migrants climatiques représentaient 29% 1des migrants dans le monde en 2015 et 43% des 51,2 millions de migrants de 2013 2. Or, le dérèglement climatique devient progressivement la première des causes des migrations.
Généralement, ce sont les guerres, mais cela varie en fonction des années. En 2016, selon l’étude du HCR « démontre que seulement trois pays au monde génèrent la moitié des réfugiés : la Syrie avec 4,9 millions, l’Afghanistan avec 2,7 millions et la Somalie avec 1,1 million de déplacés. D’autres conflits récents accélèrent le mouvement : au Soudan du Sud, au Yémen, au Burundi, en Ukraine, en République centrafricaine, etc. » 3.
Dans le monde, sur l’ensemble des populations déplacées pour des raisons environnementales, « 55 % fuiraient des inondations et 29 % des tempêtes. Sur les bords du lac Tchad, dont l’assèchement pousse les communautés d’éleveurs à aller toujours plus loin chercher de l’eau, la situation confine à l’intenable. En cinquante ans, le lac est passé d’une superficie de 25 000 kilomètres carrés à 2 500 à peine » 4.
La seconde cause des migrations relève de la pauvreté économique. Les guerres sont les premières causes des famines, mais il y a ensuite la pauvreté, en particulier concernant la malnutrition. Depuis début 2017, la famine sévit dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Est (Somalie, Kenya, Ethiopie, Djibouti, Ouganda, Soudan du Sud) et elle touche 20 millions de personnes selon l’ONU, car la sécheresse frappe depuis fin 2016. Avec le réchauffement climatique et la croissance de la population, les enjeux alimentaires et agricoles deviennent progressivement de plus en plus tendus. Cette tension impacte donc aussi les terres agricoles disponibles.
En 2008, les violentes crises financières, alimentaires, pétrolières et écologiques ont remis en cause l’ancienne place de l’humain sur la terre et dans la nature. En 2013, il y avait 842 millions de personnes dans le monde, qui souffraient de faim chronique, soit près d’une personne sur huit, selon la FAO. Selon le Programme Alimentaire Mondial, il y avait plus 25 000 personnes (adultes et enfants) qui mourraient chaque jour de famine et de causes apparentées, soit plus de 9 millions chaque année, en 2009 5. Ce qui correspondait à environ 90 % de la population de l’agglomération de la région parisienne !
La troisième cause des migrations concerne les problèmes climatiques. Mais cela risque fort de devenir la première cause et de très loin. D’après une étude de l’organisation « Climate Central », on observe des risques spécifiques liés à la montée des eaux. « D’ici la fin du 21e siècle, la montée des eaux et les inondations des zones côtières concernera 147 à 216 millions de personnes partout dans le monde.
Là encore, l’Asie apparaît comme le continent le plus vulnérable. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est qu’autour des deltas des fleuves, tel le delta du Bengladesh, le delta du Nil en Egypte, que les terres sont les plus fertiles. Par conséquent, ces zones concentrent le plus d’habitants. Il va donc manquer des millions de km2 de terres fertiles nécessaire à l’agriculture et à l’alimentation, à cause de la montée des eaux.
Dans le monde, sur l’ensemble des populations déplacées pour des raisons environnementales, « 55 % fuiraient des inondations et 29 % des tempêtes. Par exemple, sur les bords du lac Tchad, dont l’assèchement pousse les communautés d’éleveurs à aller toujours plus loin chercher de l’eau, la situation confine à l’intenable. En cinquante ans, le lac est passé d’une superficie de 25 000 kilomètres carrés à 2 500 à peine » 4.
Quelle est la part du réchauffement climatique dans l’accroissement des réfugies dans le monde ?
Chaque année le nombre des réfugiés climatiques augmente, même s’il varie en fonction des conditions météorologique. Il atteint souvent 30% 1 et parfois 43% des migrants, comme en 2013 6. Le nombre de ces derniers s’accroit chaque année dans les pays les plus riches, mais plus encore vers les pays en développement. Jusqu’où leur nombre grandira-t-il, 250 millions, 1 milliard, plus encore et à quelle échéance ? Quelles sont les raisons qui expliquent les migrations en général et quelles sont les solutions à ces problèmes de plus en plus prégnant ? Généralement, ce sont principalement les guerres, mais cela varie en fonction des années, puis la misère économique et enfin les problèmes climatiques. Cependant, on relève une proportion croissante des causes relatives à la montée des mers dans les zones agricoles, mais celles liées aux catastrophes naturelles et en particulier au rôle du dérèglement climatique : les inondations, les tempêtes et les sécheresses. Or, ces dernières paraissent être les plus graves à long terme puisqu’elles engendrent de la malnutrition, puis des famines et des décès.
A combien s’élève le nombre des réfugiés climatiques ?
Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), « par rapport à la population totale de la planète Terre qui compte 7,4 milliards d’habitants, un être humain sur 113 est aujourd’hui déraciné ; il est demandeur d’asile, déplacé interne ou réfugié – ce qui les placent à un niveau de risque sans précédent dans toute l’histoire du HCR ». Entre 2008 et 2015, les catastrophes naturelles ont déplacé environ 203 millions de personnes à travers le monde, et les risques ont été multipliés par deux depuis les années 1970 7. Il y a donc en moyenne 29 millions de migrants par an liés aux problèmes environnementaux.
De plus, on estime que 40 000 personnes : hommes, femmes et enfants se sont noyés en Méditerranée entre 2000 et 2015. D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il y a eu plus de 3800 personnes par an qui se sont noyées durant leurs migrations vers l’Europe et 5143 en 2016 8. Cela représente donc chaque année, plus que les 2 973 morts durant les attentats du 11 septembre en 2001 contre les tours jumelles de new York. Néanmoins, cela ne suscite pas vraiment l’indignation de l’opinion publique, ni des médias et encore moins des gouvernements. Même la Banque Mondiale reconnaît que 100 millions de personnes (surtout des paysans et des pêcheurs) pourraient tomber sous le seuil de pauvreté d’ici 2030 à cause du changement climatique 9.
Mais quelle est la part des réfugiés climatiques, par rapport à l’ensemble des migrants ?
On observe une hausse régulière des migrants dans le monde. En 2015, « le nombre de migrants internationaux – c’est-à-dire de personnes vivant dans un pays autre que celui où elles sont nées – a atteint 244 millions en 2015, soit une augmentation de 41% par rapport à 2000, selon l’ONU. Ce nombre inclut près de 20 millions de réfugiés », soit 8,1% des migrants et la majorité vit dans des pays en développement. Par conséquent, « le nombre de migrants internationaux a augmenté plus vite que la population mondiale. En conséquence, la part des migrants dans la population mondiale a atteint 3,3 % en 2015, contre 2,8 % en 2000 » (OIM, 2016). Cela reste donc relativement faible en comparaison des tensions politiques que cela génère. « Il y a 50 ans, les migrants étaient trois fois moins nombreux (environ 75 millions en 1965), mais ils constituaient déjà 2,3 % de la population mondiale 10.
Le nombre des « réfugiés climatiques » recensés entre 2011 à 2014 s’élevait à 27,8 millions par an en moyenne durant cette période 11. En 2015, selon The Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) il y eu 19,2 millions de personnes déplacées dans le monde du fait des phénomènes climatiques extrêmes 12, soit 29 % des migrants (toutes causes confondus) dans le monde, avec 65,3 millions 1 et sans doute 70 millions au 1er janvier 2017 3. C’est à dire l’équivalent de la population d’un pays comme la France.
Cependant, en 2013, la première cause des migrations fut prioritairement écologique et climatique. Selon le rapport annuel « Global Estimates du Conseil norvégien pour les réfugiés, 22 millions de personnes ont dû abandonner leur domicile en 2013 à la suite d’une catastrophe naturelle, soit trois fois plus que de personnes déplacées à cause d’un conflit. Sur ces 22 millions, 31% ont été déplacées à cause de désastres hydrologiques (inondations) et 69% à cause de catastrophes météorologiques (tempêtes, ouragans, typhons) » 6. Ainsi, les migrants climatiques représentaient près de 43% pour cent des 51,2 millions de migrants de 2013 2.
Par Thierry Brugvin, Sociologue 13
→ A suivre : Quelles sont les solutions face à la croissance des réfugiés et des migrants climatiques ?
---------------Notes et références
- UNHCR, Global Trends 2015, United Nations High Commissioner for Refugees, 2016.[↩][↩][↩]
- UNHCR, Global Trends 2013, United Nations High Commissioner for Refugees, 2014.[↩][↩]
- DELPIROUX Dominique, « 65 millions de réfugiés dans le monde, Crise des migrants – L’événement », La Dépêche, 16/01/2017[↩][↩]
- D’ALLARD Marion, « Réfugiés climatiques, la crise du siècle environnement », L’Humanité, 15/11/ 2016.[↩][↩]
- FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde, FAO, 2013.[↩]
- BASTIE Eugénie, « Les réfugiés climatiques trois fois plus nombreux que les réfugiés de guerre », Le Figaro, 17/09/2014.[↩][↩]
- Rapport mondial sur les déplacements internes 2016, Conseil norvégien pour les réfugiés, 2016.[↩]
- OIM (Organisation internationale pour les migrations), Etat de la migration dans le monde 2015, Nations unies, 2016.[↩]
- BANQUE MONDIALE, WORLD BANQUE, « The Impacts of Climate Change on Poverty in 2030 and the Potential from Rapid, Inclusive, and Climate-Informed Development », Working Paper, novembre 2015. [↩]
- NATIONS UNIES, DIVISION DE LA POPULATION, International Migration Report 2013, Département des Affaires économiques et sociales (DAES), Nations unies, 2013.[↩]
- SIMON Marie, « Bientôt 250 millions de « réfugiés climatiques » dans le monde ? », L’Express, 01/11/2015.[↩]
- IDMC (Internal Displacement Monitoring Center), Global Internal Displacement Database (GIDD), IDMC, 2016.[↩]
- Co-auteur du livre, 6 chemins vers une décroissance solidaire, Le Croquant, 2018.[↩]