
Si on reprend l’image classique de l’iceberg, l’économie constitue la partie émergée de la croissance. Mais Serge Latouche a eu raison de nous avertir : quand, dans une société, l’économie devient une économie de croissance, alors nous ne vivons pas dans une société avec la croissance comme boussole économique, nous vivons dans une société de croissance. La partie immergée de la croissance, c’est ce monde, qui est aussi celui de l’aéroport, du portable, de la voiture, du tourisme, du nucléaire, des métropoles, de la publicité…

Mais alors, suffirait-il de changer d’indicateurs économiques ou de produire de nouveaux récits ou de nouveaux imaginaires pour rompre avec l’emprise de la croissance ? Pour le croire il faudrait réduire l’hégémonie de la croissance au seul encastrement de nos sociétés modernes dans l’économie. Mais dans ce cas-là, comment expliquer pourquoi la croissance a réussi à imposer son hégémonie ?
Si on revient à l’image de l’iceberg, ne faut-il pas chercher cette explication en se demandant dans quel milieu flotte l’iceberg de la croissance ?
L’hypothèse posée par Onofrio Romano d’un régime de croissance fournit-elle cette explication ? Ce régime politique de croissance est-il le milieu dans lequel nous fait baigner la croissance ?

A manquer de (ce) cran politique dans la critique de la croissance, et donc à en rester à réduire la décroissance à une décrue (économique) et une décolonisation (de nos imaginaires), les décroissant.e.s ne s’enferment-ils pas à chérir les causes dont ils déplorent les effets ?
C’est à partir de ce faisceau d’interrogations que ces deux jours de rencontre seront consacrés à échanger et discuter avec Onofrio Romano.
- Conférence d’Onofrio Romano : Présentation du régime de croissance par ses effets tels que l’individualisme, le relativisme, l’activisme, le neutralisme, l’horizontalisme, le technicisme…
- Intervention + discussion avec Onofrio Romano : le régime de croissance est-il un autre nom du libéralisme ? Dans ce cas, comment intégrer à l’hypothèse du régime de croissance les évolutions idéologiques de ce libéralisme : néolibéralisme, hyperlibéralisme, libertarisme ?
- Intervention + discussion avec Onofrio Romano : Comment sauver nos valeurs du brouillard de l’horizontalisme ? Suffit-il de jeter l’eau sale de l’horizontalisme pour sauver le bébé de l’horizontalité ? Ou alors, faut-il envisager une certaine verticalité compatible avec les valeurs qui portent la décroissance ? Quelle « forme verticale » pourrait encadrer les citoyens et les institutions « afin de mettre en place une véritable alternative de décroissance, c’est-à-dire une société »souveraine« libérée du servilisme » ?
- Disputation avec Onofrio Romano : Si la question du sens de la vie est une question politique, comment penser ce sens de la vie comme une bataille ?
Pour creuser
Une présentation du livre d’Onofrio Romano, Towards a Society of Degrowth (Routledge, 2020, la traduction française, Critique du régime de croissance, est parue en 2024 chez Liber) : https://decroissances.ouvaton.org/2024/02/24/jai-lu-towards-a-society-of-degrowth-donofrio-romano/
Une interview d’Onofrio Romano parue dans le n°3 de la revue Mondes en décroissance : http://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/index.php?id=412
Une conférence de Michel Lepesant aux rencontres « Décroissance, le Festival », en juillet 2024 : Pourquoi faut-il renverser le régime de croissance ?
Onofrio Romano se revendique de la pensée de George Bataille. Une présentation de La part maudite (1949) : https://decroissances.ouvaton.org/2017/08/12/jai-relu-la-part-maudite-de-georges-bataille/