Ce à quoi nous assistons aujourd’hui c’est à la bipolarisation du monde en 2 camps : il y a les pays qui font déjà la guerre et il y a tous les autres qui s’y préparent. Les uns au prétexte de la « guerre préventive », les autres au nom du principe Si vis pacem, para bellum.
Bref, la guerre partout. Concrètement, des budgets militaires en croissance.
Mais alors, pourquoi la guerre plutôt que la paix ?
Si on écarte les explications de facilité de type essentialiste – « c’est dans la nature de l’homme d’être un loup » – on peut quand même en proposer 2 :
- Quand l’idéologie dominante – le libéralisme et ses variantes comme le néolibéralisme et l’hyperlibéralisme – impose une conception individualiste de la liberté (selon laquelle seule une autre liberté peut venir limiter la mienne) alors il ne faut pas s’étonner que, pour un libéral, la première des libertés, c’est la sécurité. Sauf que la sécurité, ce n’est pas la paix. On garantit sa sécurité contre ses ennemis ; on fait la paix avec ses ennemis. C’est sans étonnement que nous retrouvons là la conception libérale de l’interaction comme Marché (organisé par la main invisible de la concurrence, c-à-dire par la lutte de chacun contre chacun). C’est sans étonnement que les décroissant.e.s défendent une conception socialiste de la liberté au sein d’une société organisée à partir du partage pour et avec les autres.
- C’est chez George Bataille que nous pouvons trouver une explication supplémentaire. Quand il fait remarquer qu’une société produit toujours plus qu’il n’est nécessaire à sa subsistance, qu’elle dispose toujours d’un excédent. « C’est précisément l’usage qu’elle en fait qui la détermine ». D’où la question politique envisagée du point de vue de ce que Bataille appelle « économie générale » : car, selon lui, il n’y aurait que 3 façons de dissiper ce surplus : la croissance, la guerre ou la dépense. Or aujourd’hui, les dominants ont enregistré que nous étions entrés dans le monde de la finitude des ressources (Arnaud Orain, Le monde confisqué, Essai sur le capitalisme de la finitude), qu’il n’y en aurait pas pour tout le monde ; et comme ils ne veulent pas de la solution partageuse de la dépense commune (Quinn Slobodian, Le capitalisme de l’apocalypse, ou le rêve d’un monde sans démocratie), il ne reste plus que la voie de la guerre. Et c’est la guerre tous azimuts.
C’est dans ce contexte géopolitique que se situeront les (f)estives 2025 de la décroissance que nous organisons en Normandie, au milieu du mois d’août (fin juillet, nous serons à Décroissance, le Festival). Et les 2 moments que nous organiserons viendront apporter des éléments de réflexion et de discussion à l’analyse précédente :
- La rencontre avec Onofrio Romano : parce qu’il n’y a pas de critique du « régime de croissance » (et donc DES libéralismes) sans plaidoyer en faveur d’une économie politique de la dépense (au sens de G. Bataille).
- Le focus sur la propriété : parce que dans la conception libérale, la propriété est le résultat d’un accaparement (appropriation, expropriation) caractéristique d’une vision du monde (bourgeoise, propriétariste) pour laquelle l’autre chose (l’altérité) doit être ramenée à sa chose, à sa propriété : par la marchandisation, par la mise à disposition générale de toutes les ressources, par leur exploitation. Nous avons besoin d’une conception de l’altérité comme autre chose qu’une marchandise ou qu’une propriété.
