Critique décroissante des tables rondes

En quoi peut-il être judicieux de se référer à la décroissance pour diriger une critique contre cette forme particulière d’intervention qu’est la table ronde ?

Cela fait plusieurs années que la MCD a pris conscience que pour changer de société, il ne fallait pas oublier de changer la façon de débattre :

C’est pourquoi, tous les ans, à chaque (f)estive, nous reprenons sans le modifier notre texte sur le besoin de méthodes. En voici le premier paragraphe.

La décroissance est un chemin vers une société sobre et juste, qui reste à inventer… Les (f)estives se proposent elles aussi de tenter des expérimentations sur le fonctionnement des groupes et les discussions entre décroissant.e.s… Trois principes à la base de ces expérimentations :

  1. Honorer nos intervenants, en leur donnant le temps de s’exprimer, de développer leur pensée : ne pas les mettre en concurrence. Mais, soit leur consacrer toute notre écoute, soit organiser une discussion bienveillante avec un autre intervenant.
  2. Nous respecter nous-mêmes : prendre le temps de réfléchir et d’assimiler la matière apportée par l’intervenant. Ne pas hésiter donc à y revenir plusieurs fois, en prenant le temps de digérer.
  3. Faire émerger des propositions concrètes à l’issue de chaque session thématique : modes préférentiels de vie, éléments d’un lexique commun, clivages de fond, actions de refus comme de construction, belles revendications.

Nous voulons en finir avec les traditionnelles tables-rondes, avec les questions hors sujet, avec les échanges hargneux et les prises de parole intempestives… Surtout que le thème des (f)estives renvoie toujours à une critique de l’individualisme, c’est-à-dire cette « fable » qui raconte qu’une société se construirait à partir de ses individus juxtaposés. Nous voulons au contraire défendre l’idée que la société précède les individus, que le Commun précède le Particulier. Dans ces conditions, ce serait peu cohérent de prétendre en débattre en plaçant côte à côté des intervenants, aux temps d’interventions réduits, avant de passer aux fameuses « questions de la salle » qui par expérience ne sont que trop souvent une suite de questions juxtaposées. Il y a là une façon de « consommer » les intervenants qui ne nous semblent pas la meilleure des manières de les honorer, d’honorer ce qu’ils sont venus nous offrir.

Et voilà que le mardi 6 mai, nous écoutons sur France Inter le podcast de David Castello-Lopes : « Faut-il participer à des tables rondes ? » https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-question-de-david-castello-lopes/le-billet-de-david-castello-lopes-du-mardi-06-mai-2025-5279109

  • Il est amusant ; même si les rires en arrière-fond sont irritants.
  • Il est basé sur quelque expérience.
  • Il contient quelques piques plutôt bien vues.
  • Mais : sa critique revient à simplement dire que les tables rondes ne servent à rien. Il a raison, mais pourquoi ne servent-elles à rien alors que les invités sont la plupart du temps qualifiés, et même compétents ?
  • Parce qu’une table ronde n’honore pas cette compétence. Parce qu’on juge une compétence sur son rapport à la vérité alors qu’une table ronde n’a pas la recherche de la vérité comme objectif. Une telle recherche serait un objectif qualitatif ; alors que tout le monde a déjà pu constater qu’aucun critère qualitatif ne vient organiser le contenu d’une table ronde. Les seuls critères que connaît la table ronde sont quantitatifs et ils portent sur le temps de parole, la fréquence des prises de paroles, le tout au nom d’une égalité de principe.
  • Mais si l’objectif d’une table ronde n’est pas la recherche partagée de la vérité, quel est-il ? C’est l’exposition des différentes opinions des intervenants. Cette exposition est un spectacle. Pourquoi ce spectacle ? Pour que chaque auditeur puisse « se faire sa propre opinion ».
  • Il n’est donc effectivement pas question de recherche de la vérité, mais seulement de fabrique des opinions.
  • Rappelons que s’il est démocratique de défendre « à chacun son opinion », on commence aujourd’hui à s’apercevoir que le même pluralisme en matière de vérité – « à chacun sa vérité » – revient à alimenter le brouillard des fakes et des « vérités alternatives », autrement dit à saper la démocratie.

Devons-nous en déduire que la MCD refuse de participer à des tables rondes ?

  • Pas du tout ! Parce que, quand cette forme est hégémonique comme elle l’est aujourd’hui, pratiquer la politique de la chaise vide reviendrait tout simplement à se faire expulser du débat public. Autrement dit, il faut y aller exactement comme aux débuts de la publicité, quand les marques de lessive faisaient de la réclame, non pas pour gagner des parts de marché, mais pour ne pas en perdre.
  • Y aller donc, mais sans guère d’illusion.
  • Peut-être réussir à saisir l’occasion d’en dénoncer les effets pervers.
  • Et par miracle, réussir à dire que cette forme « table-ronde » est l’une des formes les plus efficaces du régime de croissance pour imposer son horizontalisme.

Pour une présentation bienveillante de la table ronde : https://www.helloasso.com/blog/comment-preparer-une-table-ronde

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