Quelle est la différence entre extraction et extractivisme ?
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Les dégâts des lieux doivent-ils inciter au catastrophisme ?
A) Définitions, historique, dégâts des lieux
A1) Définitions
A11) Extraire des ressources
Pour caractériser l’extractivisme, distinguons-le d’abord de l’extraction. Pour répondre à des besoins vitaux, nous avons bien entendu besoin d’extraire des ressources de notre milieu naturel.
Qui dit « ressources » dit « besoins »
Nous alimenter, nous loger, nous chauffer, nous vêtir, nous reposer, nous soigner, nous déplacer, communiquer entre nous, …
Concrètement, quelles « ressources » utilise-t-on pour satisfaire quels « besoins » ?
Besoins | Ressources |
Transport, chauffage, bâtiment, production industrielle de biens et de services | Ressources énergétiques et matérielles |
Poignée de porte | bois, fer, … |
Portable | pétrole, terres rares, réseaux … |
Pain | blé, eau, sel, levain, argile (four), bois, techniques, … |
Hologramme | sans commentaire |
PB, p 201 “Le secteur du bâtiment, des travaux publics et des infrastructures est terriblement consommateur en matériaux et en énergie.”
On peut en dire autant des secteurs de l’agriculture, de l’éducation ou de l’énergie. On peut généraliser : la production industrielle de biens et de services est terriblement consommatrice en ressources.
Les ressources
Les ressources sont de toute nature : matériaux (sable, pierre), minerais (fer, uranium), charbon, pétrole, gaz, vent, bois, eau, terres arables, techniques, humaines, …
A111) Le renouvellement des ressources
Elles se renouvellent toutes, mais leur rythme de renouvellement est très variable, de plusieurs millions d’années pour le pétrole à quelques mois pour les saisons (ressources climatiques). Toute re-source se re-nouvelle à un rythme qui lui est propre, qui lui-même est dynamique et fonction de nombreuses variables.
Chaque ressource renouvelable a ses propres caractéristiques dynamiques et locales de renouvellement (cf. « Falaise de Sénèque »).
On parle de ressource non renouvelable quand nos sens ne nous permettent plus de percevoir la période de renouvellement : le pétrole se renouvelle à des rythmes que nous sommes incapables de percevoir, pour nous c’est comme si il était non renouvelable.
On peut considérer le renouvellement comme un débit Q alimentant une baignoire de ressource renouvelable. Si le rythme d’extraction (d’évacuation de la baignoire) Q’ lui est inférieur, la ressource reste suffisamment disponible (la baignoire déborde). Sinon, la ressource devient progressivement de moins en moins disponible, puis indisponible.
Non Renouvelables | Renouvelables |
Énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz)
Métaux Sols Eau fossile … |
Bois
Eau Animales Végétales Vent … |
Remarque : les ressources renouvelables incluent le vivant, mais l’eau et le vent sont renouvelables.
Eau non renouvelable
NS, p 49 « Les réserves naturelles d’eau fossile sont classées comme non renouvelables. Elles ont pourtant été utilisées en Arabie Saoudite pour produire du blé, au Kansas et ailleurs pour irriguer des champs au détriment des générations futures. »
En dehors de quelques exceptions, comme le sable, les ressources non renouvelables se rapportent globalement aux énergies fossiles et aux métaux.
PB, p 61 « notre société industrielle est désormais largement fondée sur l’exploitation de ressources non renouvelables. Pour faire simple, disons qu’il s’agit essentiellement des énergies fossiles et des métaux.”
Les ressources qui ne se renouvellent pas à des rythmes que l’on peut percevoir constituent des stocks (a contrario des ressources renouvelables assimilables à des flux). La consommation d’un stock par une population a une constante : sont toujours consommées dans un premier temps les ressources de meilleure qualité et les plus facilement accessibles.
PB, p 61 “Que ce soit pour les énergies fossiles ou pour la plupart des métaux, les ressources potentielles encore sous terre (ou sous mer) sont gigantesques : les désormais fameux pétroles de schiste, les nodules polymétalliques sous-marins, voire les hydrates de méthane et autres encroûtements cobaltifères. On peut théoriquement aller très loin dans l’exploitation et tenir, en fonction des hypothèses, des décennies voire des siècles (personne ne se pose la question au-delà, même si cela a d’étranges implications morales sur la consommation d’un stock fini, mais bon). Toutefois, il y a un problème de qualité, d’accessibilité de ces ressources, car nous avons, c’est compréhensible, commencé par taper dans le stock qui était le plus facilement exploitable, le plus riche, le plus concentré.”
Les ressources non renouvelables existent en quantité gigantesque. En revanche, la partie de ces ressources que l’on sait techniquement et économiquement exploitable est bien plus faible : on parle de réserves.
PB, p 61 “Par définition, on peut augmenter les réserves en trouvant de nouvelles ressources par exploration, en améliorant les techniques d’exploitation et de production, ou en faisant monter le prix.”
En faisant monter le prix on n’augmente pas les réserves mais on les utilise moins vite (on augmente la durée de disponibilité, pas la quantité disponible).
Connaître le renouvellement relatif d’une ressource est la première manière de la caractériser.
A112) Ressources énergétiques ou non
La seconde est de savoir si elle est utilisée comme ressource énergétique ou matérielle.
En effet,
PB, p 29 “La disponibilité en énergie est un paramètre primordial, puisqu’elle est la plupart du temps nécessaire à la transformation des autres ressources (fonte ou traitement thermique des métaux, transformation des matériaux comme l’argile par cuisson, activation des réactions chimiques par chaleur, etc.) et à leur transport. »
L’énergie met en mouvement la matière. On peut donc les distinguer, d’autant plus que l’énergie ne se recycle pas, contrairement à la matière. Le recyclage, artificiel, n’a rien à voir avec le renouvellement naturel qu’on vient de décrire.
PB, p 68 “Bien sur, il y a une autre différence entre l’énergie et les métaux : ceux-ci, une fois extraits, ne sont pas perdus comme les énergies fossiles parties en fumée.”
C’est une histoire d’entropie, de dégradation irréversible de l’énergie, selon laquelle on ne peut remettre le dentifrice dans son tube qu’au prix d’une énorme consommation énergétique.
C’est aussi dans leur accès qu’une différence fondamentale se glisse entre ressources matérielles et ressources énergétiques
Le Taux de Retour Énergétique (TRE ou EROI en anglais)
PB, p 63 “ Vous pouvez vous permettre d’exploiter un minerai contenant seulement 3 ou 5 g d’or par tonne, ce n’est qu’une question d’énergie à y mettre pour extraire, charrier, broyer, la tonne en question, donc de prix à payer à l’arrivée pour votre métal précieux. Il en va autrement pour l’énergie. Ici, il faut s’assurer de récupérer nettement plus d’énergie que ce qui a été investi, puisque votre but est justement de “produire” de l’énergie. C’est le rendement, ou “retour sur investissement” énergétique (en anglais EROI, Energy Return On Energy Invested). Et justement, celui-ci varie fortement en fonction de la ressource [et en fonction du temps, ndSD]. “C’est particulièrement vrai pour le pétrole. Ainsi, alors qu’il ne faut, depuis les années 1930, “investir” que 2 ou 3 barils de pétrole pour en produire 100 dans les géants on shore d’Arabie Saoudite (soit un rendement autour de 40), il faut en investir 10 à 15 pour produire ce même pétrole offshore. On atteint le ratio époustouflant de 1 baril pour en produire 3 dans le cas des sables asphaltiques de l’Athabasca (Canada). […] En clair, on brûle du gaz pour produire deux à trois fois plus de pétrole.”
Vis-à-vis du TRE des différentes infrastructures d’extraction, le prix du pétrole est un indicateur très peu fiable de la quantité de ressources.
Tableau récapitulatif sur les ressources, renouvelables ou « non », énergétiques ou non.
« Non » Renouvelables, usages non énergétiques
Sable, eau fossile, sols, minéraux, métaux, pétrole (plastiques) |
« Non » renouvelables, usages énergétiques
pétrole, gaz, charbon, uranium, sols |
Renouvelables, usages non énergétiques
Eau, bois, sols, air, biodiversité, sable |
Renouvelables, usages énergétiques
Éoliennes, hydrauliques, biomasse, W humain, sols |
Nous le transformons aussi en plastiques, mais le pétrole non renouvelable est globalement la principale ressource énergétique de la croissance. L’eau est souvent renouvelable, on peut la boire ou la stocker dans un barrage hydro-électrique. La biodiversité (ressources écosystémiques) et le travail humain (ressources humaines) peuvent être considérés comme des ressources renouvelables dans une société utilitariste. Les sols sont plus ou moins renouvelables, sont rarement utilisés en géothermie, et vont ainsi dans les quatre cases.
PB, p 61 “Les métaux sont disponibles en quantité limitée et géographiquement mal répartie, à l’exception notable du fer et de l’aluminium, dont les quantités dans la croûte terrestre sont très importantes, respectivement 5 % et 8 %, et dont l’exploitation est une problématique avant tout énergétique.”
A113) Répartition géographique des ressources et des besoins
Les ressources ne sont ni extraites là où elles sont consommées, ni consommées là où elles sont extraites.
D’une manière très générale, les consommations sont concentrées au Nord Global et dans ses grandes métropoles, alors que les ressources pour les satisfaire sont éparpillées au sein de territoires considérés comme périphériques. Le Nord global est sous perfusion du Sud global comme les villes sont sous perfusion des campagnes.
Comment se passe alors l’extraction ?
Le Sud global accepte-t-il volontiers de maintenir sous perfusion le Nord global ? Les Grands Projets Inutiles s’imposent-ils si facilement ?
AB, p 174 « Chaque projet minier, pétrolier, agro-industriel, hydroélectrique, forestier, routier ou autre, soulève des questions spécifiques, comporte ses propres risques, liés aux particularités des territoires qu’il menace. Les résistances qui voient le jour face à chacun de ces projets sont elles aussi très différentes les unes des autres, ne serait-ce que par leur composition sociale ou leurs formes d’organisation. »
Quand on commence à mettre en péril un territoire pour ses ressources, on passe de l’extraction à l’extractivisme.
Exemples « criants », NS p 29 à 35
A12) Extractivisme
A121) À chaque satisfaction de besoin, son extractivisme (les différentes formes d’extractivisme)
NS, p 24 « Nous examinerons d’abord les nombreuses formes d’extractivisme : extractions fossiles et minières, biodiversité, environnement, agriculture, climat, travail. Ensuite nous regarderons l’origine des dettes réclamées aux pays dominés : l’extractivisme financier. »
Il s’agit de faire converger toutes les ressources des périphéries vers les centres en déconnectant la croissance du PIB dans les centres des destructions socio-écologiques dans les périphéries. C’est un pillage, une mise à sac, pour l’enrichissement public et surtout privé du centre du Nord global.
Besoins en eau
NS, p 46 « De puissantes compagnies privées s’approprient les ressources d’eau potable pour les revendre en bouteille jusqu’à deux euros le litre, avec l’accord des gouvernements. Très souvent elles privent les populations d’eau pour l’agriculture et la maison. En Indonésie, c’est surtout Danone, au Pakistan et au Brésil, plutôt Nestlé, au Maroc, Castel, et en Inde, particulièrement Coca-Cola, qui s’approprient ce bien commun vital (liste non exhaustive). »
Besoins en énergie renouvelable
On peut même piller du vent : on construit en périphérie des unités de production destinées à alimenter les centres en énergie, en justifiant la destruction des territoires périphériques par la croissance de la richesse du centre.
NS, p 54 « L’énergie du vent telle qu’elle est développée aujourd’hui, financée par des capitaux privés, est une forme d’extractivisme, un pillage de ressources naturelles. »
Par « extractivisme », on entend plus souvent « extraction démesurée de ressources fossiles, de matériaux ou de minerais » associée à l’image collective de la mine de charbon. Mais l’extractivisme s’applique à toutes les ressources, c’est-à-dire à tout ce qui est utilisé (à travers un outil) comme moyen de réaliser une fin. Dans un monde utilitariste aux besoins sans cesse développés, tout finit par être vu d’abord comme une ressource : la biodiversité à travers ses services écosystémiques, le vent comme ressource énergétique, l’arbre comme planches, l’être humain comme ressource humaine, etc. On comprend que les ressources environnementales, agricoles, climatiques, financières sont aussi concernées par l’extractivisme.
Dès qu’il y a mise à sac d’un territoire pour le pillage d’une ressource, quelle qu’elle soit, il y a extractivisme. Ce pillage aujourd’hui généralisé a quelques caractéristiques récurrentes.
A122) Caractérisation de l’extractivisme
La malédiction des ressources
Il est surprenant de constater que dans un monde si assoiffé de ressources, les pays les plus riches en ressources sont aussi les plus pauvres économiquement. Cela n’est possible que par un échange inégal des richesses. Plus qu’une caractéristique importante de l’extractivisme, l’échange inégal soutient le pillage depuis son origine, historiquement par l’armée, aujourd’hui par la dette. Plus généralement, la domination coloniale est le seul moyen d’accès possible à des ressources volées.
Origines et destinations des ressources
Les ressources sont volées à des territoires périphériques colonisés (Sud global, campagnes du Nord, campagnes du Sud), pour être consommées dans des centres dominateurs (Nord global, centres urbains au Nord et au Sud). L’extractivisme économique illustre la manière dont l’argent concentré entre les mains de quelques-uns est pillé à des consommateurs par la colonisation des imaginaires.
Niveaux d’extraction et inégalités
PB, p 17 “À l’échelle mondiale, 20 % de la population continue à s’accaparer plus de 80 % des ressources, et l’on s’apprête à extraire de la croûte terrestre plus de métaux en une génération que pendant toute l’histoire de l’humanité »
L’extractivisme se caractérise par des rapports de domination dans un échange inégal des richesses.
Conséquences socio-environnementales
L’extractivisme se caractérise aussi par la destruction des sociétés et des écosystèmes pillés.
En pillant une ressource, on en détruit plein d’autres. La disparition de la ressource pillée peut ne pas être le principal problème des personnes spoliées. En pillant l’or de la montagne, on pollue l’air et l’eau des personnes qui habitent ici.
AB, p 30 : « Pour les minerais, le pétrole, le gaz ou les aliments industriels produits en masse pour être exportés, on piétine les économies locales préexistantes, les cultures, la nature, les modes de vie et d’organisation sociale. »
Débits
Le rythme démesuré du pillage rend impossible le renouvellement de la ressource.
La non-prise en compte de l’épuisement des ressources s’appuie une croyance en la substituabilité ou en l’infinitude des ressources, caractéristique de l’extractivisme.
Le sable est une ressource renouvelable a priori largement disponible, mais le rythme de renouvellement est en fait très faible vis-à-vis des quantités extraites chaque jour. Alors quand d’autres facteurs limitent encore ce renouvellement, la situation devient très critique.
PB, p 48 “Si le sable en tant que tel reste disponible à l’échelle de la planète (le silicium compose 27% de la croûte terrestre), les activités humaines viennent cependant gravement perturber les cycles naturels : aux 15 milliards de tonnes utilisées dans la construction chaque année, draguées dans les rivières et les fonds marins, viennent s’ajouter les barrages sur les fleuves et les rivières, qui bloquent en amont les sédiments. On a donc coupé la source de renouvellement et en conséquence de nombreuses plages du monde s’érodent au point de pouvoir, semble-t-il, disparaitre d’ici à la fin du siècle.”
Tentative de résumé : L’extractivisme exprime la mise à sac d’un territoire pour le pillage d’une ressource, quand des rapports de domination permettent cet échange inégal des richesses et la destruction des territoires pillés, au profit de bénéficiaires qui évoquent à peine la possibilité d’épuisement de la ressource.
Étude de cas : l’extractivisme agricole
On doit comprendre l’extractivisme comme un comportement (parmi d’autres possibles) visant à satisfaire un besoin qui peut être essentiel (ici, nous nourrir) ou futile (tablettes, applis, etc.).
L’agro-industrie est extractiviste directement en épuisant les sols, la biodiversité, en détruisant les paysanneries locales, et indirectement par sa consommation d’eau, d’engrais chimiques (imposant d’autres extractivismes ailleurs). Elle est extractiviste parce que les produits ne sont pas consommés là où ils sont produits mais sont transportés des périphéries vers les centres. Cette domination de la nature est extractiviste :
- en ne tenant pas compte de l’épuisement des ressources qui la soutiennent :
NS, p 128 « D’un système respectant les sols et les ressources en eau, on est passé à un système industriel extractiviste ne prenant en compte ni la défertilisation des sols, ni les pollutions des eaux et de l’air, ni le réchauffement climatique lié à la perte de la MOS. Cette agriculture oublie également la finitude des ressources fossiles que sont le pétrole et le gaz qui servent à fabriquer des engrais azotés et des pesticides, à travailler les sols et transporter intrants et productions. Elle oublie qu’elle dépend aussi de l’extraction des phosphates et de la potasse dont les quantités sont limitées et dont les prix augmentent rapidement. Or sans ces intrants dont les NPK (azote, phosphore, potassium) pas d’agriculture industrialisée. »
AB, p 158 « Tous les systèmes de production n’ont pas le même impact sur l’environnement et ne font pas le même usage de la nature et de ses richesses. […] L’agriculture industrielle, hautement technicisée et « moderne » est sans l’ombre d’un doute « extractiviste » : à la fois directement, car elle épuise et détruit les sols, et indirectement, du fait des quantités faramineuses d’hydrocarbures, d’eau et de minerais qu’elle utilise. »
- en considérant le travail comme une ressource humaine tout autant inépuisable :
NS, p 130 « Quand les champs et les fermes sont utilisés par les multinationales de l’agroalimentaire comme le sont les puits de pétrole ou les mines par d’autres, on peut dire que les terres arables sont devenues des mines à ciel ouvert dont les agriculteurs sont les extractivistes : exploitants souvent exploités. On peut même dire que beaucoup sont victimes de ce système, surtout quand on pense aux nombreux suicides et aux maladies causées par les pesticides dans cette profession. »
- en détruisant les paysanneries locales :
AB, p 152 « L’agriculture industrielle est un mode de production « extractiviste » des aliments, imposé pendant des années comme solution au «problème de la faim » au détriment des cultures vivrières et des paysans dont elle continue d’accaparer et d’artificialiser les terres.* »
- en détruisant des territoires considérés comme périphériques (mais stratégiques) :
NS, p 41 « Pourquoi l’Inde ou la Chine accaparent-elles des terres ? Leur croissance démographique suffit-elle à expliquer ce phénomène ou bien n’est-ce pas plutôt une question de désertification et de pertes de rendements résultant d’une agriculture productiviste et chimique ? »
- de manière systémique, globale :
NS, p 48-49 « L’agriculture industrielle est le plus grand extracteur d’eau douce dans les PED. Les monocultures de végétaux destinés à l’alimentation du bétail, soja et maïs OGM, des fleurs ou des végétaux transformés en agrocarburants sont une exportation de quantités colossales d’eau virtuelle. Rouler en France avec des agrocarburants produits en Afrique, comme manger de la viande de bœuf produite au Brésil sur les terres de la forêt amazonienne, revient à en consommer virtuellement l’eau. »
- la production industrielle d’agro-carburants est assez représentative de l’extractivisme :
NS, p 140 « En transformant des végétaux cultivés en énergie liquide, on transforme virtuellement les terres arables en champs de derricks. »
NS, p 40 « L’exportation d’aliments , de fleurs, de céréales, ou pire encore, d’agrocarburants produits par des capitaux étrangers sur les terres fertiles d’un PED, en pompant l’eau et les nappes phréatiques en grandes quantités et en ruinant la fertilité, là où la population a des difficultés pour se nourrir voire accéder à l’eau, est une des pires formes de l’extractivisme. »
- Il en découle que l’agriculture industrielle est extractiviste aussi parce qu’elle nie les capacités des agro-écologies (extractivisme = domination et individualisme = prétention à l’hégémonie)
AB, p 153-154 « Les estimations faites par l’équipe de Niels Halberg montrent aussi que si l’Europe et l’Amérique du Nord se convertissaient massivement aux méthodes de « l’agriculture biologique », cela n’affecterait pas substantiellement les prix mondiaux des aliments et n’affamerait donc pas les pays importateurs, contrairement à ce qu’affirment, là encore, les agro-industriels. »
Pour saisir son omniprésence dans nos vies, ou plutôt pour saisir le fait que nos vies sont ultra-dépendantes d’activités extractives, il faut multiplier ces études de cas pour chacun des besoins : d’où viennent les ressources qui ont permis de construire ce logement, cette école, cet hôpital, cette route, de fabriquer ces vêtements, cette gazinière, cette voiture ? Dans quelles conditions ont-elles été extraites ? Quelles peuvent être les conséquences écologiques et sociales de ces extractions, desquelles je profite ?
Nous avons pu définir, caractériser puis illustrer l’extractivisme concrètement. Nous allons tenter de décrire les visions du monde sous-jacentes qui l’accompagnent.
A123) Le paradigme extractiviste
- Dominateur (prédateur, hégémonique)
- Utilitariste (sacrificiel)
- Individualiste (centre-périphérie)
- Cornucopien (infinitude des ressources)
- Technicien (prométhéen)
LE monde de l’extractivisme n’est pas un des mondes des paysanneries, des décroissantEs ou des communautés autochtones.
AB, p 43 « La Constitution équatorienne reconnaissait les « droits de la nature », la Bolivie adoptait en 2010 une loi garantissant les « droits de la Terre-Mère ». L’Assemblée constituante équatorienne avait même déclaré un moratoire sur l’industrie minière à grande échelle. Les réformes politiques devaient être guidées par le principe du « vivre bien » […] inspiré des cosmovisions, pratiques et formes d’organisation des peuples et communautés autochtones inconciliables avec un extractivisme débridé. »
AB, p 245 « Ainsi, dans certaines luttes, le Nimby des premiers temps cède la place au Nina : Ni ici ni ailleurs. Le « non à un projet extractiviste particulier se mue en un « Non à l’extractivisme » en général, que certains complètent déjà par un « Non à son monde ». Bien sûr, un tel chemin prend parfois du temps et il n’est pas suivi par tous. »
AB, p 262 « Au cours des luttes et des processus d’organisation et d’action que ces luttes suscitent, l’impératif de préserver le vivant fait irruption dans les modes de penser et d’agir ; d’autres rapports au savoir, aux autres, à la nature et à l’existence se dessinent et prennent corps. »
Dominateur, prédateur, hégémonique
Dans le monde extractiviste, ce qui entoure l’individu est à sa disposition, même s’il doit employer la force pour y parvenir. L’extractivisme est prédateur :
NS, p 22 « Cette appropriation-dépossession n’est-elle pas une rupture avec le donner-recevoir-rendre, coutume fondatrice des sociétés humaines, mise en exergue par Marcel Mauss ? Le pilleur ne la respecte pas. Il ne reçoit pas, il prend par la force et/ou la corruption. En ne donnant pas et en ne rendant jamais, il provoque inégalités et pauvreté, tout en détruisant les lois ancestrales fondées sur l’échange et le partage. »
L’extractivisme est aussi prédateur des autres visions du monde ou hégémonique :
AB, p 159 « Le discours selon lequel il n’y aurait pas d’alternative à l’extractivisme camoufle surtout l’extraordinaire aptitude du système industriel et marchand à détruire tout ce qui peut en constituer une : les sources de subsistances et les activités humaines hors marché, l’autosuffisance et la gratuité des échanges, les technologies économes, les sociétés qui ne s’articulent pas autour de l’accroissement perpétuel de la production et de la consommation des marchandises à l’obsolescence de plus en plus rapide, les cultures autres que celle façonnée par les obsessions de performance et de compétition, les désirs qui ne peuvent pas être transformés en besoin, et plus généralement les rapports non utilitaires au monde. En écrasant méthodiquement tout ce qui lui est inutile, ce système impose partout, de force s’il le faut, les valeurs, les dogmes et les normes du paradigme qu’on a pris l’habitude, dans les pays du Sud en particulier, de qualifier d’ »occidental ». L’extractivisme a été et reste l’un de ses fronts pionniers : en étendant jour après jour ses frontières sur les derniers espaces préservés, il détruit non seulement les territoires, leurs richesses et la vie de leurs habitants, mais aussi les autre formes d’inscription dans le monde. Il détruit l’alternative. »
AB, p 145 « L’intense activité messianique inscrite dans la doctrine du « développement » a pour sa part permis d’enseigner ces « besoins » aux habitants des pays pauvres, qui ignoraient encore leur caractère impérieux, tandis que la modernisation détruisait les solidarités traditionnelles. »
Cette absence d’alternatives est justifiée par le caractère indispensable des ressources pillées :
AB, p 259 « Le discours « extractiviste », pour sa part, ne cherche pas à nous faire croire que nous pourrions « faire plus avec moins ». Il légitime ouvertement l’avancée de l’exploitation industrielle de la nature, en dépit de ses multiples impacts destructeurs. On y retrouve les indémodables arguments du progrès et de l’absence d’alternative. Ce discours génère une large adhésion : c’est en grande partie parce que les ressources exploitées sont perçues comme absolument indispensables que tant de gens préfèrent regarder ailleurs, contribuant plus ou moins directement à aggraver leur exploitation effrénée. »
Utilitariste : la fin justifie les moyens
AB, p135 « Parmi les différentes doctrines du paradigme dominant, c’est certainement l’utilitarisme qui fournit les fondements philosophiques les plus à même de justifier l’exploitation en général et celle de la nature en particulier. La trame des plaidoyers extractivistes s’articule effectivement autour de l’argument d’utilité. L’utilité de l’extraction en tant qu’activité économique est généralement mise en avant pour faire accepter les projets destructeurs aux populations locales : sans ces projets, pas de croissance, pas de « développement », pas d’emplois, pas d’avenir. Mais c’est surtout au nom de l’utilité des « ressources » elles-mêmes que les ravages de l’extractivisme sont acceptés à l’extérieur (par ceux qui n’en paient pas le prix), et le fait d’y prendre part déculpabilisé. L’homme ne vivrait-il pas encore dans des cavernes s’il n’avait pas su mettre à son service les différentes ressources trouvées dans la nature ? »
AB, p 241 « L’utilitarisme nous pousse à croire que tout ce qui existe (l’être humain y compris) peut être exploité comme « ressource », que la fin (profit, confort, sécurité, développement, progrès … ou lutte contre le changement climatique) justifie les moyens employés, que l’importance des bénéfices escomptés (au mieux mis en balance avec les coûts) suffit à décider si une activité doit être souhaitée ou acceptée. Le trait commun des projets dénoncés comme extractivistes est de produire des ravages écologiques et humains [déchets] inacceptables, quels que soient, justement, ces bénéfices. »
Individualiste : centre / périphérie
Je fais ici un rapprochement entre le mouvement suivi par les ressources des périphéries vers les centres, et la pensée individualiste, dans laquelle l’individu est au centre d’entités périphériques.
AB, p40 : « […] et plus généralement [le] modèle « primo-exportateur » ou « extractivo-exportateur » renvoie au paradigme centre-périphérie. Ce dernier a été développé dans les années 1950-1970, par les « structuralistes » de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) […] s’oppose radicalement au paradigme évolutionniste de la modernisation qui postule que toutes les nations passent nécessairement par les mêmes stades, que les pays « sous-développés » doivent donc rattraper leur « retard », et que le rôle des pays « développés » est d’accélérer leur ascension sur l’escalier des « étapes de la croissance économique ».
La face droite semble plus individualiste encore que la face gauche de l’extractivisme.
Cornucopien (corne d’abondance) : L’infinitude des ressources n’est pas à démontrer
NS, p 43 « Les grandes cartes politiques de l’Afrique, affichées dans les écoles de France durant la période coloniale, ressemblaient à une corne d’abondance. Sur les flèches, jaillissant des pays africains et incurvées vers l’Europe, on pouvait lire : caoutchouc, coton, arachide, poissons, café, vanille, huile de palme, bananes, or, cuivre, etc. »
AB, p 24 «Le mythe de découverte soudaine [par Christophe Colomb ou d’autres] « d’un bien naturel qui produit l’excédent comme par « magie »», nourrit jusqu’à nos jours, estime la sociologue argentine Maristella Svampa, un imaginaire « centré sur l’abondance, l’innocence et la possibilité d’accumulation infinie. »
Technicien (prométhéen)
PB, p 165 “Les découvertes de la science et les progrès techniques ont été tellement fulgurants que nous en avons perdu nos repères. Notre science “prométhéenne” nous promet aujourd’hui rien de moins que la toute-puissance : repousser les limites de la vie avec la médecine des biotechnologies “rouges”, voire l’éternité avec le mouvement “transhumaniste” et le téléchargement de nos cerveaux dans des disques durs, ou le clonage perpétuel ; transformer l’inerte en vivant, en produisant de la nourriture synthétique à partir des comètes ; créer la vie à partir de rien, avec la biologie de synthèse ; accéder au savoir universel (mais peut-être pas à la sagesse …) avec les bases de données, les logiciels de traduction, l’interconnexion de tous les êtres humains ; choisir sa descendance avec le génie génétique, etc. De telles promesses de la science ne sont pas nouvelles. […] Ce qui est éventuellement nouveau, c’est le fait que désormais la science nous promet également de réparer les dégâts environnementaux qu’elle a générés.”
PB, p 28-29 “Trois stratégies sont envisageables et combinables pour faire face à la pénurie. Déménager, temporairement (le nomadisme) ou définitivement (les migrations), une méthode plutôt efficace pour éviter les pénuries locales. Échanger les surplus locaux contre d’autres marchandises, en commerçant, ce qui permet de rééquilibrer les inégalités en ressources des différents territoires. Enfin, inventer, trouver un moyen de produire la ressource manquante à partir d’une autre source, ou apprendre à s’en passer, en général en trouvant une substance de remplacement. Toutes trois sont encore employées de nos jours. […] Mais en attendant des solutions extra-terrestres, comme la planète a été à peu près entièrement colonisée et explorée, ce qui limite désormais, de facto, les stratégies migratoire et commerciale, nous misons logiquement notre avenir sur l’innovation technologique.”
PB, p 138 “Sous prétexte de rechercher une toujours plus grande efficacité ou efficience technique, on développe des technologies plus compliquées, souvent avides de ressources plus rares et non renouvelables, métalliques en particulier.”
Cette manière de voir le monde est forcément cohérente avec un certain rapport au temps, à l’espace, à l’autre.
L’accélération produite par le modèle extractiviste modifie la perception du temps long :
AB, p 243 « Car, après tout, à l’échelle des existences individuelles, le réchauffement climatique, l‘extinction des espèces, la montée des océans, la fonte des glaces et tous les autres désastres qu’on regroupe sous la rassurante appellation de « crise écologique » paraissent souvent très éloignés de l’expérience quotidienne quand celle-ci ne s’en trouve pas directement bouleversée. »
Les zones de sacrifice, un rapport utilitariste à l’espace :
AB, p 242 « Partout où cela est économiquement et techniquement possible, se multiplient les « zones de sacrifice » dédiées à l’extraction de matières premières ou de vecteurs d’énergie. En parallèle grandissent et s’étendent aussi, emprisonnées par le béton, les zones de transit de ces matières premières et des produits auxquels ces matières donnent corps, les zones industrielles où ces produits sont fabriqués, les zones commerciales où ils sont vendus, les zones résidentielles, réservoirs de force de travail et de consommation, les zones de divertissement (leurs exutoires sanitaires), les zones-poubelles où s’amoncellent les déchets à la vitesse de la croissance de ce qui est consommé et, pour finir, les « zones interdites », de Tchernobyl à Fukushima, des plages submergées par le pétrole aux anciennes mines gommées des cartes officielles, là où la nature mutilée se régénère, loin du monde de l’homme moderne. Les territoires habités – espaces pour être – qui subsistent encore entre ces zones, se réduisent comme une peau de chagrin : l’enrôlement utilitaire de l’espace est déjà en train de rendre la Terre inhabitable. »
Le schéma centre-périphérie est fractal :
AB p 89 « Et si certains pays du Sud sont effectivement réduits au rôle de réservoirs de ressources pour les besoins des autres, le principe qui régit le devenir des zones de sacrifice reste le même partout : on y exploite ce qui représente un intérêt économique, puis on s’en va, laissant derrière soi des territoires dévastés. D’une certaine façon, le schéma d’analyse centre-périphérie peut être répliqué à l’infini : au Sud comme au Nord, les campagnes doivent se sacrifier pour les métropoles. Bien entendu, il y a entre le sort des sacrifiés du Sud et ceux du Nord de nombreuses et importantes différences. »
« Déterritorialisation » : le rapport au territoire a rapport au temps
AB, p 214 « L’avancée de l’extractivisme impose la « déterritorialisation ». Au sens propre du terme, à travers diverses formes de déplacements forcés et de contrôle territorial, mais aussi au niveau symbolique, en réduisant le territoire à un réservoir de ressources, interchangeable avec un autre, sans visage, sans identité, sans culture et sans habitants, ne valant que par la fonction qu’on lui assigne dans un processus de production. […] Rester sur le territoire, c’est prendre le pouvoir de décider de son avenir. C’est aussi défendre son présent. »
Un rapport à l’autre dominateur, utilitariste, individualiste, …
AB, p 168 « […] tous ces projets sont portés par une seule et même logique : mettre les territoires à profit, sans aucun égard pour ce qu’ils sont ni pour ceux qui les habitent. »
AB, p 52 « C’est « pour le bien de tous » qu’on détruit les territoires riches en « ressources » ; c’est sur l’autel du « développement national » que ceux qui les habitent sont sommés de sacrifier leurs vies. Et c’est surtout dans les grands centres de consommation, principaux bénéficiaires du « développement », que ces sacrifices sont perçus comme justifiés et « acceptables ».
Cette manière de voir le monde n’a pas toujours dominé, elle s’est installée sur plusieurs siècles.
AB, p 262 « D’une génération à l’autre, ils s’agglomèrent et se solidifient dans les imaginaires comme autant de couches de sédiments, formant un socle de lieux communs, un « régime de vérité » sur lequel vient se greffer la propagande capitaliste-productiviste-extractiviste. »
Avant de dire « Non au monde de l’aéroport », découvrons-le encore.
A2) Perspectives historiques
AB, p 259 « Né dans sa forme moderne et massive avec la colonisation et le pillage des Amériques, l’extractivisme a pris son envol avec la révolution industrielle. Il s’est scindé dans la Guerre froide – alimentant aussi bien la puissance des économies de marché que celle des « communismes bureaucratiques » -, pour accompagner ensuite de plus belle la globalisation du capitalisme triomphant. Cette progression a fait croître de façon impressionnante les volumes et la diversité des « ressources » extraites tout en accélérant la dégradation de l’environnement. »
D’autres mondes sont possibles puisque d’autres mondes ont été. L’homme n’a pas toujours autant extrait, il ne le fait que depuis 500 ans. Comme l’Occident n’a jamais rien eu sur son sol, nous sommes toujours allés chercher des ressources chez les autres, en pratiquant des échanges (inégaux). »
- Renaissance : évolutions idéologiques : utilitarisme (Descartes), individualisme, place des sciences par rapport à la religion
- Les Lumières sont un premier aboutissement de ce mouvement, et elles le renforcent – Révolution industrielle
- Trente glorieuses, Grande accélération (exponentielle : échec programmé du système de croissance à long terme), passage colonisation/néocolonisation-dette
- Crise 2008 = pic conventionnel 2006, crise entre la finance immatérielle et les ressources bien réelles
- Trump, Macron, Dutertre, Poutine, Grèce, Syrie …
A21) Traite transatlantique
NS, p 60 « L’extractivisme transatlantique débute en 1492 avec le débarquement de Christophe Colomb sur l’île d’Hispaniola dans les Caraïbes. La chute de Constantinople en 1453, en fermant la route de la soie, contraint les Européens à chercher par la mer de nouvelles voies vers l’Asie et les amène à la découverte du « Nouveau Monde ». Les conquistadors espagnols et portugais s’emparent alors de toutes les richesses à leur portée. Recherchant avant tout l’or, ils ont pratiqué un extractivisme ultra-violent. Par cupidité et sous prétexte d’évangélisation, des peuples entiers ont été massacrés et des civilisations détruites. […] Les amérindiens n’ont pas accepté d’être forcés à travailler au profit des colons pour extraire l’or ou l’argent, ni à cultiver la canne à sucre et les autres produits destinés à l’exportation vers l’Europe, alors qu’ils vivaient depuis des millénaires sur ces îles. Pour les remplacer, les colons blancs ont acheté des esclaves venus d’Afrique et les ont soumis aux travaux forcés d’exploitation des ressources agricoles et minières. » [parce que eux acceptaient ? SD ] La traite transatlantique directe et le commerce triangulaire avec l’Europe se sont étendus sur trois siècles. Financés par la grande bourgeoisie européenne, les bateaux partaient des ports européens vers les côtes africaines chargés de verroteries, armes, alcools et textiles fins qu’ils échangeaient avec les rois africains contre des esclaves noirs. Après avoir vendu leur cargaison de « bois d’ébène » en Amérique latine, ils repartaient avec épices, tabac, coton, sucre et surtout métaux précieux (or, argent). Ce commerce lié à la traite cessera à partir de 1815 avec les premières indépendances sud-américaines. La Révolution Française abolit l’esclavage une première fois en 1794, mais il faudra attendre 1848 pour voir son abolition presque définitive sous l’impulsion de Victor Schoelcher. »
« Le commerce triangulaire : un triple extractivisme »
NS, p 61 « La déportation de dizaines de millions d’Africains arrachés à leur famille et à leur pays, vendus et transportés en Amérique par les Européens dans des conditions inhumaines constitue la première extraction. L’exploitation du travail forcé des esclaves constitue la deuxième, et la troisième réside dans l’exportation vers l’Europe de ces produits, sans payer la moindre compensation aux pays et aux peuples colonisés ni en assumer les dégâts environnementaux. L’extractivisme, cette appropriation privée des « biens communs » de l’humanité, a dépossédé des populations autochtones tout d’abord au profit des colons, des armateurs et des financiers mais aussi au final à celui des populations européennes. »
AB, p31 : « Aux yeux de nombreux auteurs, il [le Nouveau Monde] aurait aussi fourni une contribution indiscutable et dans une certaine mesure décisive à l’essor économique de l’Europe et/ou du décollage du capitalisme en général. Adam Smith considérait que la découverte de l’Amérique et celle de la route aux Indes orientales par le Cap de Bonne-Espérance ont eu pour effet « d’élever le système commercial à un degré de splendeur et de gloire qu’il n’aurait pas atteint autrement ». »
AB, p 77 « Ce n’est pas uniquement en pillant les richesses par-delà les océans que le capitalisme a pu émerger en Europe. Son épopée a commencé par la privatisation des communaux du Premier Monde, par l’accaparement des terres et par l’expropriation des paysans via la généralisation du système des enclosures (le droit reconnu aux lords britanniques de s’approprier et de clôturer les champs), dont Thomas More dénonçait déjà les conséquences sociales en 1516. » p 78 après série d’exemples « […] etc. : la vieille Europe a aussi largement mis ses ressources et ses territoires à contribution de son « développement ». »
Premières richesses de l’Occident → quelle responsabilités historiques ?
NS, p 54 « La traite transatlantique, cette effroyable déportation imposée aux Africains que l’on a arrachés à leur famille, leur culture et leur pays, a été centrale dans la conquête du monde par les Européens. Sans esclave, pas d’or, ni tabac, ni bois précieux, ni sucre de canne (la betterave à sucre n’existait pas), ni coton n’auraient pu être produits puis débarqués dans les ports du Nord. Sans le pillage des métaux précieux extraits par ces forçats, pas d’Europe des « Lumières », pas de financement pour la révolution industrielle ni de capitalisme triomphant. Les populations afro-américaines, africaines, indiennes et tous ceux qui ont été asservis par la puissance des armées européennes sont les créanciers d’une dette historique, sociale et écologique qu’il est indispensable de réparer. »
A22) Lumières et révolution industrielle
D’une économie organique à une économie minérale et organiqu
AB, p 258 : « Entre « effet rebond » et exploitation de ressources nouvelles qui s’additionnent à celles qu’on extrayait déjà auparavant, le seul changement structurel observable au niveau mondial au cours du siècle dernier est le passage d’une « économie organique », essentiellement basée sur la consommation de la biomasse, à une « économie minérale », de plus en plus dépendante des minerais et des hydrocarbures. »
Techniques d’extraction
PB, p 30 « La double invention de la pompe à vapeur (par Thomas Savery) et de la machine à vapeur (par Thomas Newcomen) au tournant du XVIII ème, puis leur perfectionnement par Papin, Watt, et les autres, va permettre l’exhaure des mines souterraines et d’accéder à des ressources bien plus grandes, sous le niveau des nappes phréatiques.”
A23) De la colonisation à la néocolonisation par la dette
Passage, remplacement
AB, p59 « Les empires coloniaux, démantelés sur le papier, ont laissé place à d’autres infrastructures d’accaparement des ressources du continent, parmi lesquelles la « Françafrique, système occulte – articulant interventionnisme, réseaux d’influence, corruption, accords économiques et militaires – que la cellule africaine de l’Élysée s’est attelée à instaurer au moment de la décolonisation afin d’aménager les indépendances en faveur de la France. »
NS, p 23 « La dette illégitime a été imposée aux nouveaux décideurs, après les indépendances des pays colonisés par les Européens, pour remplacer la contrainte exercée par les armées d’occupation. Dissimulée au regard des peuples, elle est pourtant d’une violence extrême. »
De l’esclavagisme à la dette
NS, Exemple d’Hispaniola (Haïti) complet de 61 à 65, ici p 63 : « Après trois siècles, une série de révoltes et de guerres se produisit. Le corps expéditionnaire de Napoléon fut battu en 1803 par 400 000 esclaves auto-affranchis. La première république noire de tous les temps est proclamée en 1804 à Haïti. En 1825, le roi Charles X, au nom du remboursement des terres et des esclaves perdus par les maîtres blancs, proposa aux 400 000 Haïtiens le choix entre payer une rançon équivalente au budget annuel de la France forte de 30 millions d’habitants, ou perdre leur liberté face à un nouveau corps expéditionnaire surpuissant. Ils payèrent, en y consacrant jusqu’à 80 % de leurs revenus pendant plus d’un siècle, et payent encore. Ils dévastèrent les forêts et toutes les richesses naturelles de cette île qui était considérée comme la perle des Antilles, sans aucune possibilité d’engager un véritable projet économique. »
« Après les indépendances, mise en place du « système dette » »
NS, p 67 « Les décideurs politiques se montrant trop affranchis des volontés de leurs anciens maîtres seront assassinés ou destitués par les services secrets du Nord (Etats-Unis, Europe et particulièrement France avec le réseau Foccart). La mort criminelle de Patrice Lumumba, premier ministre du Congo ex-Belge, organisé en 1961 par la CIA et la Belgique, en est un exemple emblématique. Il est loin d’être le seul. »
Mise en place de la dette
NS, p 70 « Le coup d’éclat de la BM au moment des indépendances, dans les années 1960, sera d’imposer à de jeunes « démocraties » la charge du remboursement des emprunts contractés auprès d’elle par les pays colonisateurs : c’est son premier grand crime contre les peuples. Ainsi elle a imposé au jeune Congo le remboursement des emprunts contractés auprès d’elle par la Belgique afin d’en extraire plus facilement les richesses. L’aide au financement d’un port en eau profonde, d’une route ou d’une voie ferrée destinée à transporter des minerais ou d’autres matières premières exportées sans transformation locale, doit-elle être assumée par le pays qui n’en a aucunement profité ? »
A24) Néolibéralisme
Reagan/Tatcher
Mise en place et description/déf du néolibéralisme Reagan, Tatcher
NS, p 77-78 : le libre-échange imposé au monde + trickle-down effect
A25) Regards sur l’Histoire
Évolution historique de l’extraction en elle-même
AB, p 112, 113 « En revanche, il y a bien eu au cours du siècle dernier, un changement fondamental dans la structure et la composition de l’usage global des matières : le passage d’une « économie organique » à une « économie minérale » fonctionnant majoritairement à base de « ressources » non renouvelables. En un siècle, la part de ces dernières dans l’extraction globale est passée de 25 % à plus de 70 %. Entre 1900 et 2005, l’extraction des matériaux de construction a été multipliée par 34 (8,5 par habitant) , celle des minerais métalliques et industriels par 27 (6,7 par habitant), celle des combustibles fossiles par 12 (3 par habitant) et celle de la biomasse, par 3,6 « seulement » (0,9 par habitant, soit une croissance légèrement inférieure à celle de la population mondiale).* Pour résumer, en termes « nets » et « absolus », l’économie mondiale consomme non seulement de plus en plus de « ressources naturelles » et notamment minérales, mais elle exige aussi une quantité toujours plus grande de « ressources » différentes. »
Évolution des écarts N/S
NS, p 110 « Les PED subissant l’extractivisme sont des prêteurs forcés depuis plusieurs siècles. Ils n’ont jamais été dédommagés de leurs créances constituées par les dettes écologiques. Contraints de rembourser la dette financière illégitime, ils sont doublement perdants. L’oligarchie dirigeante refuse de payer le véritable prix des richesses extraites en intégrant celui des externalités négatives comme celui de leur finitude. Raison pour laquelle le niveau de vie matériel dans les PED n’a que très peu progressé depuis cinquante ans, à l’inverse de celui des pays extracteurs. Ainsi le rapport du niveau de vie moyen est environ de 1 à 100 entre la moyenne des habitants des pays subsahariens et ceux de la Triade, au XXIème siècle. Ils étaient pourtant très proches avant la colonisation. »
Nos ancêtres étaient aussi réflexifs que nous (mais faisaient face à un paradigme dominateur, comme nous)
AB, passage de 235 à 237
« Il ne faut pas non plus surestimer le rôle mobilisateur des prévisions catastrophiques quant à notre avenir. Depuis Auschwitz, Hiroshima et Nagasaki, on sait que l’excellence technoscientifique peut se muer en une puissance mortifère monstrueuse. Les accidents de Seveso, de Three Mile Island, de Bhopal et de Tchernobyl ont vite confirmé à ceux qui doutaient encore que la maîtrise du pouvoir de destruction des monstres techniques était illusoire. Dès 1967 et la première grande marée noire, celle du Torrey Canyon, le sang noir de l’économie prédatrice avait coulé sur les plages européennes et marqué les esprits. Certains ont cru que tous ces traumatismes allaient suffire à faire comprendre à « l’homme moderne » que les plus grandes menaces ne venaient pas de l’extérieur (des forces de la nature ou des autres), mais de sa société – moderne – elle-même. Antony Giddens et Ulrich Beck ont estimé que cette « nouvelle » prise de conscience signait un changement d’ère, le passage de la « société industrielle » (ou de la « première modernité » », régie par l’adhésion au mythe du progrès) à la « société [industrielle] du risque » (1986), une « seconde modernité » (ou modernisation), devenue « réflexive », c’est-à-dire questionnant désormais son action et son devenir et se pensant elle-même comme « risque »*. L’histoire nous apprend cependant que cette réflexivité n’était en rien nouvelle, tout comme la foi dans le progrès n’a jamais été ni totale ni aveugle. En 1855, un avocat nommé Eugène Huzar annonçait déjà « la fin du monde par la science »*, mettant en garde contre l’incapacité d’une science expérimentale à « anticiper les conséquences lointaines de ses productions ». Huzar imaginait aussi toutes sortes de cataclysmes plus ou moins extravagants, parmi lesquels une catastrophe climatique causée par le dioxyde de carbone produit par l’industrie. Selon l’historien Jean-Baptiste Fressoz, à qui l’on doit la redécouverte de l’œuvre d’Eugène Huzar un siècle et demi plus tard, ce dernier n’était pas un prophète prêchant dans le désert. Il formulait les craintes de son temps. Les risques technologiques de la révolution industrielle engendraient de nombreuses inquiétudes et suscitaient des contestations. Mais la technocratie en cours de consolidation a su « produire […], sur chaque point stratégique et conflictuel de la modernité, de l’ignorance et/ou de la connaissance désinhibitrice », « neutraliser le sens critique des accidents », « normaliser » les états d’exception technique*. Les voix qui s’élevaient déjà pour critiquer l’orgueil et l’imprudence du projet moderniste de domination de la nature par des moyens techniques* n’ont pas suffi à empêcher son déploiement. Et les multiples mises en garde, qui n’ont jamais cessé, n’ont pas freiné le développement de technologies prométhéennes, ni même, en toute honnêteté, permis d’en limiter les risques. Au XXème siècle aussi, les avertissements ont pourtant été nombreux. Déjà, en 1956, Marion King Hubbert, auteur de la célèbre phrase « notre ignorance n’est pas aussi vaste que notre incapacité à utiliser ce que nous savons », annonçait la raréfaction des ressources fossiles. En plein essor de la « révolution verte », Rachel Carson pointait du doigt, dans son fameux livre de 1962, Printemps silencieux, les dangers des pesticides issus de la chimie de synthèse. En 1972, le rapport Meadows annonçait un « effondrement »de la population et de ses conditions de vie d’ici 2100 si la croissance de la production industrielle, les pollutions, la consommation des « ressources naturelles » et la croissance démographique ne ralentissaient pas. Enfin, dès les années 1960-1970, Nicolas Georgescu-Roegen a démontré que l’accroissement infini des activités de production était physiquement impossible du fait de la quantité limitée de matière et d’énergie. Ce ne sont là que quelques exemples parmi les plus connus. De fait, cela fait longtemps que des alertes sont lancées, des mécanismes mis à nu. Pourtant, la « société industrielle » est toujours passée outre. Bien d’autres accidents à grands impacts (Amaco Cadiz, Exxon Valdez, Erika, Azf, Prestige, Deepwater Horizon, Fukushima, etc.) sont venus s’ajouter au catalogue macabre, sans que notre « réflexivité » les ait empêchés. Loin de pousser la société à la révolte générale pour mettre le « système » à genoux, les seuils de dégradation écologique déjà franchis ont au contraire permis au macro-système techno-industriel de se présenter comme indispensable à la gestion des « risques » accumulés. Sa légitimité présente repose sur la conviction largement partagée que son explosion brutale, qui signerait la fin des différents dispositifs de contrôle – comme par exemple la surveillance des installations nucléaires – nous exposerait à des dangers encore plus extrêmes. »
A3) Dégâts des lieux
A31) Chiffres et géopolitique des ressources
PB, p 111 « Résumons le premier acte : nous avons un souci de disponibilité des ressources devant nous, à plus ou moins brève échéance. La recette actuelle – une fuite en avant, la plus rapide possible à base d’innovations high tech – ne résoudra pas les problèmes dans lesquels nous sommes enferrés. Au mieux il s’agit de bonnes idées, mais que nous ne mettrons pas en œuvre à la vitesse et aux ordres de grandeur nécessaires, tant s’en faut. Au pire, il s’agit de nouvelles technologies et de tendances néfastes, qui ne font et feront qu’accélérer le système qui nous a conduits dans l’impasse. Entre les deux, quelques tartes à la crème technologiques, sans intérêt, font la joie des medias, des conseillers en développement durable et des économistes et sociologues prospectivistes faussement ou réellement naïfs. »
Ordres de grandeur des masses et des volumes extraits (amont)
Stades de foot et tours Eiffel (ordres de grandeur compréhensibles et appropriables)
hiffres sur la consommation apparente et les rejets, chaque jour, pour chaque français.
PB, p 16 (fig 1)
Consommation de ressources
- Produits pétroliers : 3,6 kg
- Gaz : 1,3 kg
- Charbon et dérivés : 0,7 kg
- Eau : 1,5 m3
- Minéraux non métalliques : 17 kg
- Biomasse et bois : 10,5 kg
- Métaux : 0,7 kg
- Transport : 11,8 tonnes.km
Épuisement des ressource
AB, p 93 « On peut mettre en débat les chiffres et les dates, mais il est indéniable que la corne d’abondance est en train de se tarir. Le pétrole ? Les prévisions les plus optimistes en donnent encore pour un siècle et demi, à condition de puiser résolument dans les gisements dits non conventionnels. Pour les métaux, les sources de référence annoncent qu’en l’état actuel des prix et des techniques, les réserves exploitables de cuivre et de nickel suffiraient pour 30 à 40 ans et celles d’argent, d’or, d’antimoine, de zinc, de plomb et d’étain, pour 10 à 20 ans seulement1. Les « ressources renouvelables » – sols, eau, forêts, faune et flore – sont exploitées à une vitesse telle que certaines ne se renouvellent plus : au moins 40 % des terres arables sont aujourd’hui fortement dégradées et 10 % rendues inutilisables pour l’agriculture2, l’eau douce de bonne qualité se raréfie, la surpêche menace d’extinction de nombreuses espèces de poissons3, la biodiversité en général est en chute libre. Même du côté des substances minérales les plus abondantes (matériaux de construction et notamment le sable), apparaissent des carences locales qui obligent à les faire venir de toujours plus loin.
Consommations annuelles mondiales de ressources
AB, p 93 « La quête de ces « ressources » de plus en plus rares accélère l’extractivisme partout dans le monde. Les chiffres donnent le tournis : 4,5 milliards de tonnes de pétrole, 3 479 milliards de m3 de gaz, 7,8 milliards de tonnes de charbon, 3,2 milliards de tonnes de minerai de fer, 220 millions de tonnes de roche phosphatée, 234 millions de tonnes de bauxite (minerai d’aluminium)5, 35 millions de tonnes de potasse, 29 millions de tonnes de chrome, 18,7 millions de tonnes de cuivre, 18 millions de tonnes de manganèse, 13,3 millions de tonnes de zinc, 5,5 millions de tonnes de plomb, 2,4 millions de tonnes de nickel, 2 millions de tonnes d’amiante, 296 000 tonnes d’étain, au moins 110 000 tonnes d’oxydes de terres rares, 59 500 tonnes d’uranium, 26 000 tonnes d’argent et 2 860 tonnes d’or6 et beaucoup d’autres métaux, dont les volumes ne sont pas toujours quantifiables pour cause de « non divulgation des données confidentielles des entreprises »7, au moins 15 milliards de tonnes de granulats (sable et gravier)8 : ce ne sont que quelques exemples de ce qu’on extrait en une année sur terre. On estime que plus de 70 milliards de tonnes de différentes « matières » – métaux et minerais industriels, matériaux de construction, vecteurs de combustibles fossiles, biomasse végétale et animale – sont extraites et utilisées chaque année pour créer de la valeur économique (77,7 milliards en 2011)9. Si on tient compte, même partiellement de l’« extraction inutilisée » (mort-terrains, stériles, résidus de récoltes, sols perdus par érosion etc.), ce volume dépasse les 125 milliards de tonnes10. »
Chiffres sur la consommation actuelle
AB, p 113
AB, p 145 « Chaque seconde, l’humanité ingurgite non seulement 9,9 tonnes de viande, 22,5 tonnes de blé, 15,8 tonnes de riz et 380 kilogrammes de crustacés, mais aussi 11,6 kilogrammes de Nutella*. Chaque minute, 47 917 personnes poussent la porte d’un Mc Donald, 20 poupées Barbie, 2749 Smartphones et 597 ordinateurs sont vendus et achetés quelque part dans le monde. En 2013, 9,6 milliards de tonnes de marchandises ont été transportées par des navires de charge, pour être consommées souvent à l’autre bout de la planète*. »
Le nouveau poids des émergents
AB, p 62-63 « En matière de comptabilité physique, la part des matières premières (minerais métalliques, industriels et de construction, combustibles fossiles et biomasse) consommées en termes absolus par les cinq BRICS – estimée en 2010 à 48,1% du total mondial, et à 33% pour la seule Chine – a déjà dépassé celle du G7 (16 % en 2010), tout comme celle de l’Amérique du Nord (10,1 %) et de l’Union Européenne (9,9 %) réunies. »
La Chine
AB, p 74 « En 2011, année à laquelle s’arrêtent pour l’instant les statistiques compilées dans la Base de données globale de flux de matières (Global Material Flows Database), alimentée par l’Institut de recherche pour une Europe soutenable (SERI) et par ses partenaires, 33 % du total mondial de minerais, de combustibles fossiles et de biomasse utilisés pour créer de la valeur économique ont été extraits en Chine. »
Ordre de grandeur des dégâts écologiques (aval)
Eaux, air, sols, pollué
Changement climatique
Sociétés détruites
Les conflits sont tous plus ou moins, directement ou indirectement, liés à l’accès aux ressources
AB, p 59 « De la crise ivoirienne (cacao et diamants) à la bataille pour le Sahara occidental (phosphates), des rébellions touaregs au nord du Niger (uranium) à celle du Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger au Nigéria (pétrole), nombre de conflits qui déchirent le continent africain sont de près ou de loin liés aux ressources naturelles et au contrôle de la rente qu’ils génèrent. » […] « […] le véritable moteur des conflits en Afrique » »
Prendre n’importe quel exemple pour montrer qu’il existe une
→ Structure (quand les ressources sont autant finies qu’indispensables, si l’échange est trop égal, il y a guerre)
au cœur d’un système (sociétés modernes de marché)
AB, p 136 « […] mais dans les sociétés modernes de marché, il [l’extractivisme] est surtout le premier maillon de la chaîne extraire-produire-consommer. Extraire toujours plus pour produire et consommer toujours plus ; produire et consommer de plus en plus de marchandises non durables pour pouvoir produire et consommer de nouveau : voilà en quoi, surtout, les matières premières sont aujourd’hui si « essentielles ». »
Ressources halieutiques
NS, p 50-51 « Aujourd’hui, environ 700 bateaux de toutes les nations pillent les ressources halieutiques au large de la corne de l’Afrique, là où le problème de la faim fait d’énormes ravages. […] Que ce soit au large des côtes sénégalaises, mauritaniennes ou malgaches, les décideurs politiques ont été « contraints » de vendre leurs réserves halieutiques aux bateaux des nations extractivistes, bien souvent pour rembourser la dette illégitime. »
A32) Le système : intérêts et moyens des acteurs
Le système extractiviste (premier maillon de la chaîne utilitariste) n’est possible économiquement pour les gagnants que par l’échange inégal entre acheteurs et vendeurs (entre gagnants et perdants). Ce système ne se maintient que par la domination : guerre et extractivisme, colonisation et extractivisme ou dettes et extractivisme. Il est organisé selon le paradigme centre (gagnants) / périphérie (perdants)
Système extractiviste : gagnants et perdants
L’extractivisme est le moyen d’alimenter la production et la consommation. Piller les ressources est aussi une fin en soi.
AB, p 259 « Car si l’homme a bien « toujours puisé l’indispensable dans la nature », comme le défendent les extractivistes, ces derniers temps, il a tout de même considérablement accru son appétit et diversifié ses besoins ! Au cours du dernier siècle, la croissance de l’extraction de certaines ressources (les minerais métalliques et industriels, par exemple) a été presque sept fois plus importante que la croissance démographique. Né dans sa forme moderne et massive avec la colonisation et le pillage des Amériques, l’extractivisme a pris son envol avec la révolution industrielle. Il s’est scindé dans la Guerre froide – alimentant aussi bien la puissance des économies de marché que celle des « communismes bureaucratiques » -, pour accompagner ensuite de plus belle la globalisation du capitalisme triomphant. Cette progression a fait croître de façon impressionnante les volumes et la diversité des « ressources » extraites tout en accélérant la dégradation de l’environnement. L’explication réside en grande partie dans la croissance tout aussi impressionnante de besoins créés par les vendeurs de marchandises, enclins, pour accroitre leurs ventes, à raccourcir sans cesse les cycles programmés de leur obsolescence. »
Donc
- les extracteurs (et leurs négociants – les traders – et leurs publicitaires – les techniciens) – gagnants
- les producteurs (et leurs commerçants et leurs publicitaires) – gagnants
- les consommateurs – gagnants ? conscients ou non / politique de l’offre (publicité) ou de la demande (besoins réels)
- les sociétés pillées – perdants
font partie du système (comme premier, deuxième ou troisième maillons de la chaîne):
En fait tout le monde est acteur (gagnant ou perdant), a des intérêts à défendre, et des moyens pour le faire. Il s’agit d’un rapport de force politique entre gagnants et perdants.
Les perdants du système extractiviste sont asservis par les gagnants : système dettes
La dette est le moyen illégitime de justifier l’appropriation des ressources. Les intérêts de la dette représentent aussi une fin en soi.
Légitimité et illégitimité d’une dette
NS, p 71 «Une dette publique n’a pas à être remboursée si elle n’a pas profité à la population, si elle n’a pas été créée/contractée avec son consentement et si le prêteur a accepté d’apporter les fonds en connaissant l’absence de ces deux éléments du contrat de prêt liant le prêteur et l’emprunteur. Or ce dernier est le peuple, celui qui remboursera in fine. Si une dette contractée pour des investissements socialement utiles (écoles, hôpitaux, routes, ponts, etc.) est parfaitement légitime, celles datant de la période coloniale sont odieuses, et ne doivent en aucun cas être payées par le gouvernement ayant accédé à l’indépendance. »
Quatre types de dettes : la dette écologique
NS, p 99 « Sous le terme « dette écologique », quatre différente dettes peuvent être regroupées : la dette historique, la dette environnementale, la dette climatique et la dette sociale. »
NS, p 106 « L’ensemble des dettes, historique, environnementale, climatique et sociale constitue pour nous la dette écologique. »
Qui doit quoi à qui ?
NS, p 113 « Au regard des désastres écologiques subis et des quantités de ressources pillées, nous pouvons dire que la valeur de la dette écologique due au sous-continent africain par les pays industrialisés est incommensurable, peut-être 100 ou 1000 fois supérieure à sa dette extérieure publique. »
AB, p 58 « Si le calcul des dettes et des créances prenait en compte tous les coûts – non seulement monétaires, mais aussi sociaux, environnementaux, culturels, etc. – que représente l’obtention des différentes matières alimentant les appareils de production et les marchés du monde « développé », il est vrai que les dettes extérieures des « pays en développement » pèseraient fort peu mises en balance avec l’immense dette écologique « contractée par les pays industrialisés envers les autres à cause de la spoliation historique et présente des ressources naturelles, des impacts environnementaux exportés et de la libre utilisation de l’espace environnemental global pour déposer les résidus ». »
Système dette et extractivisme
La dette représente elle-même une forme d’extractivisme (financier) et l’extractivisme représente lui-même une dette (écologique)
NS, p 82 « La dette est, pour le système capitaliste, un levier central de l’extractivisme. »
NS, p 21 « L’analyse du système-dette, de l’extractivisme et de leur interdépendance nous semble essentielle pour comprendre le fonctionnement de la « Mégamachine* ». […] Alors que les armées coloniales d’occupation ont disparu depuis plus de cinquante ans, sauf exception (Palestine, Tibet …), la dépossession des ressources au profit des plus puissants s’est pourtant amplifiée. »
AB, p 159 « En suivant le même schéma, on pourrait interroger les autres sphères de production des « sociétés modernes » pour lesquelles les « matières premières » sont si « essentielles ». Quels « besoins » cherche-ton à satisfaire, quelles technologies utilise-t-on, et pourquoi celles-ci plutôt que d’autres ? Pourquoi a-t-on recours à telle ou telle matière première et serait-il possible de s’en passer ? À qui profitent les choix opérés ? Etc., etc. »
NS, p 23 « Il est donc indispensable de comprendre qui prend [quoi] à qui, comment, et surtout pourquoi. »
Pourquoi ? Quel intérêt les gagnants défendent-ils ?
L’extractivisme rapporte de l’argent à de nombreux intermédiaires
AB, p119 « Selon les données de Forbes, en 2014, la fortune personnelle des 69 milliardaires tirant leurs revenus de la « production » (extraction), de la première transformation et du négoce des matières premières minérales, énergétiques et agricoles dépassait, en cumulé, 306 milliards de dollars. »
Les intérêts de la dette rapportent également
Aux banques (dirigeants et actionnaires) et aux États (dirigeants et citoyens)
Construction historique du système dette et extractivisme
NS, p 72 « Dès les premières indépendances, le nœud coulant de la dette leur était passé autour du cou, le moment propice pour le serrer viendrait plus tard. »
Après 1950-1960, NS, p 73 « À la fin de la période coloniale en Afrique, les nouvelles bourgeoisies des pays indépendants parviennent au pouvoir avec le soutien des anciennes métropoles pour poursuivre les politiques extractivistes menées précédemment. Elles y trouvent bien sûr un intérêt personnel, puisque la corruption est le lubrifiant du mécanisme de dépossession des peuples. La dette en sera le carburant. »
NS, p 79 « En 1979, une décision unilatérale d’augmentation du Prime rate états-unien – taux d’intérêt de référence – prise par le secrétaire au Trésor états-unien Paul Volcker, précipite les PED dans la grande crise de la dette. Cette décision, bien éloignée du laisser-faire néolibéral, se répercute sur les taux des prêts octroyés à ces pays, taux qui étaient variables et indexés sur les taux anglo-saxons. Les conséquences pour les peuples du Sud sont terribles : le nœud coulant de la dette se serre brutalement. […] Son relèvement rapide de 5 % à plus de 18 % par Paul Volcker en 1979 a eu des répercussions très brutales. Les intérêts exigés par les banques privées triplent, alors que dans le même temps les cours des matières premières amorcent une baisse qui durera plus de 20 ans. En août 1982, le Mexique, dans l’incapacité d’assurer ses remboursements, sera le premier d’une longue liste à faire appel au FMI. Le piège de la dette s’ouvre devant les PED, c’est le FMI qui en referme les mâchoires. »
Contre-histoire
NS, p 79 « Ne pas enfoncer les peuples du tiers-monde dans la pauvreté pour quelques décennies supplémentaires aurait été possible pour le FMI et les gouvernements des pays de la Triade. Il suffisait de laisser jouer le marché en conformité avec l’idéologie néolibérale. Leurs actionnaires auraient alors assumé les risques qu’ils avaient pris en prêtant sans garanties suffisantes. »
Verrou du système dette et extractivisme
NS, p 84 « Les PED se trouvent donc enfermés dans une dette sans fin puisque, plombés par une austérité qui mine leur économie, ils sont contraints d’emprunter pour rembourser les emprunts précédents. Tout cela correspond à un plan simple, les obliger à faire appel à des investissements directs étrangers, les IDE, pour développer l’extractivisme. Ainsi, minerais, forêts, réserves halieutiques, produits agricoles seront exportés bruts, avec des retours financiers très faibles pour les pays exportateurs. De plus, cette spirale infernale de l’endettement provoque un effet « boule de neige » : quand les taux d’intérêt des prêts sont plus élevés que le taux de croissance de l’économie, le stock de la dette ne peut qu’augmenter et donc la somme des intérêts à payer aussi. »
Partie stratégie du choc, comment on a obligé les pays d’Am du S à continuer à extraire et à exporter leurs ressources naturelles pour honorer la dette : AB, p 38-39
Acteurs : gagnants et perdants
Gagnant
AB, p 134 « Derrière chaque projet extractiviste, il y a des investisseurs, des entreprises exploitantes, des négociants, des banques, des experts-boursicoteurs ; il y a les états et leurs institutions qui garantissent la sécurité, fournissent des infrastructures ou assument eux-mêmes la conduite de certains projets ; il y a également des institutions financières internationales, en premier lieu la Banque mondiale, qui les promeut ou les finance, quand elle n’y investit pas pour son propre compte. Directement responsables de l’accélération de l’extractivisme et de ses ravages, ces différentes forces motrices ne sont pas des entités abstraites. Les entreprises ont des actionnaires, des dirigeants et des employés […] »
Revolving doors
AB, p 126 « il est fréquent que les élites économiques, et notamment extractivistes, se confondent avec les élites au pouvoir. »
Privé / public sont aussi présents (Saudi Aramco) : même combat, Françafrique, AB p 122-126
Banque Mondiale / Chili
NS, p 75 « C’est donc une politique de soumission et d’appauvrissement des pays du tiers-monde au profit de l’enrichissement des pays industrialisés qui est menée depuis plus d’un demi-siècle par la BM. […] Un exemple d’ingérence de la Banque mondiale : le Chili des années 1970. En 1970, le peuple chilien porte à la présidence le socialiste Salvador Allende, qui nationalise les mines de cuivre, la principale richesse du pays. Washinton va tout faire pour l’en empêcher avec l’aide financière d’ITT [société privée US implantée au Chili]. La BM ne fait aucun prêt au Chili pendant les trois ans de la présidence Allende. Le 11 septembre 1973, le coup d’État de Pinochet orchestré par la CIA, aboutit à la mort du président, à des assassinats et à des tortures de masse. L’argent international coule aussitôt à flots, de très gros prêts sont accordés à Pinochet par la BM et le FMI. Les Chicago boys, les économistes de Chicago, élèves de Milton Friedman, débarquent à Santiago. Le Chili devient le laboratoire d’un ultralibéralisme brutal. »
Perdants
Sociétés pillées au Sud, écosystèmes (nous sommes tous perdants), sociétés pillées au Nord
Au Sud et au Nord
NS, p 172 « Les banques privées qui prêtent aux États et reçoivent les intérêts payés par les contribuables sont bien les vrais bénéficiaires, voire les véritables dirigeants, d’un système qui, en affaiblissant l’État, augmente le pillage des ressources humaines. Augmenter les impôts de la majorité pour faire face à la récession provoquée par les banques n’est-il pas une forme d’extractivisme appliquée à la plus-value produite par les travailleurs d’un pays ? [GPII] Privatiser les profits, socialiser les pertes, c’est la logique privilégiée par les gouvernants adeptes du néolibéralisme en période de crise, mise en évidence par Naomi Klein dans son livre « La Stratégie du choc ». »
Consommateurs gagnants/perdants
Sans consommation, pas de destruction des écosystèmes
Souvent inconsciemment ou semi-consciemment (dissonance cognitive) car consciemment c’est plus difficile (suicide)
NS, P 89 « Mais la majorité des habitants des pays développés peine à comprendre que le système d’asservissement au pouvoir de l’argent par le levier de la dette – qui a empêché les peuples du Sud de se libérer depuis 30 ans – est aujourd’hui en train de les enserrer inexorablement dans sa gangue d’appauvrissement. »
NS, p 91 « Ce qui veut dire que les politiques d’austérité imposées en Europe du Sud ou du Nord depuis 2008-2010 […] sont le résultat de décisions politiques de type extractiviste : pillage des ressources financières des contribuables. »
Grèce : extractivisme financier, France, pays du Nord : sphère publique (biens communs) vampirisée par les riches des pays riches
AB, p 75 « […] nuancer l’idée selon laquelle le Nord se trouverait à l’abri des destructions dues à l’exploitation massive de la nature, puisque se fournissant exclusivement dans les pays du Sud. Une telle représentation, véhiculée par un grand nombre d’ONG et de mouvements politiques au Sud, parfois reprise sans examen critique par leurs alliés au Nord, ne reflète qu’une partie de la réalité : le fait que les entreprises et les institutions étatiques et supra-étatiques occidentales mènent en matière de ressources naturelles des politiques néocolonialistes ne les empêche pas d’extraire aussi de grandes quantités de matières « chez eux ». »
AB, p 75 « Ainsi, les Etats-Unis, qui arrivent en deuxième position en terme d’extraction utilisée globale (8 % des ressources extraites dans le monde en 2011), occupent la quatrième place pour l’extraction des minerais métalliques et de biomasse, la deuxième pour celle des minerais industriels et de construction, tout comme pour celle des combustibles fossiles. » … Australie, Allemagne.
AB, p 88 « En aucune façon la reprise de l’activité minière en Occident n’implique donc un répit pour les pays du Sud. »
Moyens mis en œuvre au-delà de la structure (dans la structure)
Par les gagnants
Agir dans le dos des consommateurs (désinformation, malinformation, pas d’information, manipulation)
PB, p 81 “Développerait-on de telles applications high tech si l’on connaissait le réel prix à payer, en termes de rejets d’usines, de disparition des espaces naturels et des ressources, de destruction de tout ce qui a sustenté, physiquement et intellectuellement, l’humanité depuis des millénaires ? Rien n’est moins sûr.”
Lobbying et financement politique
AB, p 122 « Ainsi, de très nombreux maillons composent les multiples chaînes qui relient les sites d’extraction aux points de vente des produits finis, et derrière chacun de ces maillons il y a des intérêts et des acteurs économiques prêts à les défendre, disposant pour cela de moyens conséquents. Aux Etats-Unis, on sait par exemple qu’en 2014 les industries extractives (mines, gaz et pétrole) ont dépensé 189 millions de dollars en opérations de lobbying auprès des décideurs (Congrès et agences fédérales) et qu’entre 1990 et 2014 elles ont contribué au financement des campagnes des partis politiques à hauteur de 615,7 millions de dollars. »
Acceptabilité sociale
AB, p 185 « Aucune industrie extractive ne se passe de produits toxiques, aucune n’embellit les paysages, ne rend l’air plus pur ni l’eau plus cristalline. Les extractivistes le savent bien, mais il est rare de voir une entreprise affirmer publiquement qu’elle compte détruire un territoire pour enrichir ses actionnaires. Il est tout aussi rare d’entendre un homme d’État reconnaître qu’il est prêt à cautionner de pareils objectifs. Tout au contraire, ils tâchent généralement de doter leurs projets d’un visage public aussi avenant que possible : respectueux de l’environnement, socialement responsables et, surtout, économiquement utiles. La défense de cette image devient particulièrement stratégique lorsqu’un mouvement d’opposition ou un accident commence à la ternir, lorsqu’un conflit qui monte en puissance menace d’accroître les coûts économiques et politiques. L’« acceptabilité sociale » (nom donné par les professionnels de la gestion des conflits à la réussite de leurs stratégies publicitaires) devient alors une condition de la poursuite ou du lancement des travaux. Puisque les politiciens élus craignent la sanction des votes au même titre que les dirigeants des groupes privés redoutent qu’un conflit ne fasse chuter le cours de leurs actions en bourse (les deux pouvoirs de l’« opinion publique » dans les démocraties de marché), les communicants professionnels sont souvent appelés à la rescousse pour empêcher la majorité du « public » de prendre le parti des contestataires. »
Externalisation des principaux coûts
NS, p 99 « Les multinationales extractivistes refusent de prendre en charge de nombreux coûts. On dit qu’elles les externalisent. Le réchauffement climatique, la pollution des eaux, les désastres environnementaux, le déplacement des populations ou le prix des maladies causées par les extractions en sont les plus importants. L’externalisation est un moyen d’augmenter les bénéfices en cachant et en reportant sur d’autres le prix réel des extractions. Les fabricants de pesticides – dont les produits, polluant l’air, les sols, les aliments, sont responsables d’une grande part des maladies modernes et de la disparition des pollinisateurs indispensables à notre alimentation – ne peuvent réaliser des profits que dans la mesure où les États souverains ne leur font pas payer la réparation des dommages causés par leurs molécules. »
PB, p 57 “On externalise les pollutions au Bangladesh, en Chine ou ailleurs, comme l’électricité et les usines à gaz permirent de repousser la pollution en périphérie des villes dans le dernier quart du XIXème siècle.”
Minimisation des coûts restants
AB, p 187 « Pour faire pencher la balance du côté des « bénéfices », les « coûts » (écologiques, sociaux, culturels, économiques, psychologiques) sont systématiquement minimisés, alors que les promesses, elles, doivent être convaincantes : emplois, développements économiques (des régions généralement dépeintes comme « sinistrées » au Nord et « sous-développées » au Sud), contribution au PIB, rentrées d’argent pour les institutions publiques, etc. »
Diviser pour mieux régner (en jouant sur l’individualisme des opposants)
AB, p 200 « Pour exploiter un réservoir de ressources, une entreprise peut aussi attendre que l’opposition s’éteigne, quitte à l’aider. Mirta Antonelli explique : « La stratégie consiste à fragmenter socialement : ils font un diagnostic des besoins, ils commencent à offrir du travail, proposer des améliorations dans les écoles, etc., cherchant à générer des tensions à l’intérieur des familles, des groupes d’amis. La fragmentation sociale est une pratique systématique des entreprises, qui va aussi de pair avec une autre pratique systématique, de l’État, celle de cooptation, qui consiste à garantir des avantages à ceux qui ne font pas de vagues.* » »
Par les perdants
Anti-extractivismes
Schéma récapitulatif : Inputs et outputs : titre « malédiction des ressources naturelles »
Qu’est-ce qui alimente le système, qu’est-ce qui en ressort ?
NS, p 73 « Dès lors, on comprend mieux pourquoi les peuples des pays les plus riches en matières premières, tels la RDC, la Zambie, le Niger, le Nigeria, le Gabon, certains pays d’Amérique du Sud … sont parmi les plus pauvres de la planète. Ils subissent ce que l’on nomme la « malédiction des ressources naturelles* » ou « le paradoxe de l’abondance. »
PB, p 278 “Le système oligarchique fera donc tout pour se maintenir, jusqu’à saturation, quitte à guerroyer toujours plus dans les pays riches en ressources et à saccager l’environnement jusqu’à l’extrême. L’apparition de techniques aux rendements ridicules, hier les sables asphaltiques de l’Alberta, au Canada, les agrocarburants des zones tempérées ou des panneaux photovoltaïques dans des zones nordiques, et demain des pétroles de schiste, en est le signe avant-coureur, et la confirmation que le système ne reculera devant aucune absurdité et aucune barbarie pour survivre.”
A33) Catastrophisme ?
Concepts
Rendements décroissants
PB, p 188 “Le poisson est en voie d’épuisement et partout les stocks sont victimes de surpêche. Comme pour le rendement dans l’énergie, il y a un indicateur qui ne trompe pas : la chute du CPUE, le catch per unit effort, qui indique que l’on utilise des bateaux toujours plus puissants […] que l’on pêche toujours plus profond […] sans pour autant augmenter la quantité de prise mondiale.”
Non renouvelables = stocks = pics de consommation
Pic énergétique
Aux environs de 2020 : donnée connue depuis 20 ans (ou 50 ans, Meadows disait 2000-2010 sans connaître les non conventionnels)
NS, p 165 « Le pic géologique, celui des matières premières minérales, le pic énergétique, le pic agricole et le peak everything seront bientôt atteints. »
Pic conventionnel 2006
PB, p 65 “Il reste donc encore beaucoup d’énergie fossile sous nos pieds, mais il faut mettre toujours plus d’énergie pour l’extraire, et la mise en production est de plus en plus compliquée. Le pétrole est emblématique, car c’est le premier à subir cette forte dégradation de l’accessibilité et de la qualité des ressources, au point que le pétrole dit “conventionnel” (c’est à dire grosso modo, avec un rendement énergétique acceptable …) a ainsi passé son pic en 2006.”
“Les ressources de charbon et de gaz naturel sont plus importantes, malheureusement pour le climat et la planète, mais là aussi les pics de production finiront par être atteints, peut-être dans les décennies 2020-2030. Cela pourrait même s’accélérer, car la raréfaction du pétrole, source unique et difficilement substituable d’énergie dans les transports, pousse à produire des carburants liquides à partir de charbon ou de gaz – le Coal-to-Liquids (CTL) ou Gas-to-Liquid (GTL). Il s’agit du procédé Fischer-Tropsch, mis au point dans les années 1920 et développé par l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, afin de produire le kérosène de la Luftwaffe à partir de ses mines de charbon. Plus tard, l’Afrique du Sud sous embargo pétrolier en est devenue la spécialiste mondiale.”
Double mur Bihouix
PB p 61 “Il suffira de creuser plus profond, d’extraire plus de minerai de moindre qualité. “Toute chose égale par ailleurs”, donc, il n’y a pas de risque de pénurie. Cependant, il faudra dépenser plus d’énergie par tonne de métal produite : et c’est là que les ennuis commencent.”
PB, p 66 “Pour en revenir à la question métallique, des énergies moins accessibles entrainent également un besoin accru en métaux : il suffit de comparer un simple puits texan avec son homologue deep offshore, gigantesque plateforme métallique entourée d’une nuée de bateaux de ravitaillement, d’hélicoptères, des forages directionnels de haute technologie, etc. Mauvaise nouvelle, c’est également le cas pour les énergies renouvelables, qui font massivement appel aux ressources métalliques, et des plus rares, comme le néodyme et le dysprosium dans les aimants permanents pour les génératrices d’éoliennes, le gallium, l’indium, le sélénium, le cadmium ou le tellure pour les panneaux photovoltaïques à haut rendement (technologies CIGS ou Cd-Te), le cuivre qui est utilisé en quantité plus importante par énergie produite …”
PB, p 67 “Nous pourrions nous permettre des tensions sur l’une ou l’autre ressource, énergie ou métaux. Mais le défi est que nous devons maintenant y faire face à peu près en même temps : plus d’énergie nécessaire pour les métaux les moins concentrés, plus de métaux nécessaires pour une énergie moins accessible. Le pic de pétrole sera donc vraisemblablement accompagné ou suivi d’un pic de tout, un “peak everything”. Et, pour décevoir les plus optimistes, on n’ira pas chercher nos ressources métalliques futures sur la Lune ou sur des astéroïdes car la dépense énergétique est tout simplement inacceptable, tandis que les milliers d’années d’énergie nucléaire ne tiennent pas la route puisqu’il faut reconstruire des centrales une ou deux fois par siècle, sans pouvoir recycler les matériaux qui ont été irradiés. Ainsi, même avec des surgénérateurs, il faut résister à la température, la pression, la chaleur, la corrosion, l’irradiation. Dans quelques siècles ou millénaires, comment fera-t-on sans nickel, titane, cobalt ou tantale nécessaires aux alliages à haute performance employé dans la robinetterie nucléaire ? Sans zirconium pour emballer les “crayons “ de combustibles ? Sans plomb pour absorber les radiations et sans tungstène pour les conteneurs des combustibles nucléaires ? Sans hafnium, cadmium, indium, argent, sélénium ou bore pour absorber les neutrons dans les barres de commande et de contrôle.”
Peak everything
Effet rebond
AB, p 111 « L’effet rebond, c’est ce qu’on constate lorsque la consommation totale d’une ressources augmente à la suite des innovations technique qui améliorent l’efficacité avec laquelle cette ressource est utilisée et font baisser les coûts de son utilisation. On parle aussi du « paradoxe de Jevons » […] »
PB, p 79 “Les économies de consommation ne sont pas toutes récupérées car le coût d’utilisation en baisse fait augmenter la demande : ainsi, ma voiture qui consomme moins de carburant me permet de rouler plus de kilomètres, et éventuellement de dépenser autant de carburant pour un budget de départ donné. L’effet rebond est alors égal à 100%, et il peut même être supérieur, comme dans le paradoxe de Jevons, où l’abaissement du coût fait fortement augmenter la demande, avec l’exemple de l’introduction de la machine à vapeur de Watt.”
PB, p 79 “À quoi bon avoir un véhicule hybride, s’il pèse à vide 1,6 ou 1,8 tonne ?”
Mirage de la substitution
AB, p 231 « Le développement des énergies « à bas carbone » se réalise non pas en remplacement, mais bien plutôt en parallèle du développement des industries gourmandes en hydrocarbures et émettrices de GES […] »
PB, p 31 “Grave simplification due à notre représentation collective d’un progrès technique forcément linéaire, car nous ne sommes en fait jamais sortis de l’âge du charbon. Depuis la première tonne extraite, la production et la consommation mondiales ont toujours augmenté, crise ou non : nous en sommes à une production de près de 7,7 milliards de tonne par an en 2011 (charbon et lignite), ce qui fait du charbon la deuxième source d’énergie consommée (3,7 milliards de tonne équivalent pétrole, ou Gtep), juste après le pétrole (4,1 Gtep) et avant le gaz naturel (2,9 Gtep). »
Les conditions de la catastrophe sont réunies
Dynamique d’épuisement ó Dynamique de consommation ó Dynamique de destruction
Dynamique de consommation
PB, p 36 “Il n’y a pratiquement aucun métal dont la consommation ait baissé dans les dernières décennies, à l’exception notable du plomb tétraéthyle comme antidétonant et un recyclage particulièrement efficace des batteries de véhicules, et peut-être du mercure, mais cruellement, les lampes basse consommation, qui en contiennent, sont en train de donner à ce dernier un nouveau souffle.”
PB, p 37 “[…] explosion de la demande globale [de métaux], qui a plus que doublé dans les vingt dernières années et continue à croitre malgré la crise.”
La dynamique sociale (croissance) est mauvaise en elle-même
NS, p 106 « Aujourd’hui, le dette écologique est en forte progression, car le système extractiviste amplifie ses pillages pour nourrir la mégamachine consumériste. »
Dynamique d’épuisement (environnementales
NS, p 27 « […] les classes moyennes des pays émergents accèdent à ce niveau de consommation. Alors que les habitants des pays occidentaux ne baissent pas leurs prélèvements, bien au contraire, la fin de certaines ressources ne peut que se rapprocher de plus en plus vite. »
Dynamiques écologiques (dynamique des risques)
Plus les ressources s’épuisent, plus les risques écologiques s’aggravent
AB, p 81 « […] fracturation hydraulique […] une multitude de dangers : pollutions des nappes phréatiques à cause des fuites des puits ou des remontées par les failles naturelles rouvertes ; drainage depuis les profondeurs de substances toxiques (hydrocarbures, mais aussi radioéléments, métaux lourds, sulfures d’hydrogène, etc.) et de perturbateurs endocriniens présents dans le diesel utilisé massivement ; problèmes liés au retraitement et au stockage des saumures qui les contiennent ; pollutions de l’air par des fuites du méthane qui font du gaz de schiste une source d’énergie plus émettrice de gaz à effet de serre que le charbon ; séismes induits ; accidents graves liés au transport terrestre des hydrocarbures extraits, etc. Et cela, sans même considérer les conséquences des modifications physiques du milieu qu’entraîne l’ouverture (par fracturation) d’un système géologique jusque-là fermé. Ces conséquences ne peuvent pas être mesurées car, y compris aux Etats-Unis, l’exploitation à grande échelle est trop récente pour fournir les données nécessaires à une étude d’impact sur le moyen et le long terme. »
Chaque jour qui passe nous enferme un peu plus dans une situation de plus en plus catastrophique : « Business as usual »
NS, p 164 « L’utilisation démentielle des énergies fossiles aura des conséquences catastrophiques sur le climat tant la complexité des interactions est grande si nous restons sur la trajectoire actuelle. Quant aux apprentis sorciers de la géo-ingénierie, qui veulent nous faire croire qu’ils peuvent lutter contre le réchauffement avec des technologies démesurées plutôt que de s’attaquer aux émissions de GES des sociétés consuméristes, ils nous font courir des risques insensés, tels que l’arrêt de la mousson en Inde avec de gigantesques famines*. La croissance de la consommation des ressources naturelles, si elle se poursuit sur la trajectoire de ce début du XXIème siècle, donne chaque jour plus de poids à l’hypothèse de l’effondrement*. »
Et la technologie seule ne peut pas nous sortir de là
L’épuisement des ressources ne se résoudra pas par magie : si la science pouvait quelque chose pour quoi que ce soit, les ordres de grandeur de nos résultats en efficacité énergétique ne seraient pas ceux-là. Nous misons tout sur la technique parce que c’est tout ce qu’il nous reste (citation PB). Mais nouvelles techniques = effet rebond, par déterminisme physique ou par utilitarisme. Quoi qu’il en soit, tant qu’on ne consomme pas moins, on n’extrait pas moins …
Le plus probable est donc que plusieurs catastrophes de grande ampleur surviennent bientôt, mais accepter cette situation, en sortant du déni, ne revient pas à être catastrophiste.
Le catastrophisme » se rapporte aussi à une idéologie
Idéologie qui mérite d’être étudiée autant que celle de l’extractivisme. D’une manière générale, une idéologie est fondée sur des mythes, que l’on sollicite consciemment ou inconsciemment (le chaos, l’apocalypse). Sans trop nous éloigner du sujet, on peut seulement se demander si le catastrophisme est obscurantiste.
Le catastrophisme est-il obscurantiste ?
AB, p187 « On a pu entendre, pêle-mêle, des appels au sens de l’opportunité, à l’esprit de compétition, voire à la jalousie (les Etats-Unis, la Pologne et d’autres en profitent alors que nous dormons sur notre trésor), mais aussi au patriotisme (indépendance énergétique), à la Raison, à la curiosité scientifique et autres valeurs du siècle des Lumières, les opposants étant systématiquement dépeints comme émotifs, naïfs, irrationnels, obscurantistes, rétrogrades, cédant à des peurs injustifiées. »
Philippe Bihouix, scientifique, n’est pas catastrophiste
PB, p 19 “Je n’y crois pas. Je n’y crois plus, et ce pour de nombreuses raisons que je vous exposerai ci-après. Mais rassurez-vous, je ne vous proposerai pas pour autant, comme le divin Dante, d’abandonner toute espérance (lasciate ogne speranza, voi ch’intrante). Au contraire, je pense qu’il y a une voie pour refuser la crise globale, l’inéluctable guerre de tous contre tous, des uns contre les autres, l’effondrement, ou tout simplement la déprime et la désespérance. Et qui sait, peut-être viendra l’âge des low tech, le temps d’une civilisation techniquement soutenable.”
PB, p 276 “[…] dans l’attente d’un effondrement qui n’en finit pas d’arriver. Car le rythme et les modalités des évolutions inéluctables font débat : effondrement, débâcle, adaptation agrémentée ou non de soubresauts ? J’ai le sentiment, peut-être à tort, que ce ne sera pas un effondrement soudain, mais quelque chose comme une lente submersion, peut-être à l’échelle d’une vie humaine.”
Nicolas Sersiron, pas scientifique, l’est un peu plus
NS, p 163 « La société post-extractiviste existera demain quelle que soit la volonté de ceux que Jean Ziegler appelle « les saigneurs de la terre », ceux que les Occupy et les Indignés désignent comme les 1%. La question est de savoir comment il est possible de la créer, avant qu’elle ne s’impose par la raréfaction des ressources naturelles et l’accélération des désastres climatiques et environnementaux. Dans un proche avenir, un effondrement des sociétés extractivo-consuméristes avec une montée de la barbarie, sont des probabilités fortes si rien ne change. »
Quoi qu’il en soit, il existe aussi un catastrophisme scientifique déterministe
les lois de l’énergie nous apprendraient que l’effondrement serait logique, qu’on ne pourrait rien y faire, qu’il ne servirait à rien de lutter : le scientisme, lui, peut être catastrophiste ou non en menant toujours à l’éblouissement (lumières), à l’aveuglement : la confiance aveugle en la science ou le déterminisme physique comme rationalité exclusive.
Et Anna Bednik ?
N’en parle pas ? D’après Dimitry Orlov (« Les cinq stades de l’effondrement »), les femmes auraient plus de mal à s’approprier la question.
There Is No Alternative ?
AB, p 262 « Au cours des luttes et des processus d’organisation et d’action que ces luttes suscitent, l’impératif de préserver le vivant fait irruption dans les modes penser et d’agir ; d’autres rapports au savoir, aux autres, à la nature et à l’existence se dessinent et prennent corps. »
AB, p 18 (présentation de la quatrième partie) : « Pour en juger, on examinera ce qui est extrait exactement et comment il l’est ; quels « besoins » il s’agit de satisfaire et sur quelle définition du « progrès » cela repose ; qui en profite et qui en pâtit ? En comparant deux modes de production radicalement différents (celui de l’agro-industrie et celui des agro-écologies), on montrera que l’extractivisme cesse d’être une fatalité si on accepte d’interroger nos objectifs et nos imaginaires communs. »
PB, p 112 “Alors, est-ce là notre destin ? La guerre de tous contre tous, version Mad Max, est-elle inéluctable ? Le retour à l’âge de pierre, à la bougie, au temps des Visiteurs […] ? Avant de céder à la tentation fataliste de type de-toute-manière-c’est-la-faute-aux-chinois-qui-sont-trop-nombreux ou survivaliste de type de-toute-manière -ça-va-péter-j’enterre-une-caisse-de-fusils-d’assaut-dans-mon-jardin, voyons quelles autres options se présentent à nous.”
Le plus probable est que plusieurs catastrophes de grande ampleur surviennent (même si on ne sait ni exactement quand ni exactement comment) mais une probabilité, aussi grande soit-elle, reste une probabilité.