3 Contributions du CRS de Fontenay-le-Comte par Michel Mengneau, Caroline Buissou et
JM Holiet
(CRS : Collectif de résistance Sociale)
Puissance et limite des résistances locales.
Par Michel Mengneau
Pour bien comprendre l’impact du Collectif de Résistance Sociale de Fontenay-le-Comte, un petit historique s’impose…
2003 : création du CRS, suite au mouvement social sur les retraites
Le Collectif de Résistance Sociale de Fontenay-le-Comte est né du mouvement social de mai 2003. D’abord comité de grève, issu des A.G de grévistes, il s’est élargi de manière générale à tous les citoyens engagés dans une démarche de progrès social et politique. A la fin du mouvement de mai 2003, il prend ce nom car nous sommes en Résistance contre le néo-libéralisme triomphant et hyper puissant, et parce que, comme l’indique ironiquement l’abréviation C.R.S, nous sommes en état de lutte sociale. De manière collective, sans a priori nous voulons reconquérir l’espace social local !
2004 : Premier forum social organisé au Langon : « Du local au global ».
2005 : campagne pour le « NON » au référendum. Organisation d’un forum avec la participation de R.M JENNAR, spécialiste de la constitution européenne.
Le CRS initie « l’appel départemental des 200 » avec François Poupet.
Participation au meeting unitaire du « non de la gauche » à La Roche-sur-Yon.
2006 : Mouvement social contre le CPE et le CNE : organisation d’un forum social avec Gérard Filoche, inspecteur du travail, membre du bureau politique du PS.
2007-2008 : participation aux campagnes cantonales et législatives : nos candidats, Michel Bocquier et Philippe Terroire franchissent la barre des 5% !
2008 : forum social au Langon : l’évolution du Droit du Travail par Yan Dufour, inspecteur du travail.
2010 : participation du CRS aux régionales : six candidats du CRS sur la liste « Tous ensemble la gauche vraiment ».
Mouvements contre la « Réforme des retraites » : Intervention de Gérard Filoche, le 4 septembre, Salle des OPS.
Depuis sept ans : partenariat avec les syndicats pour l’organisation des manifestations à Fontenay, projections-débats de films, etc…
Ce bref historique nous permet de voir que ce pole de résistance en collant à l’actualité est un relais événementiel sur le terrain. Les informations sont donc ressenties par les citoyens de deux façons, venant par le haut et en même temps par le bas, par la proximité des événements locaux ainsi que chacun les perçoivent, accompagnées où suscitées par le CRS.
Mais n’est pas uniquement un relais puisque un collectif comme le CRS peut être aussi acteur puisque celui-ci a initié l’appel des 200 contre le Traité européen. Il a ouvert aussi, par exemple, le débat sur l’eau en s’appuyant sur le contexte local des réserves de substitution et voit les 200 spectateurs du film : « Pour quelques grains d’or » débattre pendant deux heures après celui-ci. C’est donc un impact local important qui s’ouvre sur des problèmes plus généraux puisque lors du débat il sera question de l’agriculture intensive et sa remise en question.
La participation aux mouvements sociaux du CRS, où il a fédéré les différentes formes de la contestation (principalement syndicales), en fait un élément moteur localement avec une ouverture démocratique et citoyenne que n’auraient pas permise des revendications uniquement syndicales.
Aussi, l’exemple donné à la population par ce collectif, c’est qu’il est informel, sans structure officielle, sans responsable désigné, avec un vrai débat d’idées organisé librement en son sein. Partage des taches, démocratie directe et horizontale avec un noyau de participants à peu près constant autour duquel viennent participer des épisodiques en fonction des événements.
Mais c’est aussi l’une de ses limites puisque dans nos sociétés hyper structurées un ensemble de personnes qui se réunissent sans structure établies parait suspect. Et ceci surtout pour les partis politiques qui pratiquent un centralisme démocratique nuisible à la vraie démocratie. D’où naissent un mur d’incompréhension, un rejet, que ne résoudra que la formation de réseaux avec des formes d’expressions semblables qui devront rester aussi dans le cadre d’une liberté totale d’évolution comme l’est le CRS. Nous pourrons alors voir se construire la masse critique sur des bases véritablement démocratiques.
Donc, l’un des problèmes dans une société où les esprits sont formatés, c’est de créer le questionnement hors la pensée unique, c’est une des limites actuelles des groupes locaux tant le formatage intellectuel est fort, par conséquence l’une des actions primordiales doit être l’éducation servie par une dialectique nouvelle. Mais peu de moyen sont à disposition puisque la communication actuelle est sous l’emprise du système ; l’une des solutions consiste en des soirées à thème, des projections ou autres en profitant de sujets locaux ou plus globaux auxquels les gens semblent s’intéresser ; à partir de là, ouvrir le débat en le sortant si cela est possible des sentiers battus. Actuellement, le formatage de la pensée, est la principale limite. Les aspects techniques, en y réfléchissant bien ne sont pas insurmontables, la décolonisation de l’imaginaire l’est beaucoup plus….
Puissances et limites des résistances locales
Par Caroline Buissou
Le local c’est l’horizon autour de chez soi, on y est spectateur et à la fois acteur.
On peut y rechercher d’autres alternatives, entre capitalisme et étatisme.
La résistance locale, germe, nait des citoyens, qui se mobilisent sur des idéaux émancipateurs, contre des injustices, contre la religion de la croissance, …
Elles permettent une reconnaissance du droit à la parole à tous, combinant ainsi savoir, experts, citoyens.
Les résistances locales font naître de vrais débats, pour la collectivité et encouragent le développement de la démocratie participative grâce à leurs rapports sociaux porteurs de sens, de convivialité, au sein de groupe à taille humaine.
C’est un des chemins pour réinvestir localement, l’économique, le culturel et le politique, en intervenant sur les municipalités pour qu’elles prennent en charge l’économie locale, dans le domaine de la vie quotidienne solidaire et respectueuse de l’homme et la nature.
Grâce à leurs différents panels, leur nombre croissant, elles deviennent un contre pouvoir, la voix du peuple, elles sont le chemin d’un autre possible à construire ensemble.
Les résistances locales, en étant dans la dénonciation mais aussi la proposition, essaient de penser sur le terrain, d’autres alternatives au capitalisme: (défendre l’accès à l’eau, à l’énergie, aux transports en commun, rappeler aux collectivités locales, qu’elles sont là pour satisfaire les besoins de tous et non pour le développement de profits, défendre la souveraineté alimentaire locale, respectueuse de son environnement), sont parmi les processus permettant une transition progressive à dimension humaine.
Pour cela, ces résistances locales, doivent faire exister le plus possible, une démocratie vivante dans toutes les couches de la population. Elles doivent se faire société de liens.
Elles sont limitées par le pouvoir politique local, la rigidité des institutions et l’économique.
Mais elles sont confrontées aussi à leurs propres limites, celles d’un réseau, qui tout en voulant s’adresser à la majorité, reste sélectif.
Comment les résistances locales peuvent elles faire reconquérir l’idée de citoyen au sens large et le goût pour l’intérêt politique?
L’épanouissement culturel est une des clés.
La décolonisation de l’imaginaire n’est pas encore assez regardée comme la voie qui redonnera du sens à la vie, qui dépolluera l’être de son système binaire: perte/profit
Par la voix de la culture, des pédagogies alternatives, du créatif, l’homme peut retrouver son humanité, réapprendre à penser seul, à sortir de l’esprit de compétition.
Il ne faut donc pas perdre de vue que les vrais changements viendront d’une évolution dans les comportements par une éducation appropriée à l’épanouissement et à la réflexion.
Il n’y a qu’une crise profonde du sens de l’existence qui remettra en cause le système capitaliste avant qu’il ne soit trop tard.
L’ensemble des réseaux, par leurs diversités, leur public, leurs actions, leurs engagements, leur association volontaire au sein de la société civile, contribue à faire vivre et à organiser une force démocratique, donc politique, et à encourager des bases de solidarités, qui construiront l’avenir.
Limites des résistances « locales »
Point de vue sur le CRS de Fontenay-le-Comte
JM HOLIET, participant au CRS de Fontenay le Comte
« Plus [les lois] auront respecté les droits de l’indépendance personnelle et l’égalité naturelle, plus elles rendront facile la tyrannie que la ruse exerce sur l’ignorance… ».
« Sans doute il suffirait d’arracher aux chefs leurs masques perfides ; mais le pouvez-vous ?Vous comptez sur la force de la vérité ; mais elle n’est toutepuissante que sur les esprits accoutumés à en reconnaître, à en chérir les nobles accents ».
Condorcet, Premier mémoire sur l’instruction publique,1791.
Le projet central du Collectif de Résistance sociale de Fontenay le Comte est bien d’instruire ses concitoyens par ses actions « culturelles », ses engagements dans les luttes sociales et ses participations aux élections.
Instruire pour nous c’est informer, susciter les contributions, proposer, mettre en débat. Vaste programme pour quelques dizaines de militants dans un petit coin du Sud-Vendée.
La difficulté est grande mais nous avons la faiblesse de croire que ce travail est nécessaire donc qu’il faut le poursuivre avec nos petits moyens.
Il faut résister à l’affaissement démocratique en réactivant la participation des citoyens face à une oligarchie d’esprit aristocratique qui fait tout et à tous les moyens de convaincre le peuple qu’elle seule sait et peut définir l’intérêt général tout en justifiant ses prédations. La difficulté est grande car de plus en plus de citoyens pensent qu’ils sont incapables ou impuissants, définitivement souvent.
Il faut résister au grégarisme consumériste qui fait l’être social selon l’oligarchie détentrice des moyens du pouvoir. La difficulté est grande car nos propositions portent en elles une critique radicale du capitalisme libéral ; si une majorité de citoyens constate les éléments du désastre bien peu ose imaginer « autre chose », un autre possible. Deux exemples : comment imaginer qu’il est possible de gérer équitablement et durablement les ressources autrement que par le marché, c’est-à-dire par la peur entretenue des « augmentations » de prix et de la pénurie « inévitable » ? Comment mettre en oeuvre les solutions qui peuvent faire reculer le nombre d’humains souffrant de la faim quand le « marché » a totalement échoué.
Nos propositions se heurtent à une idée que l’oligarchie dirigeante a gravé dans les esprits : la démocratie s’arrête au seuil de l’économie. Nous assistons encore impuissants à la mise en place des lois qui garantissent les « droits de l’indépendance personnelle et de l’égalité naturelle ». Condorcet nous avertit que la tyrannie est en marche si personne ne s’occupe d’instruire les citoyens pour qu’ils puissent choisir librement leur destin en refusant la « guerre de tous contre tous » au profit de la solidarité qui assure la liberté de chacun, notamment celle de mettre leurs talents au service de tous les autres.
Si la tâche est immense et urgente on ne peut pas être complètement pessimiste quand on constante le nombre d’associations où les citoyens se saisissent des problèmes, proposent et souvent mettent en oeuvre des solutions. Le CRS a voulu faire émerger la cohérence de tous ces engagements et susciter la « densification » de la participation citoyenne, faire de la politique au sens premier du mot. De ce point de vue et pour l’instant, au niveau départemental, sa participation au Front de gauche est un échec en raison du refus des partis fondateurs d’en faire un forum fédérant les citoyens volontaires sur leurs propositions après débat. Là est notre limite… dans l’immédiat.
Pour l’avenir faut-il ne compter que sur les catastrophes disqualifiant les oligarchies au pouvoir pour qu’une majorité de citoyens reconnaissent dans nos analyses une grande part de vérité et dans nos propositions des pistes pour organiser un monde meilleur ?
Le mot « résistance » ne définit que partiellement l’action du CRS dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de défendre ce qui a été construit depuis plus d’un siècle. Il a aussi toujours mis en débat ses analyses et interprétations des événements et ses propositions. Il s’agit bien de construire un autre possible répondant aux « nouveaux » problèmes en intégrant les solutions déjà pensées ou en gestation dans les esprits.
J’ai dit dans la contribution précédente l’impasse de la solution du Front de gauche sur le plan local au moins. On notera au passage que le CRS n’a jamais imaginé être le fédérateur de tous ces militants d’associations ou simples citoyens ayant le désir de participer à l’élaboration d’un projet et de s’engager pour le faire connaître. Nous pensions que le Front de gauche ne devait pas les laisser sur le bord de la route en restant une alliance entre partis qui conservent leurs stratégies propres en décidant au sommet des candidatures tout en pensant qu’il leur suffira de présenter leurs propositions pour susciter l’adhésion. En matière de renouvellement des pratiques de la démocratie on ne peut faire pire … et plus conservateur.
Certains dirigeants du PCF , dont on se demande s’ils ne sont pas atteints de paranoïa aiguë, ont vu dans cette conception du Front de gauche une négation du rôle des partis politiques et même une menace pour leur existence si on en juge par leurs réactions. La plus mauvaise langue du CRS a été jusqu’à dire qu’il s’agissait de paranoïa de type stalinien dont le symptôme est l’incompréhension et la peur de la pratique démocratique. Cette même mauvaise langue dit aussi haut et fort l’engagement et les capacités d’organisation des militants de ce parti et pour nombre d’entre eux leur contribution au débat.
Sur le plan local, le CRS et les idées qu’il défend me semblent bien identifiés par une part de la population de la ville et de ses environs immédiats.
Ses participants sont connus sinon reconnus par les militants des syndicats, des associations, voire des partis politiques par leur participation à certains débats intersyndicaux, à l’organisation des tractages et manifestations ; aussi par le relais que le CRS offre aux actions de nombreuses associations ( infos sur la liste, rézocitoyen et le blog).
Ses participants sont connus et reconnus par les actions nées de leur initiative. Parmi celles-ci : le forum 2005 sur le traité constitutionnel, la participation aux élections législatives de la circonscription en 2007 et 2008 puis aux européennes , régionales et cantonales, la conférence de G. Filoche sur la question des retraites en septembre 2010, les ciné-débats lancés depuis 2010. Il faut aussi signaler les lettres ouvertes ou communiqués de presse en direction des gens au pouvoir( municipalité PS de Fontenay-le-Comte et sa Com-Com et même majorité de droite-droite du département).
Pour autant les membres du CRS se sont peu préoccupés de mesurer leur influence sur le cours des choses sinon qu’ils ont été acteurs d’un succès en 2005 , des échecs de 2007(pas de candidat unique à gauche de la gauche) et de l’automne 2010. C’est souvent aussi que le CRS est en participation avec de nombreuses associations…
Cependant un fait majeur émerge nettement : le besoin de s’informer, d’exprimer son opinion, de proposer et de débattre des solutions existe chez bon nombre de nos concitoyens bien au-delà des « cercles militants ». On peut citer en exemples : le nombre de présents-participants à la conférence de G. Filoche puis à la vidéo qui en a été tiré, au ciné-débat sur « Usage et mésusage de l’eau » organisée dans la capitale vendéenne de la décroissance (Ste Christine de B.), aux différents autres cinés-débats, etc . . Nous avons la faiblesse de croire que ce que fait le CRS contribue a apporté quelques réponses à ce besoin qui, soit dit en passant, montre que l’affaissement de la démocratie peut être endigué.
La nécessité et l’urgence de fédérer pour peser sur le cours des choses se sont imposées surtout après 2007 . On sait l’impasse de la solution Front de gauche par la base, c’est-à-dire en faisant confiance aux multiples initiatives locales. Atteindre la « masse critique » semble bien difficile à court terme.
Le CRS continue donc sans statut, sans cotisation ni carte et forcément sans président ; un tel « machin » échappe encore à l’imagination de beaucoup et vit depuis neuf ans. Pourtant c’est simple:ordre du jour ouvert,liberté de parole, débat, liberté de s’engager dans les actions et vient qui veut. On y entend beaucoup de propositions novatrices et l’ambiance est nettement à « gauche de la gauche » sans exclusive…
Juillet 2O11