Il n’est pas évident d’ouvrir un tel dossier ; d’où le besoin de poser d’emblée quelques précautions :

  • C’est bien de « conflictualité » que nous voulons discuter plutôt que de « violence ». Car il peut y avoir un bon usage de la conflictualité.
  • Cette question est « potentiellement explosive » pour reprendre l’expression d’Aurélien Berlan à la fin de Terre et Liberté (page 208).
  • Nous voulons en discuter parce que la discussion est précisément une des façons de tenter de régler un conflit ; mais nous savons qu’aujourd’hui c’est la discussion qui peut être vécue comme une intrusion humiliante dans le for intérieur de ceux qui ne conçoivent plus la société que comme une juxtaposition d’individus.
  • C’est pourquoi nous défendons l’idée que les décroissants doivent s’approprier le conseil délivré par A. Berlan : « Nous devons entretenir une culture du conflit qui ne cherche pas à fuir la conflictualité, mais à l’assumer tout en cultivant les qualités humaines permettant d’en désamorcer le potentiel explosif ».

Pour ce dossier, les « domaines » du conflit sont divers :

  • Géopolitique : les conflits entre États.
  • Intra-étatiques : les conflits sociaux.
  • Sans oublier qu’à l’intérieur même de nos projets politiques, les conflits sont là. Que les décroissants ne se contentent pas de se raconter que la conflictualité ne doit être dirigée que contre ce que l’on rejette ; il y a une conflictualité interne au projet politique de la décroissance : tout simplement déjà parce que tout le monde n’est pas décroissant et que la question politique est celle de l’acceptabilité de ce que nous, nous trouvons désirable.

Si une société n’est pas une juxtaposition d’individus, alors le refus d’une telle conception (nominaliste) devrait inciter les décroissants à pousser jusqu’au bout la logique d’une conception relationnelle de la société. Autrement dit, la source des conflits n’est pas individuelle. Mais la conflictualité naît des interactions, des relations.

La conséquence est décisive : la société idéale ne sera pas une société sans conflit mais avec conflits. Ce qu’il faut alors construire, c’est la possibilité que les conflits ne soient pas désintégrateurs.