Saint-Nazaire : Lien ElémenTerre : faire (re)naître des jardins en ville

Lien ÉlémenTerre, c’est ainsi que se nomme notre association, propose un cadre de rencontres qui permet la mise en relation de personnes disposant d’un jardin en ville, dont elles ne s’occupent pas, avec d’autres personnes à la recherche d’un espace de jardinage. L’association encourage la transmission de savoir-faire et l’entraide, redonne aux citadins le goût du jardinage et des saisons, participe à une alimentation saine, incite à des modes de culture respectueux de la nature…

Il s’agit dans un second temps, sur le plan communal, de promouvoir la plantation d’arbres fruitiers, de plantes aromatiques en ville et la transformation d’espaces laissés « en friche » en terre cultivable… L’association pose ainsi la problématique de la production alimentaire pour les citadins et celle de la terre et les végétaux comme « biens communs ».

 

Histoire d’une jeune pousse

L’idée est née autour d’un apéro : « … et si…!? ». Nous cherchions alors un espace pour jardiner en centre ville de Saint Nazaire, dans la perspective de plus d’autonomie alimentaire. De l’autre côté, une vue aérienne de St Nazaire et le constat que beaucoup d’espaces urbains privatifs insoupçonnés (derrières ses longues facades bétonnées) ou publics, pouvaient se prêter au jardinage…

Objecteurs de croissance (O.C.) et citadins nazairiens depuis 2003, nous nous sommes réellement mis au jardinage en 2007, en partageant 300 m2 avec un couple de copains, dans un jardin associatif à 10 minutes en voiture de chez nous. Cet éloignement nous a contraints à cesser au bout d’un an. Puis un jour, l’idée a germé, toute simple, si simple…

La forme associative fut adoptée, afin de proposer un cadre rassurant, avec un collectif de gestion déclaré en sous-préfecture (sans président ni secrétaire, ni trésorier officiels, manière de ne pas personnaliser les fonctions). Ce collectif est le garant dudit cadre, deux personnes ayant en charge le contact initial avec les futurs adhérents, temps important d’écoute et de rappel de la philosophie du projet.

Le climat sociétal actuel étant plus à la crainte de l’inconnu qu’à la rencontre spontanée, il ne nous semblait pas évident que des personnes laissent « l’autre entrer chez soi » dans cet espace privé, cocon intimiste, témoin des histoires de vie…. Contre toute attente, les choses se déroulent très simplement, la réunion mensuelle aidant à la rencontre, à l’ouverture et à la création spontanée des « binômes », (demandeurs/proposants) souvent par affinité… On note une véritable générosité dans la mise à disposition de ces jardins, dix sont ainsi cultivés à ce jour.

Une simple adhésion annuelle de 10 Euros pour un particulier et de 15 Euros pour une famille, permet à la fois aux chercheurs de jardins et aux proposants, de participer au projet. Cette somme permet de couvrir les charges de l’association, telles que l’assurance, les photocopies …

 

Nourrir le réseau alternatif pour le faire grandir !Lien ElémenTerre a choisi de s’inscrire dans un réseau solidaire dès le départ, en domiciliant son compte à la NEF. Nous sommes entrés très rapidement en contact avec l’association Kokopelli qui nous a offert un kilogramme de graines adaptées à notre région. Pour les adhérents il allait de soi que nous ne serions pas des jardiniers de la croissance avec les intrants et pesticides chimiques à foison, à poison devrions nous écrire. Une grande majorité des adhérent-es se retouvait autour de l’idée d’un jardinage biologique respectueux de la terre et des hommes. Il est d’ailleurs surprenant de constater que nous nous sentions toujours obligés d’affubler ce type de jardinage d’un adjectif justificatif… et si nous disions plutôt de l’autre type de jardinage qu’il s’agit d’un « jardinage chimique », histoire de remettre les choses dans le bon ordre ?


Les échanges s’inventent dans la gratuité…

Ce cadre associatif assure un échange non-monétaire, basé sur des accords individuels entre les personnes qui composent les « binômes », « trinômes »,… dans le respect mutuel des personnes, des lieux, des ressources naturelles, du matériel et de l’entente initiale (ex. : partage des récoltes, tailles d’arbustes, … ). D’autres échanges, non quantifiables mais ô combien essentiels s’opérent alors, tels que la présence, « le papotage au potager »… Il n’est plus là question de calcul, l’essentiel est ailleurs !

Le cadre est clair : il ne s’agit en aucun cas de « faire de l’entretien». Il existe des professionnels pour cela. L’appel de plusieurs personnes pensant qu’ils pourraient bénéficier de services gratuits, nous a permis de préciser à nouveau le projet.

 

Parce que nous sommes tous riches de quelque chose

Notre envie n’était pas de proposer une association « clef en main » que l’on consomme, ni d’avoir anticipé tous les cas de figure (ce qui nous semble d’ailleurs impossible), mais d’inviter chaque adhérent à se lancer dans l’aventure humaine de la rencontre, du dialogue, de l’écoute… . Le dialogue est à notre sens la clef de la réussite et les conflits qui peuvent naître sont souvent riches d’enseignement. Il n’y a donc ni charte, ni règlement intérieur, afin que lorsque la rencontre s’opère, les personnes aient la liberté d’établir les bases de l’entente, dans le respect bien entendu des principes précités. Liberté est donnée à chacun de combler ce manque et de proposer au besoin un document. Nous les incitons ainsi à être co-créateurs de ce projet, en les invitant à y réfléchir et à y participer activement : « l’association deviendra ce que chacun en fera ».

Notre projet est bâti sur deux socles essentiels : l’échange et la rencontre. Le contexte ouvert et convivial de chaque rencontre mensuelle, occasion d’une auberge espagnole riche en goût, permet de pouvoir s’exprimer en confiance, donnant lieu à l’émergence d’idées d’activités (visites de jardins, ateliers cuisine, confection de confitures, sortie botanique, échange ou don de plantes, de graines …).

 

Un terreau fertile pour reconnecter les citadins à la terre et à eux mêmes

Ce dispositif associatif permet de répondre à des besoins sociaux tels que la sortie de l’isolement, le développement de relations inter-générationnelles… On compte, parmi les 41 adhérents actuels, de nombreuses personnes seules et âgées, pour lesquelles le jardinage est prétexte à rencontres.

Il répond à des besoins culturels tels que la volonté d’apprendre à jardiner et ce à tout âge. Alain, jardinier « amateur expert », organise régulièrement des visites du jardin où il officie, dispensant avec passion et générosité son savoir-faire aux adhérents désireux d’apprendre ou de se perfectionner.

Ce cadre permet également de répondre à des besoins d’émancipation individuelle. Cela concourt tout d’abord, à la reconquête d’une part d’autonomie alimentaire pour nombre d’entre nous. Certains adhérent-es ont ainsi repris confiance en eux, notamment grâce au sentiment « d’utilité sociale retrouvée » (pour la personne qui offre son terrain ou pour celle qui rend service en cultivant une terre délaissée et en la mettant en valeur). Et quelle fierté de manger des tomates que l’on a soi même plantées et dont on a pris soin !

 

Un réseau alternatif local

Nous sommes entrés en contact, par le biais d’une adhérente, avec le Centre de culture populaire, regroupement original de comités d’entreprises du bassin nazairien. C’est ainsi que trois d’entre nous sommes allés présenter l’association sur le temps de pause du midi aux salariés de la société SIDES (construction de véhicules de la sécurité civile) puis ceux de MAN Diesel (construction de moteur d’avion). St Nazaire a tendance à gommer cette mémoire des jardins ouvriers avec distribution de graines à la sortie des usines.

Depuis plusieurs mois, Lien ElémenTerre collabore en outre avec l’une des maisons de quartier de la ville, près des chantiers navals, à la constitution d’un collectif intitulé « Riches ensemble » dont l’objectif est de rendre visible au grand public, d’autres modes de vie à St Nazaire. Y figurent : le Système d’échange local, Snalis asso remettant en état du matériel informatique pour le rendre à prix modique, le groupe nazairien des Objecteurs de Croissance, le collectif ludique nazairien, PHARE asso pour la création d’un habitat coopératif, et l’animatrice du Blog saintnazaire.net l’information autrement. C’est d’ailleurs grâce à ce blog que les journalistes ont eu vent de notre association. Bref c’est déjà « St Nazaire en transition » sans en avoir l’imprimatur ! Nous avons organisé début janvier 2011 « un marché de l’inattendu » après la grande déconnade consumériste pour développer le troc, le don et mettre un brin de poésie dans ce dur monde.

Par ailleurs, Alain Toublan, l’auteur de « Jardins en Loire Atlantique », repère par la presse Lien ElémenTerre alors que germe déjà en lui et quelques autres une idée de réseau des associations de jardiniers. Notre expérimentation concrète fut exposée lors d’une première rencontre, ouvrant sur d’autres manières de considérer le jardin et de conjuguer l’amour de la terre et des plantes à celui des hommes. La dynamique lancée par cette rencontre a participé à la naissance, fin novembre 2010, d’un réseau d’associations de jardiniers amateurs de Loire Atlantique, « Lien de jardins » avec une centaine d’associations déjà contactées. Un des objectifs de ce réseau est de rendre visible cette demande sociale et culturelle de reconnection à la terre auprès des instances politiques.

Notre association a fait partie des 50 projets retenus lors de l’opération organisée par le conseil général de Loire Atlantique « Une idée pour plus de solidarité » afin de promouvoir des projets innovants. A suivre !

Semons des graines !

Les enjeux soulevés par l’association répondent à de multiples besoins ou attentes qui sont dans « l’air du temps »… « nous avons juste humé cet air ». Mais soyons humbles, d’autres associations créatrices de lien social autour du jardin existaient déjà, ou éclosent actuellement partout en France et à travers le monde. Le grand intérêt des médias qui nous ont sollicités témoigne de cet engouement, tout autant que des diverses sollicitations des habitants des communes alentours, qui nous ont poussés temporairement à «élargir le périmètre d’action », initialement concentré sur Saint Nazaire.

Notre souhait n’est cependant pas de nous étendre géographiquement, nous devons en effet poser des limites à notre croissance pour permettre la rencontre, axe essentiel de ce projet. Cette démarche est une alternative concrète qui concourt à la relocalisation de nos vies et propose une autre manière de Bien Vivre ensemble dans une ville… Faire (re)naître des jardins en ville est également une manière de résister à l’urbanisation croissante et à la pression immobilère… Samson contre Goliath ?

La pérennité de la crise économique et sociale, le besoin du « retour à la terre », le vieillissement de la population, sont autant de raisons de donner naissance à ce type de projet dans de nombreuses autres villes. En témoignent les sollicitations d’habitants sur La Chapelle Sur Erdre, Toulouse, Rennes, Dijon, … et pourquoi ne pas créer un réseau national visible des habitants en quête de jardin… ?

Au sein de Lien ElémenTerre nous sentons comment la cohérence entre nos valeurs et leur mise en acte crée du sens à nos vies !

 

 

Christina et Thierry Brulavoine

 

http://lienelementerre.perso.sfr.fr/

http://www.spirale.attac.org

 

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