Les oubliés de la com’

Pourquoi Macron n’a-t-il jamais dialogué avec les gilets jaunes ? Parce qu’il ne le peut pas.

Et pourquoi ne le peut-il pas ? Parce que son bachotage communicationnel lui permet sans doute de passer et de repasser son grand oral de l’ENA – et il ne s’en est jamais privé – mais lui interdit de se retrouver en face à face avec ceux que le « bloc bourgeois » – dont il est l’Élu – ne peut au mieux qu’oublier, sinon ouvertement mépriser 1.

Cet « oubli », sinon ce « mépris » 2, repose sur 3 contresens :

  1. Les GJ seraient hétérogènes.
  2. Les GJ ne seraient pas le « peuple ».
  3. Les GJ ne comprendraient rien.

Diversité n’est pas hétérogénéité : les commentateurs du soir et les chroniqueurs du matin ne cessent d’évoquer cette hétérogénéité pour deux raisons. La première, c’est qu’ils assurent ainsi leur mission de « chien de garde » et qu’ils jouent les supplétifs du pouvoir, lequel repose toujours sur le « diviser pour mieux régner ». La seconde, c’est qu’ils ne peuvent tout simplement pas voir l’homogénéité des GJ : car les GJ étaient jusqu’ici les « invisibles » de la politique et de sa cour médiatique.

Peuple n’est pas masse : c’est le nombre qui fait la masse mais c’est une certaine qualité qui fait le peuple, celle d’être « populaire », d’avoir un mode de vie populaire, avec son bon sens, son sens commun, celui de la décence ordinaire (common decency). C’est parce que la minorité active des GJ est le peuple que s’explique le mystère d’une longévité dans le soutien à leur mouvement : les GJ sont populaires ; Macron est impopulaire. Autre conséquence : tout le monde n’est pas le peuple ; c’est tout le paradoxe d’une démocratisation de masse qui aura provoqué la lente extinction moderne du peuple. Au sens péjoratif, le populisme est alors cette ruse politique qui au nom de peuple ne cherche qu’à obtenir une masse de votants. Au meilleur sens, le populisme est cette lucidité politique qui dénonce la nudité politique des « élites ».

Les GJ ne comprendraient ni l’économie (ils voudraient tout et son contraire), ni la politique (ils seraient incapables de se constituer en corps représentatif). Mais en réalité, ce sont les politiques et les journalistes 3 qui ne comprennent pas les GJ. Ce ne sont donc pas les GJ qu’il faudrait éduquer, à coup « de pédagogie et de cap » 4, c’est le bloc bourgeois qui devrait retourner à l’école de la vie ordinaire.

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Notes et références
  1. Il n’y a qu’à consulter les commentaires du journal Le Monde[]
  2. http://decroissances.ouvaton.org/2008/07/17/reconnaissance-et-lutte-des-classes/[]
  3. Il faut faire au moins une exception, Florence Aubenas : https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/15/sur-les-ronds-points-les-gilets-jaunes-a-la-croisee-des-chemins_5397928_3224.html[]
  4. https://aoc.media/analyse/2019/01/24/cap-pedagogie-a-propos-neoliberalisme-de-democratie/[]
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