La récente campagne des primaires écologistes a réussi à placer pour un temps la décroissance au centre des débats. Ces primaires ont désigné un candidat : il est très improbable qu’il reparle de décroissance, si ce n’est pour l’esquiver.
Et pourtant, le candidat désigné va multiplier, à l’instar des autr.e.s candidat.e.s de « gauche », les incantations pour une transformation sociale et écologique. Ils vont tou.te.s réussir à évoquer une « transformation » sans que jamais son cadre de départ ne soit réellement évoqué.
Ce cadre est celui que les récents rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de l’IPBES (la plate-forme des Nations unies pour la biodiversité et les écosystèmes) viennent de parfaitement définir, c’est celui du dérèglement climatique et de la perte de la biodiversité. Ce cadre nous dit que les plafonds de l’insoutenabilité écologique sont dépassés. N’importe quel enfant qui joue sur un terrain de sport sait que quand la balle ou le ballon est hors du cadre, alors le jeu commun s’arrête et il ne peut reprendre que quand on est revenu dans les limites du terrain.
Eh bien ce savoir enfantin semble interdit aux économistes et aux politiques du monde de la croissance. Ils continuent de vouloir faire rentrer une croissance infinie dans un monde fini.
Dès l’âge de 6 mois, les « enfants » peuvent jouer au trieur de formes ; c’est là qu’ils découvrent et apprennent qu’une forme en étoile ne passera jamais dans une ouverture en carré. Cela s’appelle le principe de réalité.
Et pourtant aujourd’hui des « adultes » prétendent faire passer en force une économie à la croissance infinie dans un monde écologiquement fini.
C’est donc par simple réalisme qu’il faudrait organiser démocratiquement la « transformation sociale et écologique » pour repasser sous les plafonds de l’insoutenabilité écologique. Plus vite ce retour dans le cadre des conditions naturelles de la vie humaine sera engagé, plus le temps de cette inversion généralisée de paradigme sera abrégé. L’analogie avec un sevrage est bonne. D’autant qu’aucun sevrage n’est « inéluctable », et il ne peut réussir que par choix.
Mais personne ne songerait à proposer à un addict de faire du sevrage un projet de vie : ni l’addiction ni le sevrage ne sont des projets de vie. Personne ne devrait donc songer à faire de ce temps de retour sous les plafonds de l’insoutenabilité écologique un « projet de société ».
Le « projet de société », il est post-décroissance, post-sevrage. Et c’est dans ce projet que l’on trouve les valeurs qui donnent sens au trajet de décroissance. Mais sachons respecter l’ordre du temps : le temps du projet ne doit pas venir court-circuiter celui du trajet.
Si la décroissance était un « projet de société », alors il serait sensé de « décroître pour décroître ». Or il n’est pas plus sensé de décroître pour décroître (vers zéro et en deçà ?) que de croître pour croître (vers l’infini, et au delà ?).
La responsabilité et le réalisme ne doivent donc se tromper ni de projet ni de trajet.
Esquiver ce temps de trajet décroissant, c’est infantiliser la politique.