Publié dans Alter Echos n°12 -Décembre 2008
La croissance n’est pas la solution, mais le problème
En réponse aux urgences mondiales, sociale, écologique et humaine, nous avons besoin d’offrir, d’étudier et de nous emparer d’un projet politique en rupture radicale, avec le modèle économique et politique dominant.
Il reste indispensable d’offrir à ceux qui souffrent, les outils nécessaires à la résistance, à l’enthousiasme du projet et à la reprise en main de leur destin. Et, ce ne sont pas de perpétuels appels à l’unité, nourris par un panel de revendications quantitatives et illusoires, qui nous permettront de sortir de l’impuissance et de remplir le vide de l’espérance émancipatrice.
Le système capitaliste dominant et mondialisé, profondément inégalitaire, fondé sur le concept de « développement” introduit par le président américain Truman en 1949, se révèle destructeur de nos milieux naturels et des liens humains qui fondent le vivre ensemble solidaire. Les réponses apportées par la social-démocratie, gestionnaire docile de l’ultralibéralisme nous conduisent aux mêmes impasses.
Seule une réflexion critique et radicale du modèle productiviste permettra de remettre en cause les notions de croissance et de ses corollaires : développement, pauvreté, perte des biens fondamentaux, concurrence entre les peuples et les individus. La croyance et l’idéologie selon lesquelles, la croissance et le progrès scientifique et technologique “amélioreraient nécessairement et inévitablement le bien-être des gens sur terre” a fait faillite.
“La vision du développement qui a inspiré les efforts internationaux se trouve au bord de l’extinction. Il ne s’agit pas d’un déclin temporaire de la volonté politique, ni de la conséquence d’un ralentissement économique temporaire dans le Nord industriel. C’est plutôt l’idée de développement elle-même qui disparaît du paysage comme conséquence directe deschangements et discontinuités massifs de notre temps.”
Vers des catastrophes planétaires majeures
Nous faisons partie des premières générations à vivre une civilisation sans repère spirituel, sans lien ni repère sacré qui nous unissent à la Terre, sans lien de solidarité entre les peuples et les individus. “La disponibilité et l’accès à l’eau – à ses usages – constituent un droit humain (universel, indivisible et imprescriptible) individuel et collectif. L’eau est un symbole réel du caractère “sacré” que nos sociétés attribuent à la vie. L’eau est sacrée. (Riccardo Petrella, Vers un pacte social mondial sur l’eau).
Nous faisons partie des premières générations occidentales à concevoir, reconnaître, entrevoir que les conséquences, inhérentes à la perte de ces liens, ne sont pas le seul fait de tragédies nationales isolées, mais bien les prémices de catastrophes planétaires majeures.
Nous sommes les premières générations nourries à l’idéologie du PIB, à commencer à admettre que nos destins sont liés, non seulement au destin de l’ensemble de l’humanité, mais également à notre environnement.
Remettre en cause le salariat et le productivisme
Différents appels conjuguent les trois urgences sociale, écologique et démocratique. Difficile de faire moins lorsque le dérèglement climatique et la crise énergétique s’accélèrent, lorsque les risques de destruction des écosystèmes menacent directement nos conditions mêmes d’existence. Dans ce contexte, exacerbé par la crise financière actuelle, la “gauche de la gauche” nous invite à ne plus oublier “la nécessité de redistribuer les richesses”.
La réponse politique de la gauche enfin à gauche serait-elle seulement celle de redistribuer, de façon plus égalitaire, les profits financiers qui sont l’essence même du capitalisme, de l’aliénation des peuples et de la destruction de leurs modes de vie et des écosystèmes. La gauche enfin à gauche ne remettrait-elle pas en cause, ni le salariat, ni la redistribution des profits monétaires, ni le productivisme qu’elle se targue de transformer en un développement prétendument durable.
On imagine que l’aspiration à d’autres mondes possibles serait celle de dépasser l’objectif aliénant que représente la recherche effrénée et vaine, de l’augmentation du pouvoir d’achat. On imagine que l’aspiration des salariés serait de se débarrasser de l’aliénation du salariat, de la consommation et de la monnaie spéculative, pour retrouver la maîtrise de leurs usages et l’instauration d’un revenu universel inconditionnel.
On imagine que l’aspiration des populations serait l’autogestion généralisée de leur vie et l’expérimentation d’alternatives de sociétés dans lesquelles les profits monétaires et le productivisme seraient exclus.
La gauche de la gauche, “la gauche (Die Linke)” nous maintiennent dans une vision productiviste et techniciste du monde, bien éloignée de celles des écologistes, des altermondialistes et des objecteurs de croissance. L’absence de radicalité, le flou entretenu sur leurs futures alliances à vocation majoritaire, empêchent l’intégration des objectifs écologistes, mais également ceux anti-capitalistes du NPA. Empêchant ainsi la création d’un large front de résistance.
Pour une Entente de l’Ecologie Radicale et Sociale
Nous sommes nombreux à oeuvrer et à nous mobiliser pour :
- qu’un projet politique prenne en compte les réalités sociales économiques et écologiques tout en intégrant l’indice de développement humain et l’empreinte écologique,
- que se refonde une pensée écologiste qui n’envisage pas, de quelque manière que ce soit, la gestion d’un système économique, qui ruine l’espérance des vies sur cette planète,
- qu’écologistes, altermondialistes, altermondistes et objecteurs de croissance se rassemblent pour porter un projet de rupture avec ce capitalisme dévastateur et proposent des alternatives émancipatrices aux dominations,
* que ce projet écologiste autonome, ouvert et qui accepte de travailler avec d’autres, soit enfin proposé comme une utopie réalisable, pour des alternatives concrètes qui préservent l’avenir des générations futures, en harmonie avec les autres êtres vivants, avant que ne s’amplifient les catastrophes, la pénurie et la récession.
Ceci est le sens de l’entente de l’écologie radicale, mise en place à Miremont et qui a réuni sept sensibilités. Les prochaines rencontres se tiendront à Avignon, début janvier 2009.
Un Pôle de radicalité
Par ailleurs, nous pensons que, parallèlement et sans occulter ni renoncer à nos propositions, un large front de résistance, (un pôle de radicalité), doit se mettre en place sur des propositions d’actions et de luttes, y compris dans le domaine institutionnel.
Nous devons rompre avec le bipartisme et le système majoritaire qui empêche toute émergence d’initiatives en rupture avec l’idéologie dominante.
Si nous privilégions la nécessité de la création d’une entente de l’écologie radicale et sociale, nous pensons qu’il est souhaitable qu’un tel pôle de radicalité se mette en place avec d’autres composantes issues de la gauche alternative et anticapitaliste et, incluant le mouvement social.
C’est tout le sens de la contribution du mouvement politique des Objecteurs de Croissance.