Espace écologique

Depuis plus de 10 ans maintenant, les amis de la Terre défende le « concept » d’espace écologique (EE). A la MCD nous pensons que cette notion est beaucoup plus qu’un concept mais qu’il est même une « matrice » de transformation sociale et écologique. Retour dans cet article 1) sur l’historique de la formation de ce concept chez les AdT et 2) sur sa fécondité politique. Cet usage politique de l’EE va beaucoup plus loin que la version popularisée par Kate Raworth sous le nom de donught, et qui peut susciter beaucoup de réserves.

1-     De l’espace environnemental à l’espace écologique

Le concept d’espace écologique provient d’une réflexion qui s’est approfondie à partir d’une autre notion, celle d’espace environnemental, notion construite il y a une quinzaine d’années dans le but de combiner les questions d’environnement et d’équité. Et pour cela, elle reposait sur deux « principes » 1 :

  1. un principe de « limitation de la capacité de notre terre de pouvoir supporter un certain degré d’utilisation de ressources et de pollution »
  2. un principe d’équité selon lequel « chaque personne sur la terre devrait avoir le même droit d’utiliser les ressources terrestres ».

Toutefois la réception en dehors de l’Europe de cet « espace environnemental » suscita deux objections.

  1. La première : « Pour beaucoup de gens dans le Sud la question d’accès aux ressources est bien plus importante que le calcul de l’espace environnemental » ».
  2. La seconde : Pourquoi le Sud ne devrait-il pas avoir le droit de dépasser les limites de l’espace environnemental jusqu’à ce qu’il ait atteint un niveau de vie similaire à celui des pays du Nord ?

Deux réponses :

  1. Pour répondre à la première objection, fut donc ajouté à l’espace environnemental le concept de « borne inférieure » (« bottom line»). L’espace environnemental se définissait alors entre un plancher (celui de la qualité de la vie) et un plafond (celui de la surconsommation) → dépasser le plancher mais ne pas dépasser le plafond.
  2. Pour répondre à la seconde objection, fut proposée la notion de « dette écologique » qui « devrait être payée par le Nord pour permettre au Sud de prendre sa propre voie vers un développement durable ». Le Nord pourrait/devrait rembourser sa dette écologique par des transferts financiers et techniques.

Ces propositions restaient encore bien timides :

  • Il s’agissait encore de favoriser un « développement durable ».
  • La gratuité des transferts de technologies était évoquée seulement comme une possibilité, pas comme un impératif.
  • Les transferts financiers visaient un « allégement de la dette économique », pas son annulation pure et simple.
  • Surtout, la justification idéologique d’un plancher et d’un plafond par la « qualité de la vie » et la « surconsommation » semblait bien fragile. Quant à la « qualité de la vie » : y aurait-il un « modèle » ? Viser la « qualité de la vie », c’est généreux mais aussi très « général ». Quant à la « surconsommation » : n’est-ce pas du « consumérisme » en tant que tel dont il fallait sortir, et pas seulement de ses excès.

Mais au printemps 2011, beaucoup de ces réticences sont traitées dans la « position des Amis de la terre » qui expose pour la première fois le concept d’espace écologique, c’est-à-dire le principe d’une double limitation, par un plancher et par un plafond : Position pour des sociétés soutenables. Par rapport au concept précurseur d’espace environnemental, les avancées sont nettes :

  • D’une société « durable » à des sociétés « soutenables » (satisfaction des besoins et préservation des écosystèmes : « en tant que tels » ou comme « ressources » ?).
  • De 2 « principes » (principe de limitation de la capacité de la terre à supporter utilisation des ressources et déchets + principe d’équité) à 2  « impératifs » (sobriété et équité).
  • Prise en compte de la difficile question politique de la Transition : et affirmation sans aucune ambiguïté de la décroissance.

2- La fécondité de l’espace écologique

ENJEU : Les limites de l’espace écologique ne sont pas des entraves mais les conditions écosystémiques (naturelles & sociales) d’une vie sereine dans une société juste et démocratique.

Une manière non pas de placer l’écologie au cœur de la politique mais exactement l’inverse, replacer la politique au cœur de l’écologie.

  • Dans une société de la brutalisation généralisée : quelle tolérance ? → entre l’acceptable et l’intolérable : tolérer, c’est plus qu’accepter mais c’est rester en-deçà du plafond de l’intolérable.
EE_tolérance

  • Dans une société tyrannisée par l’argent : quelle monnaie ? → Entre la gratuité et la chrématistique (la spéculation), les monnaies locales (MLCC) peuvent expérimenter des façons différentes d’échanger et de partager, mais à proximité.
EE_monnaie

  • Dans une société où les inégalités explosent : quelle décence, comment retrouver un monde commun ? → entre RI et RMA

  • Dans une société du Désir (infantilisée et non pas rajeunie par le Désir), quelle position adopter ? → entre la faim et la gourmandise, l’appétit peut fournir un modèle décroissant du désir : ne débutant pas par la souffrance (alors que la faim vient en ne mangeant pas), se poursuivant par des plaisirs sobres et naturels partagés dans un repas convivial, l’appétit sait que, passé un certain plafond, le plus devient un trop.
EE_appétit

 

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Notes et références
  1. De l’espace environnemental vers la dette écologique – une perspective européenne ; discours présenté par Dr Martin Rocholl, Directeur des Amis de la Terre Europe (FoEE), lors de la conférence « Globalisation, Ecological Debt, Climate Change and Sustainability », République du Bénin, 27-30 novembre 2001. http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/mrocholl.pdf[]
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