Une nouvelle de Claire Boissard
La nouvelle
Suite aux manifestations massives, le gouvernement se voit contraint de reculer sur sa réforme des retraites et le Président dissout l’Assemblée. L’Union Sociale Ecologique obtient alors une large majorité de sièges.
17 octobre 2023, Palais Bourbon. Première séance plénière sur la nouvelle réforme des retraites.
– « La parole est à Madame Camille Lebon, présidente du groupe des décroissant.e.s. »
– « Mesdames, Messieurs, chèr.es collègues . Dans cet hémicycle nous partageons majoritairement des valeurs de gauche. Il y a pourtant un impensé dans nos rangs. Si je vous pose la question « Est-il juste de maintenir lors de la retraite, les inégalités de revenus perpétrées dans le monde du travail ? » Que répondez-vous ? »
Des « non » fusent.
– « Alors pourquoi, pourquoi, chèr-es collègues, lorsque Johanna, femme de ménage, ne travaille plus, continue-t-elle de percevoir moins que Bernard, le « patron » qui ne travaille plus non plus ? Au nom de quelles valeurs, consentons-nous à perpétuer ces inégalités en faveur des plus nantis : au nom de leurs sacrosaints diplômes ? de leurs responsabilités passées ? Pourquoi ces distinctions devraient-elles encore prévaloir lors de la retraite, période de non-travail ? »
Un certain brouhaha suit la prise de parole de C. Lebon, connue pour ne pas y aller par quatre chemins…
– « Vous l’aurez compris, il s’agit, chèr.es collègues, de défendre notre proposition phare : la retraite inconditionnelle d’un montant unique pour toutes et tous. Oui, à 60 ans, une même pension quel que soit le nombre d’annuités ! »
*
— Monsieur Salluste ?
Louis sursaute, perdu dans le souvenir de ce jour funeste qui a vu le début de sa fin. Devant lui, un jeune homme attend patiemment sa réponse.
— Oui, c’est bien moi, marmonne Louis contrarié d’être surpris alors qu’il est perdu dans ses pensées.
— Madame Lassalle va vous recevoir.
Louis Salluste pénètre dans une pièce modeste garnie d’une fenêtre et d’un tableau représentant une scène pastorale. Il s’assied sur une chaise rembourrée, disposée devant un bureau sobrement décoré. Il entend la porte se refermer et des pas s’approcher. Une jeune femme s’installe face à lui. Elle pourrait être ma fille, songe-t-il soudain mal à l’aise à l’idée de lui faire part de ses doléances. Il se demande s’il a bien fait de venir.
— Monsieur Salluste, que me vaut l’honneur de votre visite ? demande-t-elle d’un ton chaleureux qui le rassure.
— Je n’arrive pas à joindre les deux bouts, explique-t-il avec une lassitude calculée, je suis au bord de la dépression… et de ma vie.
— Droit au but, je vois. Attendez que je consulte votre dossier… Louis Salluste, né le 14 janvier 1975, agent d’assurance.
— Oui, c’est bien moi.
— Vous faites partie des premiers bénéficiaires du nouveau système des retraites.
— C’est exact, oui. La retraite équitable, dit Louis Salluste en levant les yeux au ciel.
— Vous ne semblez pas d’accord ?
— Ah ça non ! Elle n’a rien d’équitable.
— Pourtant tout le monde y a droit, quelles qu’aient été ses contributions et au plus tard à 60 ans…
— … en fonction de la pénibilité du travail effectué durant sa vie active, poursuit Louis d’un ton ennuyé. Je connais la théorie, merci.
— Et donc, votre problème ?
— Ben c’est pas équitable !
— Comment ça ?
— Je n’y arrive pas, ronchonne-t-il, je suis obligé de travailler pour m’en sortir.
— Vous travaillez au noir ?
— Oui… Non… Là n’est pas le problème, s’énerve Louis.
— Euh… enfin… admettons, concède l’adjointe sous le regard noir de son interlocuteur. Expliquez-moi ce qui ne va pas.
— J’ai travaillé dur toute ma vie pour m’assurer une retraite confortable. Mais avec votre nouveau système de répartition, je n’arrive pas à couvrir mes frais. Comme je vous l’ai dit, je suis forcé de rechercher des petits boulots. Et ça ne sert à rien de me servir votre « c’est d’une société centrée sur le travail dont il faut se libérer » ! Je veux bien, mais j’y arrive pas. Alors, aidez-moi à mettre votre slogan en pratique !
Madame Lassalle écoute patiemment son interlocuteur, lui laisse un peu de temps pour se calmer, mais pas trop pour qu’il ne se relance pas dans une nouvelle diatribe.
— Tâchons de comprendre d’où vient votre problème. Vous avez beaucoup de frais ?
— Ma maison déjà.
— Une maison ? Oui, ça peut coûter un peu en entretien, mais vous avez dû le prévoir.
— J’avais prévu de toucher une allocation retraite décente.
L’adjointe au maire le dévisage, dubitative, ce qui agace Louis. Il lui rend un regard courroucé.
— Vous savez, s’excuse l’adjointe, la plupart des retraités sont ravis de leur rente. Vous êtes le premier à vous plaindre.
— Vous en aurez d’autres !
— Ça m’étonnerait, mais bon, vous ne parvenez pas à couvrir les frais de votre maison. Vous en avez tant que ça ?
— Un paysagiste pour le parc, un employé de maison pour le ménage, un autre pour l’entretien de la piscine. Sans compter les assurances des voitures.
— Et vous n’auriez pas des courts de tennis aussi ?
— Exactement ! répond-il sans saisir l’ironie de la question. Vous comprenez maintenant pourquoi votre retraite soi-disant équitable ne me convient pas. J’ai cotisé pour plus que ça. Je veux une dérogation pour revenir à l’ancien système.
— Je crains que ce ne soit pas possible.
— Pardon ? s’étrangle Louis qui se redresse sur sa chaise comme piqué par une guêpe. Vous plaisantez j’espère !
— Non. Vous n’avez pas d’économies ?
— Bien évidemment que j’ai placé de l’argent, lance-t-il sarcastique, mais avec vos nouvelles taxes sur les revenus financiers, ça ne suffit pas.
— Je vois.
— Je ne vous sens pas très compatissante.
— Oui… je… mais vous… enfin, vous vivez seul dans une très grande maison.
— Pas besoin d’utiliser ce ton condescendant.
— Veuillez m’excuser, dit-elle en inspirant profondément avant de continuer. Vous n’avez pas une famille ?
— J’avais autre chose à faire que de m’occuper d’une femme.
— D’accord.
— Alors ?
— Alors quoi ?
— Vous allez me donner ma vraie retraite ?
— Comme je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas possible.
Sentant son interlocuteur au bord de la syncope, elle tente une suggestion.
— Il y aurait peut-être un moyen pour vous en sortir.
— Je vous écoute.
— Vendez votre maison et trouvez quelque chose plus dans vos moyens.
— Quoi ? Vous vous moquez de moi ?
— Absolument pas.
— Mais j’ai travaillé dur pour en arriver là.
— Je n’en doute pas. Néanmoins, je ne peux rien faire pour vous.
*
— Monsieur Salluste.
Agacé, Louis laisse tomber son linge de bain sur le transat. Personne n’est supposé perturber ses longueurs matinales. Mais visiblement Antoine, le jeune étudiant qui s’occupe de la piscine, en a décidé autrement.
— Je suis content de vous croiser. J’ai une idée qui devrait vous plaire.
— Je t’écoute Antoine, soupire Louis.
— Si vous me laissez vivre dans votre pavillon de piscine, je vous ferai l’entretien gratuitement.
— Dans le pavillon ? s’étonne Louis en considérant le cabanon exigu.
— Oui, vous avez raison, ça vaut plus que ça, je peux aussi tondre la pelouse de temps en temps.
— Tu parles bien du pavillon qui est à côté de la piscine ?
— Y a un coin cuisine, une douche et un WC, un canapé-lit. Que demander de plus ?
Une liste longue comme le bras lui vient à l’esprit, mais Louis préfère la garder pour lui. Il considère le lieu convoité. Il n’aurait jamais imaginé que quelqu’un puisse songer à s’y installer. Bon, une petite économie sur le salaire d’Antoine serait bienvenue. Mais ça implique d’avoir quelqu’un qui vit chez lui, ce à quoi il ne se sent pas vraiment prêt.
— Je vais y penser, dit finalement Louis.
— S’il vous plait…, insiste Antoine.
— On pourrait faire un essai, concède Louis qui a surtout envie d’avoir la paix.
— Merci monsieur Salluste, c’est super génial !
— Mais pas question que tu invites des ami.es ici ! Ni que tu organises des fêtes !
— D’accord.
— Et interdiction d’utiliser la piscine sans mon autorisation.
— Ça marche.
— J’ai des caméras de surveillance qui pourront témoigner.
— Je n’en doute pas. Aucun problème.
— Bien. On fait le point dans deux semaines.
— Merci beaucoup.
*
— Monsieur Salluste, j’ai une proposition à vous faire.
Miranda, sa prof de tennis, le rattrape sur le chemin dallé qui mène à sa maison.
— J’ai cru comprendre que vous étiez un peu juste financièrement…
Louis s’arrête brusquement. Il ferme les yeux puis les lève au ciel sans se retourner.
— Qui vous a dit ça ? demande-t-il sur la défensive.
— Je… Antoine… Il ne voulait pas que je le mentionne, avoue-t-elle en le contournant pour se mettre face à lui, mais pas trop près. Ça m’a fait réfléchir et j’ai une idée.
— Vous aussi ? grince Louis.
— Si vous me laissiez donner des leçons ici tous les mercredis, je ne vous ferais pas payer les vôtres. Et je m’occuperai de l’entretien des courts.
— À qui vous voulez donner des leçons ?
— Ben… à mes élèves, répond Miranda surprise par la question.
— Vous voulez faire venir des gens chez moi ?
— Oh ! Vous savez, le mercredi ce sont surtout des enfants.
— Quoi ? Encore mieux. Ils crient et ils touchent à tout.
— Je les ferai entrer par le parc, vous ne les verrez pas. Et je vous promets de remettre en ordre ce qu’ils pourraient déranger.
Sentant qu’elle doit augmenter son offre pour avoir une chance de le convaincre, elle ajoute :
— Et mon compagnon peut venir s’occuper de vos voitures quand vous en aurez besoin.
Cette dernière proposition séduit Louis. Ses voitures de collection lui coûtent une blinde en entretien, même s’il ne les utilise plus trop vu le prix exorbitant de l’essence.
— D’accord, cède-t-il dans un soupir résigné, après tout, il doit réduire ses frais.
*
— Monsieur Salluste.
Louis presse le pas. Il reconnaît ce ton qui sent à plein nez la suggestion non sollicitée. Il espérait passer ni vu ni connu à côté de Grégoire occupé à tailler un buisson, mais le chemin en gravillons n’accorde pas le luxe de la discrétion.
— Monsieur Salluste, répète Grégoire.
Louis s’arrête et se laisse rattraper.
— Je ne vous avais pas entendu. Vous désirez me parler ?
— Oui, c’est à propos de votre pelouse.
— Qu’est-ce qu’elle a ma pelouse ?
— Ça serait bien de la laisser vivre.
— Moi je la trouve très bien ma pelouse ! Vous lui reprochez quoi ?
— Elle est trop verte.
— Trop verte ? Ha ! C’est justement ce qu’on lui demande.
— Mais c’est pas bien, elle n’est pas vivante.
— Pourtant elle a l’air en pleine forme, avec son beau vert bien pétant.
— Mais morte à l’intérieur.
— Qu’est-ce que vous racontez ?
— Elle manque de couleurs, explique Grégoire, de fleurs, d‘insectes qui s’égayent dans ses pousses. Bref, de vie.
— Pourquoi je voudrais des insectes dans ma pelouse ?
— La biodiversité, ça vous dit quelque chose ?
— Un truc d’écolo !
— Un investissement indispensable pour retrouver un équilibre entre l’humain et la nature.
— C’est bien ce que je disais : un truc d’écolo.
— Laissez-moi essayer, juste un petit coin. Vous me direz ce que vous en pensez.
— Si vous voulez, soupire Louis Salluste qui commence à connaître le refrain.
*
— Monsieur Salluste ? Et si on transformait une partie de votre pelouse en jardin ?
Miranda a emménagé dans le petit deux-pièces au-dessus du garage avec Fabien, son compagnon.
— Il y a déjà la partie fleurs et insectes de Grégoire, répond Louis, espérant couper court aux idées de la jeune femme.
— Oh oui, mais je pensais à un jardin potager. On pourrait faire pousser nos propres légumes bios. Vous les apprécierez, je vous le garantis.
— Ça va surtout m’amener des escargots et des chenilles qui vont s’attaquer à mes rosiers. Vous savez, c’est fragile un rosier !
— Ne vous inquiétez pas, les insectes vont préférer nos légumes.
— C’est vous qui le dites.
— Et ça serait bien pour la petite.
Elle caresse son ventre arrondi. Imaginer le bébé à venir l’attendrit tout en lui inspirant une peur monstre. Un enfant. Chez lui. Et pourquoi pas un éléphant ! Taille différente mais dégâts identiques. Il va devoir réévaluer les emplacements de certaines des œuvres qui ornent sa demeure.
— J’imagine que vous savez déjà où vous voulez le mettre…? demande-t-il, ses épaules s’affaissant de dépit.
— Derrière le garage. C’est en plein soleil et légèrement en pente, ça sera parfait. Et c’est pas trop près de vos rosiers aussi.
— Ouais, ouais, ouais. Vous avez pensé à tout, je vois, grommelle-t-il. Bon, d’accord. Mais juste un essai.
— Oui, bien sûr. Merci monsieur Salluste. Oh, et monsieur Salluste ?
— Quoi encore ?
— Je peux vous appeler Louis ?
— Au point où on en est…
*
— Monsieur Louis, goûtez-moi ça.
Marjorie Dubuis occupe une des chambres d’ami depuis quelques mois. Louis tenait ses comptes depuis le décès de monsieur Dubuis. Un de ses petits jobs au noir, selon les termes de l’adjointe au maire.
Marjorie se sentait seule et venait d’adopter un cinquième chat, quand Louis lui a proposé d’emménager dans sa maison, suffisamment grande pour tous les accueillir. Elle a accepté, à condition de se rendre utile.
Très vite, elle a trouvé une place au sein de la petite communauté qui s’est formée autour de Louis bien malgré lui. Elle met la main à la pâte et dans la terre, participe à l’entretien du potager. Surtout, elle a pris les rênes de la cuisine.
— Votre sauce tomate est toujours aussi délicieuse, la félicite Louis en dégustant le contenu de la cuillère à soupe qu’elle lui tend.
— Merci, répond-elle ravie. Venez m’aider maintenant !
Louis grommelle en enfilant son tablier. C’était quand même plus facile de mettre des plats tout prêts dans le micro-ondes. Mais il doit reconnaître qu’il apprécie les légumes du jardin cuisinés par Marjorie.
*
— Monsieur Louis, regardez ce que j’ai péché.
Antoine tient une truite imposante au bout de sa ligne. Le jeune homme l’a convaincu, après d’âpres négociations, de le laisser aménager un étang en contrebas du terrain.
— Vous verrez, avait-il dit, avec des arbustes devant pour former un mur végétal, vous n’entendrez presque pas les grenouilles.
La subtilité étant dans le presque. Louis se réveille désormais toutes les nuits au chant des grenouilles. Antoine lui a affirmé qu’après une semaine ou deux il ne les entendrait plus. Ça lui fait une belle jambe ! Et ça ne l’empêche pas de se retourner plusieurs fois dans son lit avant de se rendormir, un coussin flanqué sur les oreilles.
Mais ils ont maintenant un élevage de truites, des libellules, des tritons, des grenouilles et même des hérons. C’est un écosystème de plus, c’est bon pour la biodiversité, le rassure Grégoire chaque fois que Louis écrase un moustique.
*
— Monsieur Louis, vous allez bien ?
— Oui Jacinthe, je vais bien. Merci.
La fille de Miranda et Fabien a maintenant sept ans. Elle partage une chambre avec sa petite sœur pour laisser un peu d’intimité à ses parents. Toutes les pièces de la villa sont occupées et Louis songe à déplacer son bureau dans sa chambre pour accueillir une personne ou un couple de plus.
Grégoire a emménagé au-dessus du garage. Enfin, de l’étable. Les voitures de collection ont rejoint un musée, trop chères et obsolètes face aux transports publics. Elles ont cédé la place à Azalée et Bérénice, les deux vaches laitières d’Athanase, l’ami de Grégoire. Moutons, cochons et poules sont apparus à leur suite, comme par génération spontanée.
Grégoire a proposé d’installer quelques yourtes avec toilettes sèches. Louis a grimacé. Il ne s’imagine pas vivre sans tout-à-l’égout ni eau courante. Mais si ça convient à certaines personnes, il ne voit pas d’inconvénient. Après tout, il reste de la place sur son terrain, même si un tiers a été transformé en champ de blé et un autre en pâturage pour les animaux.
Ça lui fait bizarre de penser qu’avant il occupait tout seul ce terrain. Aujourd’hui une trentaine de personnes y vivent presque en autarcie.
Quel chemin parcouru en à peine une décennie ! Lui qui voulait une retraite tranquille, le voilà à la tête d’une petite communauté bouillonnante de projets qui transforme lentement mais sûrement son quotidien. À l’opposé de ce qu’il imaginait. Mais il se sent serein.
Et vivant.
Commentaires du jury
Pour ce deuxième concours d’ »anciennes » de la Maison Commune de la Décroissance, le jury a décidé de vous accorder un prix spécial : le prix « Utopie ».
Permettez-nous ce commentaire étayé de quelques extraits de votre nouvelle…
D’un point de vue littéraire, votre nouvelle est très bien écrite, avec une présentation très synthétique des changements d’émotions, de situations. Les lecteur.rices y sont baladé.es très agréablement.
D’un point de vue politique, c’est là que nous n’avons pas pu vous faire figurer au palmarès des lauréats, car votre nouvelle nous expose la réussite d’un projet de petite communauté certes très bien mené, tout tombe impeccablement bien, les lecteur.rices se laissent faire avec plaisir… mais cela ne repose pas sur des choix politiques qui pourtant s’imposent à l’heure d’aujourd’hui. La société ne se réduisant pas à une somme d’individus juxtaposés, ce ne sont pas les « petits gestes », les entre-soi et les communautés qui vont transformer ce monde que nous rejetons, ce sont des politiques qui sont à mettre en œuvre, avec des réformes, des décisions pour changer de cap. La réforme de la retraite à montant unique en est un exemple.
D’un point de vue décroissant, nous découvrons avec plaisir dans votre nouvelle, beaucoup de points faisables, désirables, acceptables et même acceptés pour ce qui pourrait constituer un trajet décroissant à partir d’une propriété existante possédée par une personne seule beaucoup trop nantie : ce que nous plaçons dans le rejet du monde d’aujourd’hui ; propriété que l’on va transformer en reconditionnant son utilisation vers un projet partagé à plusieurs avec tous les avantages humains, sociaux et environnementaux qu’il permet.
D’un point de vue littéraire
Très bonne idée du « Monsieur Salluste ! » régulier qui rythme l’écriture mais aussi introduit tous les changements progressifs qui vont s’opérer. Et donc, très bien vu le premier « Monsieur Salluste » qui vous permet de vous « libérer » de l’incipit (un peu lourd de notre part… nous en avons eu conscience mais c’était pour la bonne cause !) et d’accrocher votre propos d’une façon très confortable pour le lecteur, pratique et synthétique pour l’écriture !
Très habile utilisation de la phrase intermédiaire imposée :
Surtout qu’à ce moment-là, on n’a pas encore le profil exact de ce [Louis Salluste], qui ne manque de rien, sauf de conscience de son cas ! [« J’ai travaillé dur toute ma vie pour m’assurer une retraite confortable. Mais avec votre nouveau système de répartition, je n’arrive pas à couvrir mes frais. Comme je vous l’ai dit, je suis forcé de rechercher des petits boulots. Et ça ne sert à rien de me servir votre « c’est d’une société centrée sur le travail dont il faut se libérer » ! Je veux bien, mais j’y arrive pas. Alors, aidez-moi à mettre votre slogan en pratique !]
C’est par la suite que vous étalez tous ses signes extérieurs de « trop nanti » : [paysagiste, employé de maison, employé d’entretien de la piscine à son service ; court de tennis, parc de voitures de collection et les assurances qui vont avec !] ! Une ruine !!! Naturellement que sa retraite d’un montant unique, la même pour tout le monde, ne suffit pas !
Ce sont les sollicitations progressives et concordantes « Monsieur Salluste ? » de tous les employés (et bientôt leurs compagnes ou compagnons, puis leurs enfants…) qui vont petit à petit lui faire lâcher du terrain, des bâtiments, l’amenant à partager, à accepter un réaménagement ! Il ne le sait pas encore au début de la nouvelle, mais en 7 paragraphes, vous aurez raison de son égoïsme et de sa solitude : sa villa personnelle, potentielle petite ruche, va être transformée [en petite communauté bouillonnante de projets qui transforme lentement mais sûrement son quotidien.] Quel trajet ! [Quel chemin parcouru en à peine une décennie, ça lui fait bizarre de penser qu’avant il occupait tout seul ce terrain. Aujourd’hui une trentaine de personnes y vivent presque en autarcie.]
Ce « Monsieur Salluste ! » récurrent devient « Monsieur Louis », tout est dit !
Vous le dites : [Il se sent serein. Et vivant.]
Votre nouvelle est très agréable à lire !
D’un point de vue décroissant
Il y a beaucoup d’éléments « décroissance/compatibles » ! La retraite d’un montant unique bien acceptée majoritairement sauf par les « ex trop nantis » du « vieux monde » (en seulement une décennie, on fait un virage plus que probant et concluant) sans avoir recours à des technologies ou autres solutions problématiques, tout est là, on reconditionne l’existant, on le repense ; on procède au partage des biens qui redeviennent communs, on peut y constater le retour de la biodiversité. Des valeurs telles que la solidarité, le plaisir d’être ensemble émaillent toutes les situations. C’est désirable, c’est faisable ! Il y avait de la fraîcheur dans votre nouvelle !