Nous l’écrivions déjà dans notre livre « La décroissance et ses déclinaisons » : s’il y a bien une chose qui réunit la droite et la gauche, c’est la recherche de la croissance, ce que nous prouve encore une fois le programme économique néo-keynésien du Nouveau Front Populaire. Cela veut-il pour autant dire que notre décroissance n’est ni de droite ni de gauche ? Dans ces temps troublés, où faute de travail conceptuel et théorique robuste, une partie de la nébuleuse décroissante évolue encore dans le brouillard idéologique, il nous semble nécessaire de rappeler que notre décroissance n’est pas de droite, et ne le sera jamais.
Notre décroissance n’est pas de droite, parce qu’en réalité si elle se fonde sur une politique des limites, elle n’a pas pour objectif la préservation de l’environnement : parce que les limites planétaires fournissent le cadre mais pas le sens de l’action humaine. Pour nous, pas de nature « originelle » ou «immuable» réifiée et mythifiée au service d’un ré-enracinement racial à la sauce Völkish ou d’une néo-colonisation verte dans les Suds. Pas de défense de « la vie pour la vie » en tant que telle : principe qui nous permet à la fois de défendre l’IVG tout en questionnant « le droit à l’enfant » permis par la PMA et la GPA, qui nous autorise à réfléchir à « la fin de vie » tout en condamnant les délires transhumanistes, qui ne nous range ni du côté des survivalistes dans leurs bunkers, ni des collapsologues qui attendent l’effondrement pour repartir de zéro.
Avec l’extrême-droite (ED), notre critique est encore plus violente parce que ce qui la caractérise c’est la xénophobie, le rejet de l’autre (les « étrangers », les homosexuel.le.s…). Même pas besoin d’être raciste et de se sentir d’une « race » supérieure, il suffit juste d’avoir peur du déclassement et d’en rejeter la faute non pas sur les coupables mais sur les « plus victimes que soi ». On comprend alors leur détestation du « wokisme » et de l’intersectionnalité : car au lieu d’une convergence des émancipations, l’ED se nourrit d’un tri et d’une division dans les exclusions. C’est en ce sens que la xénophobie est une réaction (sinon une protestation) mais sans émancipation.
Notre décroissance est de gauche parce qu’elle se place systématiquement du côté des dominé.es et des vulnérables. Notre décroissance est de gauche parce qu’elle est un communisme de la vie sociale : elle a pour objectif la préservation de la vie en commun, c’est à dire la vie AVEC les autres et POUR les autres, lorsque les projets libéraux et d’extrême-droite nous poussent à vivre les uns contre les autres et les uns sans les autres.
Mais il faut se demander « comment nous en sommes arrivés là ? » et s’apercevoir alors que « seule l’extrême-droite propose un discours, des analyses critiques, dans un vide politique généralisé »1 (Nicolas Bonanni). Si l’extrême-droite est aujourd’hui aux portes des institutions, c’est parce qu’elle a déjà pris le « pouvoir dans les têtes » et que ses catégories de pensées, ses thèses et ses obsessions ont conquis progressivement l’ensemble des sphères médiatiques et politiques (Lise Benoist). C’est le pouvoir des discours : ils sont performatifs. Pour reprendre les mots de Gramsci, l’extrême-droite détient aujourd’hui l’hégémonie culturelle. Et si elle l’a conquise, c’est qu’en face, ceux qui portent des rêves de justice sociale sont dans le brouillard et ont échoué à mobiliser autour de propos, d’idées et de pratiques cohérentes qui rencontreraient les préoccupations du commun des mortels, des gens ordinaires.
C’est le projet politique qui porte la MCD et ses membres que de préparer la possibilité d’une contre-hégémonie culturelle en renforçant le corpus commun de la décroissance et en s’attelant à le rendre visible. Entre-temps, il nous est toujours possible d’aller voter Nouveau Front Populaire,
Amitiés électorales,
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