Intervention du MOC à NDDL le dimanche 6 juillet 2014, lue par Thierry Brulavoine

NDDL, 1 aéroport de plus ? Non, 2 de trop !

Intervention du MOC à NDDL le dimanche 6 juillet 2014, lue par Thierry Brulavoine.

  •  D’un côté, 3,5 milliards d’humainEs, la moitié de la population mondiale, de l’autre 67 milliardairEs (1). D’un côté la misère et la pauvreté, de l’autre la richesse. Que voulons-nous ? Plus de richesse ? Plus de croissance ? Non, il y a déjà trop de richesse, trop de croissance, trop de croissance des inégalités. C’est indécent !
  • Le dernier rapport (le 5ème) du GIEC (2) prévoit d’ici à 2100 une augmentation de 4,8 °C. Les conséquences sont connues : plus d’événements climatiques extrêmes, plus d’insécurité alimentaire, plus de problèmes sanitaires, plus de migrations forcées. Que voulons-nous ? Toujours plus de croissance économique ? Non, trop c’est trop.

Voilà deux raisons suffisantes pour qu’au MOC, le Mouvement des Objecteurs de Croissance, on affirme que : la croissance n’est pas la solution c’est le problème. NDDL, 1 aéroport de plus ? Non, 2 aéroports de trop !

Comment sortir de ce « trop » ? Il est temps de choisir les décroissances, celle notre empreinte écologique et celle des inégalités. Au MOC, nous demandons : comment, puisque tous les plafonds de soutenabilité écologique sont dépassés, comment revenir démocratiquement dans les limites d’un espace écologique commun ? Comment en même temps repasser sous un plafond de soutenabilité écologique et passer au dessus d’un plancher de justice sociale ?

Ces questions, le MOC les pose à NDDL où nous sommes sans interruption depuis 2009 et le Camp Climat, tous les ans lors des rencontres d’été et surtout au cœur même de la ZAD, dont une part décisive de l’esprit penche du côté de la décroissance. C’est fort de cette légitimité politique que le MOC se permet de poser 3 questions, non pas incongrues mais centrales, directes, radicales :

1- Qu’est-ce qu’un aéroport ? C’est un monde !

Un monde où le trafic aérien gros émetteur de gaz à effet de serre doit croître sans cesse pour faire croître encore et toujours plus la richesse des riches.C’est le monde de la vitesse et d’une mobilité incessante pour les forçats du travail et les aliénés du tourisme. C’est un monde qui n’hésiterait pas à raser le paysage magnifique de NDDL et l’art de vivre de ses habitants.

C’est pourquoi il ne suffit pas de refuser un aéroport : il suffit pour cela d’être anticapitaliste ou antilibéral.

Il faut aussi refuser le monde qui va avec. Et pour lutter contre un aéroport et son monde il faut être antiproductiviste.

C’est au nom de cet antiproductivisme que nous refusons un monde dans lequel il est utile qu’il y ait de telles infrastructures de transport (3) pour mettre, non pas en relation, mais en concurrence des régions économiquement définies. Contre une telle concurrence généralisée entre les territoires :

  • Nous proposons une véritable réforme territoriale qui construirait les régions non pas comme des pôles économiques de production, de consommation et de distribution mais comme des territoires d’abord définis par des identités culturelles. Pour bien vivre, ce n’est pas de régions compétitives dont les habitants ont besoin, c’est d’un redécoupage régional en terme d’identité culturelle, où il y aurait une région Basque, une région Bretagne avec la Loire-Atlantique, une région Catalane…
  • Un « vrai monde », ce serait celui dans lequel il s’agit d’abord de satisfaire les besoins essentiels des populations locales : « car ce qui compte c’est de pouvoir vivre, au pays, d’une activité utile, pour la satisfaction des besoins des populations locales : l’inverse du modèle actuel agricole breton en faillite » (4). Pas question donc de renforcer la concentration industrielle et agricole et de toujours faciliter la mobilité des travailleurs ; c’est à dire accentuer ce qui provoque les catastrophes !
  • Dans un « vrai monde », les mots d’ordre sont ceux de la relocalisation et de la proximité : tout le contraire de ce dont tout aéroport est toujours le symbole !

→ Si donc nous voulons nous engager réellement dans une politique volontariste de reconversion de la production agricole et industrielle et de la distribution, alors il ne va pas s’agir de régler les problèmes du transport aérien – en trouvant par exemple une porte de sortie à des élus locaux qui vont se contenter de proposer un aménagement de l’aéroport existant – mais de questionner radicalement ce que signifie penser les transports et la mobilité dans un monde aux ressources fossiles rares (en élargissant à toute la problématique de l’extractivisme), dans le cadre global du dérèglement climatique.

Et si le projet d’aéroport à NDDL ne se réalisait pas, ce serait une « victoire », mais :

2- Qu’est-ce qu’une victoire, pour qu’elle ne devienne pas une défaite ?

  • Ce doit d’abord être la défaite de nos opposants, car ce sont bien eux qui sont les « opposants », les opposants au bien-vivre et à un monde de décence et de responsabilité. Notre victoire, c’est la défaite de Vinci et celle de tous ses relais politiques locaux.
  • Mais de quelle défaite s’agit-il ? Vinci remplacera son projet ici par un autre projet ailleurs et les affaires continueront – sans même parler des millions d’euros de dédommagement que devront payer l’Etat et les collectivités engagées. Quant aux « responsables » politiques, ils resteront en place et même s’ils sont remplacés ce sera bonnet blanc et rouge bonnet, bonnet rouge et blanc bonnet.
  • Il s’agira donc pour eux de défaites partielles ; et donc pour nous d’une victoire partielle. Car sur le fond, il y a toutes les chances 1/ que l’inutilité de NDDL ne signifie que l’utilité ravivée de l’aéroport de Bouguenais, 2/ que l’inutilité de NDDL une fois reconnue et acquise, il y a de grands risques pour que tous les moyens de la lutte soient jugés à leur tour inutiles. Et dans ce cas, la victoire de la bataille de NDDL n’évitera pas la défaite dans la guerre au productivisme.
  • NDDL, c’est plusieurs décennies de lutte durant laquelle les habitants se sont dotés de ces « moyens » extraordinaires (5) que sont l’ADECA, l’ACIPA, la coordination, la ZAD, le COPAIN, les naturalistes en lutte… Ces moyens sont en quelque sorte un échafaudage pour ravaler la façade, l’orgueil et la démesure des productivistes. Tous ces « moyens » vont-ils devenir inutiles en cas de « victoire » ? Tous ces moyens ne constituent-ils pas le chemin pour construire un autre monde, le trajet de la décroissance vers un monde où l’économie ne serait pas maître de nos vies ? Un monde où tous les critères ne tourneraient pas autour de l’utilité. Car c’est seulement dans le monde des aéroports qu’ il est toujours utile de construire des aéroports.

Une victoire contre les GPI ne peut être une victoire que si elle signifie l’abandon de leur monde. Mais alors comment abandonner ce qui est clef de tout le productivisme : l’utilité et ses calculs utilitaires ?

3- « L’abandon, c’est maintenant ». OK mais qui doit abandonner quoi ?

  • L’abandon de cet utilitarisme, c’est maintenant.
  • L’abandon du mythe d’un Homo Sapiens pouvant compenser miraculeusement les destructions des terres arables, des zones humides, des forêts, c’est maintenant
  • L’abandon de la fable d’une croissance infinie sur une Terre aux ressources limitées, c’est maintenant.
  • L’abandon de la fausse distinction entre bonne croissance et mauvaise croissance, c’est maintenant.
  • Mieux, l’abandon des regrets – ah si la nature nous fournissait des ressources infinies – c’est maintenant.
  • L’abandon de toutes les ruses pour continuer encore plus longtemps la croissance – développement durable, économie circulaire, mythe du progrès, catéchisme technophile – c’est maintenant.
  • Amis réformistes et électoralistes, l’abandon de la croyance qu’il s’agirait de prendre le pouvoir majoritaire par les urnes pour changer ce monde, c’est maintenant.
  • Amis révolutionnaires, l’abandon de la croyance que c’est en prenant le pouvoir par la rue qu’on y arrivera, c’est maintenant.

Comment aujourd’hui, en France particulièrement, ne pas constater qu’un parti vole de victoire idéologique en victoire idéologique, sans jamais pour autant obtenir la moindre victoire politique significative : c’est le Front National.

Si nous voulons d’autreS mondeS possibleS, si nous voulons des victoires sans aucun goût de défaite, si nous voulons qu’une convergence antiproductiviste se fasse par la radicalité et la cohérence politiques, alors nous devons crier :

« L’abandon de l’aéroport et de son monde, c’est maintenant. »

Maintenant j’abandonne la parole.

Intervention lue par Thierry Brulavoine, pour le MOC (Mouvement des objecteurs de croissance)

Notes et références

1. http://www.franceinfo.fr/economie/actu/article/67-milliardaires-aussi-riches-que-la-moitie-de-la-population-mondiale-334319
2. http://leclimatchange.fr/
3. Ce qui ne veut pas dire « utilisés » : voir à Cuidad Real. https://www.ecologistasenaccion.org/article18343.html
4. Christian Sunt, Les bonnets rouges ne nous feront pas croire au Père Noël, http://www.les-oc.info/2014/01/bonnets-rouges/
5. Le futur que nous réserve-t-il ? https://dl.poivron.org/jhwxngwd5ubwokistndu-rhfbcdtwd2qekd7y
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