Où est le sens ? de Sébastien Bohler

Où est le sens ? de Sébastien Bohler (Robert Laffont, 2020)

Comme la plupart des ouvrages dédiées à la réflexion sur les incertitudes quant à l’avenir de l’humanité, le livre de Sébastien Bohler, Où es le sens ?,  part d’un diagnostic très classique, c’est à dire très pessimiste quant à cet avenir : changements climatiques, perte de biodiversité, pénuries de matières premières, coût de l’énergie, pollution, migrations climatiques, nouvelles pandémies, etc.

Son intérêt réside dans le fait que le coupable désigné est moins « classique ». En effet ce n’est pas le système économique capitaliste et ses diverses déclinaisons productivistes, extractivistes etc. qui sont pointés du doigt, c’est à dire considérés comme les causes initiales.

C’est au niveau du cerveau humain que le neuroscientifique Sébastien Bohler recherche ces causes.

Dans son précédent livre (Le bug humain, Robert Laffont, 2020) il nous montrait comment le fonctionnement primitif de notre cerveau, celui même qui assurait notre survie, nous pousse maintenant dans un délire consumériste sans limite. Il laisse toutefois ouvertes des possibilités de reprise en main de notre destin.

Son dernier ouvrage s’attarde sur le rôle important du cortex cingulaire qui a un fort besoin de sens pour éviter de se trouver dans les situations quasi permanente de dissonance cognitive que génère une société qui s’est construite autour de la consommation mais qui nous met en garde « en même temps » sur ses impacts négatifs.

L’auteur nous propose une nouvelle transcendance en remplaçant l’adoration d’un dieu par l’émerveillement devant la nature.

«  Plus que l’alcool, les autres drogues, le consumérisme ou la crispation identitaire, l’émerveillement constitue un antidote puissant contre l’angoisse existentielle qui nous saisit tous à la gorge devant l’arrivée des grands cataclysmes » et nous pourrions rajouter également : face à notre mort.

Et de préciser que des personnes ayant cette capacité d’émerveillement ont un cortex cingulaire plus petit que la moyenne, ce qui indiquerait qu’il serait moins sollicité…

Les autres, largement majoritaires, redoutent toute forme d’incertitude et font travailler leur cortex cingulaire pour s’en protéger à coup de dénis, de croyances religieuses, de recherche d’ordre, de comportement moutonniers, de théorie du complot, bref, tout ce qui peut donner l’illusion rassurante d’une lisibilité dans un avenir qui ne l’est pas dans la réalité.

Les dernières lignes du livre sont éclairantes : « L’homme du troisième millénaire est placé face au choix entre le sens et la puissance. La puissance est un leurre, nous le savons, mais nous devons maintenant aller jusqu’au bout de son procès 1. Une fois que cela sera fait, nous pourrons nous tourner vers notre avenir » c’est à dire nous construire un nouvel imaginaire, un nouveau récit…

Cet essai s’appuie sur les dernières découvertes en matière de neurosciences, ses références nombreuses à des expériences dans ce domaine, mais également en psychologie rendent sa lecture accessible et agréable.

Les nationalistes, les complotistes, les techno-scientistes, les pseudos hédonistes adeptes du no limit sont dénoncés avec habilité. Même si le terme « décroissance » apparaît rarement, il transparaît tout au long de l’ouvrage comme la transition indispensable.

Cette transition ne pourra s’envisager qu’à partir d’un imaginaire décolonisé des valeurs consuméristes et qui aura ainsi permis à notre cortex cingulaire de s’apaiser et se dédier à la construction du nouveau récit de la société de l’a-croissance.

Pour un approfondissement sur le rôle du cortex cingulaire : https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-cortex-cingulaire-anterieur-entre-douleur-et-depression

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Notes et références
  1. Ce processus est celui de la décolonisation de notre imaginaire.[]
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