- Présentation générale et pratique : http://ladecroissance.xyz/2019/04/18/festives-de-la-decroissance-juillet-2019/
- Les méthodes de partage et de discussion : http://ladecroissance.xyz/2018/06/02/methodes-des-festives/
- Le programme de ces 3 jours : http://ladecroissance.xyz/2019/04/28/programme-des-festives-2019/
- Les propositions de covoiturage : http://ladecroissance.xyz/2018/06/21/covoiturage/
Le sens de l’histoire est une question politique
Depuis 2009, les (f)estives de la décroissance proposent de passer ensemble quelques jours pour réfléchir et discuter ensemble de décroissance. Pouvoir et anti-pouvoir, masse critique, luttes (contre) et utopies (pour), besoins fondamentaux, antiproductivisme… les thématiques ont confirmé la dimension généraliste de la décroissance.
Depuis 2 ans, les (f)estives se sont portées vers une critique radicale de l’individualisme en explorant d’abord la question du sens de la vie (retrouver une forme d’organisation sociale dans laquelle la découverte du sens de sa vie ne sera pas l’affaire de chaque individu isolé : « Trouver seul le sens de sa vie est une chimère »), puis, l’an dernier, la question de la technique (Philippe Gruca avait clairement montré que, quand la société n’est plus à la taille des humains, alors le choix se fera entre décroissance et transhumanisme). Critiquer l’individualisme pour des écologistes radicaux comme le sont les décroissant.e.s, c’est refuser de traiter la question écologique en risquant d’écarter ou d’oublier la question sociale.
Cette année, nous conclurons cette critique décroissante de l’individualisme par le biais de la question de l’histoire. Ah que les temps étaient plus simples quand chacun croyait que sa destinée découlait du fatum ou de la Providence : aujourd’hui, chacun, en compagnie de ces autres avec qui il s’active, dialogue, s’amuse…, se demande au contraire comment le sens de sa vie pourrait s’accorder avec le sens du monde dans lequel il vit. Comment articuler la fin du mois et la fin du monde ?
Difficile question qui dans l’histoire de la critique du capitalisme s’est souvent retrouvée scindée entre « critique sociale » et « critique artiste », en particulier à propos de la question du progrès. D’un côté la critique sociale qui – pensons évidemment à la ligne marxiste – a espéré résoudre la question de la misère par la solution du productivisme, de l’industrie et de la technique, mais aux dépens évidemment de la nature, réduite à n’être qu’un stock de ressources matérielles et énergétiques. Critique sociale fondée historiquement sur un déterminisme matérialiste qui réduisait le sens de l’histoire à n’être que la direction en vue d’une fin déjà connue.
Quant à la critique artiste, il faut reconnaître que les décroissant.e.s peuvent y trouver – par exemple dans le romantisme – à la fois une attention et une sensibilité accordée à la nature ainsi qu’une nostalgie d’un monde où les rapports sociaux n’étaient pas d’abord des rapports utilitaires (« bourgeois »). Le danger, de ce côté de la critique, serait toutefois de confondre la figure du réactionnaire (celui qui désire revenir en arrière) avec celle du conservateur (conserver des intermédiaires sociaux entre individu et État). Mais alors comment rester conservateur – tant de la nature que de la vie sociale – en évitant les pièges du passéisme comme du progressisme, sans sacrifier aussi un idéal d’émancipation autant personnel que collectif ?
Voilà quelques défis posés par cette question du sens de l’histoire. Et encore une fois, nous retrouvons ce goût des décroissant.e.s pour se mettre à dos tous ces « -ismes » avec lesquels il faut pourtant porter la confrontation : le passéisme, le présentisme et le futurisme. Trois manières différentes de tomber dans la même abstraction qui découpe le temps en passé, en présent et en futur et qui, par tri, surévalue un moment aux dépens des deux autres. Le passéiste a raison de retrouver le poids de la tradition dans la vie sociale mais il a le tort de risquer de la figer entre la privant de sa force vitale. Le présentiste a raison de se réjouir de goûter les plaisirs du présent (carpe diem) mais il a le tort de dénigrer le passé comme ringard et – pris dans les filets de l’accélération et du court-termisme – de ne plus rêver qu’adviennent de meilleurs mondes. Le futuriste a raison de ne pas se couper d’une dimension d’utopie mais attention à ne pas confondre l’espoir comme croyance d’un futur inéluctable et l’espérance comme désir d’autres futurs.
Pour évoquer la cohérence de ce que serait une attitude décroissante quant à cette question de l’histoire, cohérence qui devrait donc refuser de séparer abstraitement le temps en trois temps, nous pouvons évoquer deux pistes :
- Ensemble : critiquer le passé, lutter au présent, imaginer le futur.
- Ensemble : déconstruire (la fameuse décolonisation de l’imaginaire) ; détruire (et là il faudra faire la part entre ce qu’il faut protéger, entretenir, conserver et ce avec quoi il faut rompre) ; construire (comment retrouver le sens du projet sans tomber dans les pièges de l’innovation).
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Pour parcourir ensemble toutes ces questions, ces (f)estives poursuivront dans la voie commencée depuis deux ans de refuser de mettre en concurrence les interventions : honorer le travail des intervenants invités, pour éviter de nourrir l’illusion que toute rencontre doit recommencer à partir de l’ignorance du dernier arrivé, pour appliquer à nos méthodes et à nos pratiques la conviction que la société n’est pas une juxtaposition d’individus séparés mais qu’à la naissance de chaque individu, la société est toujours déjà-là, et qu’elle a toujours commencé sans nous, et qu’elle continuera sans nous… Ce qui est vrai pour la société est encore plus vrai pour la nature…
Pour penser cette parenthèse de l’Histoire humaine au cœur de l’Evolution de la nature, nous avons invité cette année : François Jarrige (maître de conférences en histoire), Boris Prat (militant chercheur de la décroissance), Mathilde Szuba (maître de conférences en science politique), Elodie Vieille Blanchard (docteure en sciences sociales, présidente de l’Association végétarienne de France). Dans leurs domaines respectifs, ils tenteront tous les quatre de procéder à des allers-retours entre prospective et rétrospective, manières de refuser de déchirer le tissu du temps : ouvrir l’historiographie au présent et au futur, le vécu au passé et au futur, la prospective au passé et au futur.
Ces interventions (longues), le vendredi et le samedi, seront encadrées en début et fin de journée par de très courts exposés sur les fondamentaux idéologiques de la décroissance (sur les limites, la vie sociale, la démocratie, la critique du progrès technoscientifique et la présence des décroissant.e.s dans les luttes actuelles).
Enfin le dimanche matin, tou.te.s ensemble, nous tenterons d’affronter la question des scénarios possibles de la décroissance (réactionnaire, stationnaire, utopiste).
Ces trois jours de rencontres devront aboutir à formuler des propositions concrètes : modes de vie, éléments de langage (constitution d’un lexique commun), accepter des clivages et des identifications (pour co-construire un fond de radicalité politique), actions, revendications (les plus « belles » et « utopiques » possible).
Tout cela reposera bien sûr sur un climat général de convivialité, de bienveillance et de festivité. Les soirées seront réservées aux projections, théâtre et musique.
vous pouvez passer commande de mon livre chez Prem’Edit, si cela vous intéresse; ça parle de la décroissance et de gens qui essaient de vivre.
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