Samedi 19 novembre, en me rendant au festival du livre et de la presse d’écologie, j’ai fait une belle découverte grâce à La Butineuse, maison d’édition morbihanaise.
En feuilletant l’ »Inventaire d’émotions transitoires« , j’ai reçu une salvatrice onde de poésie dans ce monde de brut(e)s : produit intérieur brut, pétrole brut.
Merci à Tiphaine Gerondeau, son autrice, d’avoir osé quitter son école de commerce qui la destinait à un avenir aussi prestigieux que celui de Mme Lagarde du système, directrice du FMI.
En ces temps perturbés, l’arc-en-ciel des émotions colorisant notre météo intérieure est subtilement abordé par cette jeune poétesse. Nous présentons évidemment la joie. Cependant ces émotions donnent également un avant-goût de l’énergie à mobiliser pour s’engager dans la décroissance, condition de la transition vers des sociétés décentes et soutenables. Extraits : Ensemble, persévérance, aspiration face au cynisme !
JOIE
Courir dans le ciel
Et rire aux nuages
Danser dans le vent
Essouffler la joie
Envoler la lumière
Embrasser le bleu grand
Dévaler l’arc-en-ciel
Et crier la joie impossible
D’enrober les montagnes
D’épouser l’horizon
D’embrasser la mer
De scintiller la nuit
D’illuminer les jours
D’inonder les crépuscules
D’inventer les prairies
D’emporter les oiseaux
D’enchanter le temps
De chanter tout le temps
Les chants du firmament
Aux roses des vents du cœur
Qui nous envolent aux danses
De toute l’atmosphère
ENSEMBLE
Ensemble
Rend l’impuissance
Supportable
Et l’impossible
Abordable
PERSÉVÉRANCE
Apprendre
De l’araignée
Prendre son mal
En patience
Tisser sa toile
Délicate régulière
Transparente légère
Attendre
Attendre encore
Tenir
Ne serait-ce qu’à un fil
Ne pas défiler
Dans le temps qui défile
Patience effilochée
Dans l’espoir étiolé
Et filer dès qu’on se sent vibrer
Appelée
Happée
Nourrie
En vie
Apprendre
Apprendre encore
Tisser
Recommencer
CYNISME
Climat :
Ne mettez pas
Votre bébé
Dans le micro-ondes
ASPIRATION
Peut-être que les gens
Qui voient le verre à moitié vide
Ont simplement
Soif d’autre chose
Quelle résonance pour des militant.es chercheurs et chercheuses de la décroissance ? La poésie est encore cette part indisponible au monde de l’économie, interstice de sens et d’esthétique qui donne de l’espace au temps.
C’est une respiration profonde pour emprunter ensemble le chemin de la décroissance et aspirer à un monde post-croissance où l’économie ne vampirisera plus nos vies.
Invitation donc à siroter les vers de ce poétique recueil et sa soixantaine de poèmes de Tiphaine Gerondeau, « Inventaire d’émotions transitoires », Editions La Butineuse, 2022, 12,50 €
Thierry Brulavoine