N’étant pas « monté » à Paris depuis quelques années, je n’avais pas encore mesuré l’importance de deux phénomènes concomitants : l’addiction généralisée au smartphone et la disparition de la presse écrite.
Parisien de naissance, j’ai toujours pratiqué le métro et, étudiant, la ligne de Sceaux que j’empruntais pour me rendre à la fac d’Orsay. A l’époque, qui remonte à … une cinquantaine d’années ( !), une bonne moitié des voyageurs lisaient le journal (France Soir, le Parisien Libéré, le Monde, Combat, le Figaro, l’Aurore,…,). Heureux temps où la presse écrite, même vendue, était achetée. Ce qui m’a frappé, durant mon récent passage à Paris, a été de ne croiser dans le métro du soir, aucun lecteur de journal. Plus personne ne lit son journal ! La presse écrite est morte.
Aujourd’hui tout le monde dans le métro, jeunes, vieux, filles, garçons, grands, petits, gros, beurs, blacks, tout le monde vous dis-je a le nez plongé dans son smartphone. J’ai cru un moment que ma voisine de siège m’accompagnait dans ma résistance à l’utilisation compulsionnelle du portable, mais elle n’a tenu que trois stations avant de sortir elle aussi, l’indispensable compagnon de tous les instants. Mes hôtes, auprès de qui je tentais de communiquer mon inquiétude devant l’indifférence au monde que permet le refuge dans la machine, me dirent que les gens lisaient la presse sur leur smartphone. J’ai peine à le croire tant les coups d’œil indiscrets et furtifs sur les écrans que je me suis autorisé, m’ont édifié sur la nature des centres d’intérêt de mes contemporains.
Si certains décroissants utilisent le smartphone, grand bien leur fasse, mais au moins qu’ils le fassent en toute conscience : ils manipulent une arme redoutable de destruction radicale des derniers pans de la sociabilité.